Steven Van Gucht : « Les hospitalisations vont augmenter, c’est inévitable »
La Belgique connaît une nouvelle hausse des contaminations au Covid. Prévisible, selon le virologue Steven Van Gucht, qui préfère se concentrer sur les chiffres des hospitalisations. « C’est le plus important », dit-il au Vif, alors que la Flandre va virer au rouge (mais à quel point est-ce encore pertinent ?) et que le Covid Safe Ticket est entré en vigueur à Bruxelles. Entretien.
La Flandre vire au rouge sur la carte corona européenne (ECDC), malgré un excellent taux de vaccination. Dès jeudi, la Belgique se retrouvera donc repeinte de la même couleur. Mais est-il encore pertinent de parler de « zone rouge », dans une région avec une large majorité de la population vaccinée, et un pass sanitaire de plus en plus répandu en Europe?
Par ailleurs, face à la forte hausse des contaminations dans notre pays, faut-il s’attendre à un nouvel hiver rude pour nos hôpitaux? Entretien avec le virologue Steven Van Gucht.
On constate actuellement une nette augmentation des contaminations au coronavirus en Belgique. Était-ce prévisible, malgré l’avancement de la vaccination?
On observe une croissance assez rapide des contaminations, en effet. Ce n’était pas inattendu, pour plusieurs raisons. On a connu beaucoup d’assouplissements. L’arrivée de l’automne est aussi une des causes. Et l’année académique a démarré. Cette augmentation, on l’avait donc prédit avec tous ces facteurs.
Remarque-t-on une répercussion sur les hospitalisations ?
Pour l’instant, on note surtout une augmentation des infections. Les hospitalisations semblent aussi augmenter, mais il est un peu trop tôt pour tirer des conclusions. Actuellement, on est à un niveau qui reste bas, et on espère surtout rester dans une zone contrôlable et gérable pour les hôpitaux. Le but est aussi de pouvoir continuer les soins ‘non-covid’ en parallèle.
Les hospitalisations vont-elles rester gérables, cette fois-ci?
Les hospitalisations vont augmenter, c’est inévitable. Mais ce ne sera pas comparable avec la 1ère ou la 2e vague, principalement grâce au vaccin. Les personnes vaccinées sont bien protégées face aux risques d’hospitalisation, de soins intensifs et de décès. La vaccination va nous aider, mais ça ne veut pas dire qu’il n’y aura pas d’hospitalisations pour autant. On retrouve aussi des gens vaccinés à l’hôpital. Le vaccin protège bien, mais pas à 100%.
Les hospitalisations vont augmenter, c’est inévitable. Mais ce ne sera pas comparable avec la 1ère ou la 2e vague.
Steven Van Gucht
Faut-il donc s’inquiéter malgré le bon taux de vaccination?
Il faut être conscient qu’il y a actuellement une grande circulation du virus. Quand on se sent un peu malade, il faut garder à l’esprit que ça peut être le coronavirus. Ça reste important d’être prudent pour éviter de transmettre le virus aux autres. Par exemple, si vous avez un léger mal de gorge, il n’y a pas assez de symptômes pour se faire tester, mais il est alors très utile de porter son masque par sécurité.
Pourquoi le virus circule-t-il encore avec autant de vigueur?
Nous ne sommes pas encore à ‘l’équilibre final’. Car il y a encore trop de « carburant » disponible pour le virus. Cela signifie qu’on peut encore s’attendre à des croissances. A un certain moment, ça va se stabiliser. Mais les semaines qui viennent vont connaître une circulation intense du virus.
Ce jeudi, la Flandre va passer au rouge sur la carte covid de l’ECDC. A quel point parler de « zone rouge » est-il encore pertinent pour une région comme la Flandre, qui dispose d’un excellent taux de vaccination?
Les zones rouges sont une indication dans le cadre des voyages. Pendant la saison touristique, il y avait des grandes différences en Europe avec des pays rouges et des pays verts. Il y a donc un risque de transporter le virus d’une zone fortement touchée vers une zone qui l’est beaucoup moins. Les codes de couleur sont donc utiles principalement pour éviter cette circulation du virus entre pays touchés et pays « verts ».
Mais actuellement, la circulation du virus augmente un peu partout en Europe. Quand une zone est rouge, cela veut dire qu’il y a une grande circulation du virus. Mais ça ne veut pas nécessairement dire que la situation est problématique dans les hôpitaux. Ce qui compte vraiment, ce sont les chiffres des hospitalisations.
Zone rouge » ne veut pas nécessairement dire que les hôpitaux sont pleins.
Steven Van Gucht
La zone rouge de l’ECDC, cela signifie simplement que les infections augmentent. Mais beaucoup de ces infections sont assez légères, quand le taux de vaccination est bon. Par exemple, en Flandre, la grande majorité des gens est vaccinée. Donc oui, beaucoup de personnes attrapent encore le covid, mais en général, cela se présente juste comme un rhume. On retrouve une hospitalisation seulement dans une petite minorité des cas. « Zone rouge » ne veut pas nécessairement dire que les hôpitaux sont pleins.
Il y a d’autres régions en Europe qui sont aussi en rouge, comme la Bulgarie, la Roumanie ou les pays baltes, mais où les hôpitaux sont remplis. Une zone rouge n’est pas l’autre…
Tout à fait. Il convient donc de faire la distinction entre ces pays estampillés de rouge et se fier davantage au taux d’hospitalisation de chaque pays. En Roumanie, par exemple, c’est une vraie crise, les hôpitaux sont surchargés. A tel point qu’ils vont devoir transférer leurs patients vers la Hongrie. La raison, c’est que leur taux de vaccination n’est pas assez élevé. Ils ont un taux de vaccination de 40%, et en Bulgarie, c’est 30%, encore pire. Dans les pays baltes (Lettonie, Lituanie), c’est un peu comparable à Bruxelles avec un taux de vaccination de 50-60%. Et on observe que ce n’est pas assez.
Le Covid Safe Ticket, c’est un très bon instrument pour contrer le virus. Le problème, c’est qu’il est utilisé comme un moyen qui permet d’abandonner toutes les autres mesures. C’est un choix.
Steven Van Gucht
Donc, ces pays sont en rouge comme la Belgique, mais il ne s’agit pas uniquement d’une augmentation des contaminations, mais aussi des hospitalisations. C’est ce qui est le plus problématique. J’espère qu’on pourra l’éviter en Belgique. N’oublions pas : une fois que l’on est vacciné, cela ne veut pas dire qu’on ne doit plus faire d’efforts. Il y a toujours un sens à aider nos hôpitaux en essayant de ralentir la circulation du virus.
Le Covid Safe Ticket est entré en vigueur à Bruxelles. La Wallonie va suivre sous peu. Le précieux QR code est-il une « assurance tous risques »?
Le Covid Safe Ticket, c’est un très bon instrument pour contrer le virus. Le problème, c’est qu’il est utilisé comme un moyen qui permet d’abandonner toutes les autres mesures. C’est un choix. Je ne dis pas que je suis contre, mais il faut être conscient que ce n’est pas parce qu’on a montré son QR code à l’entrée que l’événement est 100% sûr. Cela ne garantit pas qu’il n’y ait pas de circulation du virus. Par exemple, si on le combine avec une distanciation et le port du masque, ça fonctionne beaucoup mieux. Je ne dis pas qu’il faut réinstaurer ces mesures. Mais il faut être conscient que Covid Safe Ticket ne veut pas dire que c’est 100% safe.
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