Respect des libertés fondamentales: la Belgique rétrogradée à cause de la « répression policière »
Le projet de recherche international Monitor Civicus vient de publier un rapport sur l’état du respect des libertés fondamentales dans le monde. La Belgique a été rétrogradée de la catégorie « ouvert » à « rétréci », en raison de la « répression continuelle de rassemblements pacifiques » par la police, qui userait de force excessive.
Alors qu’elle faisait partie des quelques pays considérés comme étant ouverts et libres en matière de respect des libertés fondamentales, la Belgique a été rétrogradée de catégorie au même titre que la Biélorussie, la Pologne et la République tchèque, ressort-il mercredi du nouveau rapport du Monitor Civicus, un projet collaboratif de recherche international chargé d’évaluer et de faire un suivi du respect des libertés fondamentales dans 197 pays et territoires. La « répression continuelle des rassemblements pacifiques » sur le territoire est notamment à l’origine de ce déclassement belge.
Dans ce rapport intitulé « Le pouvoir du peuple sous attaque 2021 », la Belgique passe ainsi de la catégorie « ouvert » à « rétréci », ce qui signifie que les libertés civiques, notamment les libertés d’expression, de réunion et d’association, se détériorent dans le pays. Cinq catégories existent: fermé, réprimé, obstrué, rétréci ou ouvert.
Pour la Belgique, le Monitor Civicus est particulièrement préoccupé par la force excessive employée par la police pour disperser des manifestations, notamment concernant des protestations contre les injustices raciales et de classe.
« Trois grandes manifestations contre l’injustice raciale et de classe entre novembre 2020 et janvier 2021 ont été violemment réprimées par la police, avec notamment l’utilisation d’une arme semi-létale, la police étant également accusée d’avoir roué de coups et étranglé des manifestants, de leur avoir dit des insultes racistes, et d’avoir placé en détention des centaines d’entre eux, y compris des mineurs », pointe notamment le rapport.
Le Monitor Civicus fait notamment référence à la mort, en janvier dernier, d’Ibrahima Barrie, un homme noir de 23 ans décédé d’une crise cardiaque alors qu’il était en garde à vue, qui avait déclenché des manifestations violentes à Bruxelles. « Plus d’une centaine de personnes, dont 30 mineurs, ont été arrêtées. La police a fait usage d’une force excessive pour disperser les manifestants, ainsi que de gaz lacrymogènes et d’armes anti-émeute, connues sous le nom de « flash-balls » (…) », dénonce le rapport.
Lire aussi: « Filmer l’action policière est un droit »
Celui-ci fait également état d’un incident similaire survenu en novembre 2020, lorsque des manifestants se sont rassemblés pour protester contre la mort d’Adil, un jeune de 19 ans d’origine marocaine, tué lors d’une poursuite policière à Anderlecht.
Par ailleurs, lors d’une manifestation contre les injustices de classe le 24 janvier, la police a tenté de contrôler la situation par un déploiement excessif de force (agents anti-émeute, cavalerie, drones, hélicoptère,…), peut-on lire dans le document. « Plus de 230 personnes ont été arrêtées, dont 86 adolescents, et on a signalé des cas de violences physiques et d’insultes racistes et sexistes au cours des périodes de détention. »
« Nous sommes aussi extrêmement inquiets du fait que la brutalité policière semble avoir une connotation raciale et cible les personnes issues de communautés marginalisées et vulnérables », commente Aarti Narsee, chercheuse sur l’espace civique européen chez CIVICUS.
Lire aussi: Police, pourquoi tant de haine
« Nous sommes également préoccupés par l’arrestation d’un grand nombre de mineurs et nous trouvons ironique que la police belge place des personnes sous détention alors que le risque de contracter le Covid-19 dans des espaces restreints, comme les cellules, est toujours très présent. »
Des actes malencontreux à l’égard de journalistes lors de manifestations liées au Covid-19 ont également été relevés en Belgique et dans d’autres pays comme la France, l’Italie, la Macédoine du Nord et l’Espagne. Les droits des migrants suscitent aussi des inquiétudes en matière de respect des libertés fondamentales en Belgique. « En mai, quelque 450 travailleurs immigrés sans papiers ont entamé une grève de la faim pour réclamer leur reconnaissance légale. Le collectif déclare avoir été confronté à des interventions violentes et répressives des forces de l’ordre lors d’une de ses grèves », relève par exemple le Monitor Civicus, auquel plus de vingt organisations collaborent.
De manière plus générale, l’érosion des droits fondamentaux se reflète dans toute l’Europe, où même des démocraties consolidées comme le Royaume-Uni et la France ont connu cette année un déclin dramatique des libertés civiques, conclut le rapport.
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici