Transferts Nord-Sud: 7,5 milliards en faveur de la Wallonie
Une étude du centre d’études Jacques Georgin, think tank de DéFi, montre que la Flandre est contributrice nette et que Bruxelles bénéficierait d’une fiscalité liée au lieu de travail. Ce travail pose aussi le jalon de revendications pour les francophones, en cas de réforme de l’Etat profonde. La Wallonie en danger.
Les interminables négociations pour la formation d’un gouvernement fédéral ont remis sur la table la nécessité, à terme, d’une nouvelle réforme de l’Etat pour rendre la Belgique « plus efficace ». Parmi les partis francophones, DéFI plaide de longue date pour une grande réflexion afin de mettre nos institutions à plat. Le centre d’études Jacques Georgin, think tank du parti, planche sérieusement sur la question.
C’est dans ce cadre que Hervé Devillé, analyste expert du service d’études, publie une note étudiant les transferts interrégionaux en Belgique. Les transferts Nord-Sud, c’est un peu le montre du Loch Ness de la politique belge, c’est aussi l’un des clés fondamentales des tensions communautaires. Dans le cas d’une négociation sur une évolution confédérale du pays, l’enjeu serait majeur.
Emploi: Bruxelles défavorisée
L’étude analyse tout d’abord les interdépendances entre les trois Régions du pays, dans différents domaines – et leur impact sur les transferts.
En matière d’emploi: il existe un transfert de richesses important de la Région bruxelloise vers les deux autres Régions du pays. Traduisez: les navetteurs produisent de la richesse dans la capitale, mais payent leurs impôts en Flandre ou en Wallonie.
« Compte tenu des volumes respectifs d’emploi relatifs à ces navettes (359.067 emplois composent la navette entrante, dont 228.595 en provenance de la Région flamande et 130.472 en provenance de la Région wallonne contre 80.990 emplois qui composent la navette sortante dont 50.966 à destination de la Région flamande, 23.542 à destination de la Région wallonne et 6.482 à destination de l’étranger), d’importants transferts nets de richesse allant de la Région bruxelloise vers les autres régions du pays sont mis en évidence », écrit Hervé Devillé.
Politiquement, voici ce que cela induit comme revendication: « La correction de ces transferts suggèrerait une imposition des revenus des travailleurs navetteurs flamands et wallons dans la Région où ces revenus sont générés c’est-à-dire la Région du lieu de travail de ces travailleurs en l’occurrence la Région bruxelloise. »
Démographie: la Flandre vieillissante
Les interdépendances démographiques jouent elles aussi un rôle important.
Constat? « Cette analyse conduit au constat que l’économie de la Région flamande aura à supporter à l’avenir et de manière difficilement réversible une part grandissante de non actifs dépendants au sein de sa population, souligne Hervé Devillé. Cette évolution engendrera à terme des problèmes structurels de financement, essentiellement des dépenses de pension et de soins de santé parmi les futures dépenses de la sécurité sociale actuellement à charge l’Etat fédéral mais qui en cas de scission de celle-ci sera entièrement reportée à charge de l’économie de la Région flamande. »
Par ailleurs: « La Région wallonne enregistre également une croissance de sa population âgée en fin de période mais moins accentuée que celle de la Région flamande (…). La Région bruxelloise (…) est la seule région à être épargnée par ce problème de surcroît de dépenses de vieillissement de sa population, mais connaîtra d’autres surcroît de dépenses de sécurité sociale. »
Recommandation: pensions et soins de santé d’abord
Voilà pourquoi, en terme de recommandations, l’étude conclut: « En cas de nouvelles avancées institutionnelles souhaitées par la Région flamande, les compétences suivantes à rentrer dans le cadre d’une discussion en matière de scission de la sécurité sociale devraient prioritairement être liées aux pensions et aux soins de santé dont l’essentiel des dépenses (respectivement 65% et 60%) sont imputables à la Région flamande. La part des dépenses de la Région wallonne étant de respectivement 30% et 32% et la part des dépenses de la Région bruxelloise de respectivement 7% et 9%. »
Et aussi: « Les dépenses de chômage restant le dernier maillon de la solidarité nationale dont la Région flamande n’assume que 45%, la Région wallonne 38% et la Région bruxelloise 17% devraient constituer les dernières compétences à régionaliser dans le cadre d’une ultime réforme de l’État fédéral. »
Transferts: 7,5 milliards pour la Wallonie
L’étude fait ensuite une évaluation des transferts interrégionaux entre entités fédérées de la Belgique, selon différents critères liés à la solidarité interpersonnelle (notamment via la sécurité sociale) et la solidarité institutionnelle, organisée via la loi de financement. Ou en fonction du lieu du domicile pour la fiscalité (critère actuel) ou du lieu du travail (que certains aimeraient privilégier). « La question des transferts interrégionaux demeure politiquement sensible en Belgique et suscite, encore actuellement de nombreuses controverses », souligne l’auteur qui doit avoir travaillé de la façon la plus objective possible. D’où des chiffres forcément complexes.
Voilà donc la synthèse de ses différentes estimations.
– La Région bruxelloise est bénéficiaire nette des transferts interrégionaux pour un montant de 0,5 milliards d’euros dans le cas particulier du référentiel fondé sur le rapport des revenus et de l’imposition selon le lieu de domicile et elle devient contributrice nette pour un montant de 2,4 milliards d’euros en cas d’imposition selon le lieu de travail. Dans le cas particulier du référentiel fondé sur le rapport des populations, cette Région est contributrice suppléante pour un montant de 0,4 milliards d’euros dans le cas d’imposition selon le lieu de domicile et elle devient contributrice principale pour un montant d’environ 6 milliards d’euros en cas d’imposition selon le lieu de travail.
– La Région flamande reste contributrice nette des transferts interrégionaux dans tous les cas de figure, mais sa capacité contributrice dépend sensiblement des hypothèses considérées en termes de référentiels et de lieu d’imposition. Quel que soit le référentiel considéré en termes de rapport de populations ou de revenus, cette Région est contributrice majoritaire pour un montant d’environ 7 à 8 milliards d’euros en cas d’imposition selon le lieu de domicile. En cas d’imposition selon le lieu de travail, cette Région reste contributrice majoritaire pour un montant de 5 milliards d’euros dans le cas particulier du référentiel fondé sur le rapport des revenus et devient contributrice suppléante pour un montant de 1,4 milliards d’euros dans le cas particulier du référentiel fondé sur le rapport des populations.
– La Région wallonne reste bénéficiaire des transferts interrégionaux dans tous les cas de figure présentés pour un montant d’environ 7,5 milliards d’euros.
Evolution: avantage Bruxelles
Quant aux évolutions attendues, les voici:
– Pour la Région bruxelloise, les évolutions démographiques sont favorables en raison de sa jeune population qui permet d’envisager une croissance potentielle de sa population en âge de travail, mais le problème du faible taux d’emploi et d’un taux de chômage qui reste important dans cette Région risque de peser négativement à moyen terme sur l’évolution des transferts interrégionaux.
– Pour la Région flamande, les évolutions démographiques sont défavorables en raison de la croissance structurelle de sa population âgée qui risque d’entraîner à moyen terme une décroissance importante de sa population en âge de travail compensée cependant partiellement par un taux d’emploi élevé, proche du plein emploi, et d’un taux de chômage faible. Cette situation risque cependant de détériorer l’évolution des transferts interrégionaux dans cette Région qui pourrait de ce fait évoluer à moyen terme d’une position contributrice à une position bénéficiaire nette.
– Pour la Région wallonne, les évolutions démographiques sont moyennement favorables car la population âgée, précédemment stable, s’est sensiblement accrue dans un passé récent ce qui risque d’entraîner à moyen terme une décroissance progressive e sa population en âge de travail. Le problème du faible taux d’emploi et d’un taux de chômage encore important risque d’accentuer à moyen terme la position déjà très défavorable de l’évolution des transferts interrégionaux dont bénéficie cette Région.
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