« Si un CEO ‘magouille’ son CV, c’est toute l’image de l’entreprise qui en pâtit »

Caroline Lallemand Journaliste

Entre un stage et un poste de consultant en stratégie, il y a une marge. Que n’a pas hésité à franchir Guillaume Boutin. Suite à nos dernières révélations sur le CV du nouveau patron de Proximus, nous avons posé trois questions à Frédéric Tomas, chercheur en psychologie cognitive à l’Université Paris VIII, auteur du livre « Le Mensonge », formateur à la détection du mensonge.

Entre un stage et un poste de consultant en stratégie, il y a une marge. Que n’a pas hésité à franchir Guillaume Boutin. Une nouvelle zone d’ombre sur le parcours professionnel du CEO de Proximus que nous révélions.

Suite à cette nouvelle polémique, nous avons posé trois questions à Frédéric Tomas, chercheur en psychologie cognitive à l’Université Paris VIII, auteur du livre « Le Mensonge », formateur à la détection du mensonge.

Est-ce courant de mentir sur son CV ou en entretien d’embauche ?

Mentir sur son CV est très courant. Selon les professionnels, jusqu’à trois CV sur quatre seraient trompeurs. ll existe des cas récurrents de falsification de CV à tous les niveaux. Prenons l’exemple parmi d’autres du PDG de Yahoo!, licencié en 2012 pour avoir menti sur son CV. Il y avait déclaré un diplôme en sciences informatiques qui n’a jamais existé. Plus récemment, on a appris qu’en falsifiant son CV, un officier de l’armée suédoise était parvenu à se hisser jusqu’au siège de l’Otan pour le compte de la Suède. L’homme aurait menti sur son expérience et contrefait un diplôme d’école d’officiers.

Quelles sont les différentes sortes de mensonges ?

Des personnes ont tendance à s’arranger avec la réalité pour embellir certaines parties de leur parcours professionnel. Un mensonge peut se faire par omission volontaire ou par commission. L’omission d’un élément ou l’autre est difficile à détecter.

Dans le cadre d’un entretien d’embauche, le candidat a davantage tendance à mentir par commission, c’est-à-dire à construire, modifier, ou plus souvent, gonfler la réalité. Un « mensonge par inflation » dans le cas d’un titre de fonction gonflé a pour but de correspondre à l’idéal du poste pour lequel l’on postule. Parfois, il s’agit aussi de « name droping », quand on utilise la notoriété d’une entreprise ou d’une université pour asseoir sa réputation.

Il faut aussi analyser s’il y a un souci de cohérence, un grand écart entre ce qui est mentionné sur le CV et la fonction réellement exercée. Un candidat pourrait par exemple se faire passer pour JUNIOR alors qu’il n’est que stagiaire. Tout ceci doit être cohérent avec le reste du parcours professionnel du candidat, des informations disponibles auprès de l’employeur précédent. De là, on peut commencer à déceler si le candidat est fiable ou pas pour être embauché.

Quelles pourraient être les conséquences de ces pratiques ?

A tous les niveaux, que ce soit pour un haut dirigeant ou pour un employé subalterne, outre le manque de transparence et d’intégrité des personnes qui modifient leur CV pour le rendre plus attrayant, les conséquences peuvent être dramatiques. Engager une personne qui ment sur ses capacités, ou ses intentions est un risque. De la perte financière par incapacité au partage malintentionné de données confidentielles, chaque embauche, de l’étude du CV aux entretiens, met en jeu la crédibilité de la société et sa stabilité économique. Si un CEO « magouille » son CV, c’est toute l’image de l’entreprise qui en pâtit.

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