Secousses sismiques en vue dans le monde très fermé de l’agriculture
Face à l’envolée du prix des terres agricoles, le gouvernement wallon s’apprête à créer une banque foncière en marge de la délicate réforme du bail à ferme. Secousses sismiques en vue dans le monde très fermé de l’agriculture.
« Sur une année, seul 1 % des terres agricoles change de propriétaire en Région wallonne », explique Yvan Hayez, secrétaire général de la Fédération wallonne de l’agriculture (FWA). Les transactions les plus chères portent sur les terres libres d’occupation. Un statut rarissime vu la longueur des baux à ferme, généralement conclus pour une durée de 27 ans mais reconductibles et cessibles à un héritier repreneur. « Il ne s’agit pas de spéculation, observe le notaire Renaud Grégoire, de la Fédération royale du notariat belge. C’est le jeu de la rareté qui fait monter les prix. »
Au nord du sillon Sambre et Meuse, l’hectare atteint régulièrement les 60 000 euros, principalement pour les grandes superficies. « Depuis le début des années 2000, le montant des terres agricoles a doublé », poursuit Renaud Grégoire. Une vaste étendue attire des investisseurs plus lointains. Jean-Pierre Delwart, président de l’Association des propriétaires ruraux de Wallonie (NTF), conteste toutefois les échos erronés quant au profil des acquéreurs de terres. « Dans 95 % des cas, ce sont des agriculteurs et non des sociétés financières. » Yves Lange, administrateur du Comptoir foncier, confirme : « Ce sont les agriculteurs qui mettent les plus gros prix. »
C’est ainsi que, d’année en année, le monde très fermé de l’agriculture se distend autour de ces terres hors de prix, en dépit de toute rationalité économique. La pérennité et l’hégémonie des « anciens » freinent l’arrivée des « nouveaux », dont l’accès aux terres de culture, même en tant que locataire, est considérablement mis à mal. Sous la législature wallonne précédente, le ministre Carlo Di Antonio (CDH) avait initié plusieurs chantiers pour tenter de réguler cette envolée des prix. L’annonce la plus controversée portait sur une capacité future du gouvernement wallon à racheter prioritairement des terres agricoles – on parle de droit de préemption – au prix qu’il juge raisonnable, pour les mettre ensuite en location à des exploitants correspondant à un profil bien précis.
D’autres dispositifs consacrés dans le Code wallon de l’agriculture s’apprêtent à voir le jour cette année. Le premier porte sur la création d’un observatoire foncier agricole au niveau régional. Il doit répertorier les données cadastrales, la disponibilité des biens, le prix des terres et l’identité des acquéreurs. Souci : les statistiques sur les transactions liées aux terres agricoles font défaut depuis 2007, dans toutes les régions du pays. L’observatoire foncier devrait donc reposer sur les données transmises par les notaires. « Or, il y a très peu de transactions et de points de comparaison », précise l’un d’entre eux.
Le gouvernement régional envisage surtout de montrer l’exemple à travers la création, plus complexe, d’une banque foncière wallonne. Celle-ci sera amenée à gérer de façon centralisée les 7 000 hectares de terres agricoles que possède la Région wallonne, tout en lui permettant d’acquérir ou de revendre des biens. René Collin évoque une mise de départ de 4 millions d’euros, issus de la Direction de l’aménagement foncier rural. « Le fonds devra s’accroître si la banque veut acquérir d’autres biens », concède le ministre. Son souhait d’en ouvrir l’accès à d’autres opérateurs (communes, CPAS, fabriques d’église) n’est toutefois pas près de se concrétiser. A l’heure actuelle, la Région wallonne n’a tout simplement pas l’argent.
Le dossier dans Le Vif/L’Express de cette semaine
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