Caroline Pauwels et Marc Noppen © AURÉLIE GEURTS

« Rendez le vaccin obligatoire pour les étudiants »

Michel Vandersmissen Journaliste pour Knack

Notre système de soins de santé doit changer, de même que le fonctionnement de nos universités et de nos politiques. C’est ce que disent Marc Noppen, directeur général de l’hôpital universitaire de Bruxelles, et Caroline Pauwels, rectrice de la VUB.  » Surtout, soyons plus ambitieux. Mettons fin à la culture de médiocrité et à l’esprit de cloisonnement.  » Entretien avec notre confrère de Knack.

Juste avant le début de notre entretien, Marc Noppen reçoit un SMS. « Deux nouveaux patients Covid sous respirateur dans notre hôpital », dit-il. « Le département Covid de soins intensifs est à nouveau plein. Je crains qu’il faille encore cinq ans avant que cette pandémie ne soit totalement maîtrisée. » Le pneumologue Noppen a acquis une renommée nationale grâce à son approche sans concession de la crise de la crise du coronavirus et à son attitude critique à l’égard des personnes ayant des responsabilités politiques. Dans son livre Gewoon Anders (Simplement différent) il décrit les conditions parfois proches du vaudeville lors de concertations avec certains ministres.

Les atermoiements des politiciens contrastent fortement avec les solutions créatives du secteur médical. Les ingénieurs de la VUB ont également surpris Noppen : « Peu après le premier confinement, on a connu une menace de pénurie de respirateurs. Des ingénieurs m’ont envoyé un courriel : comment fonctionne un tel dispositif ? Nous allons en fabriquer. Et ils ont réussi. Le moteur provient d’essuie-glaces de chez Audi Bruxelles et les masques sont des masques d’apnée de Décathlon. »

« La bonne nouvelle, c’est que ces ingénieurs ont mis les plans de construction de leurs respirateurs sur l’open net, de sorte que n’importe qui peut les copier », explique la rectrice de la VUB, Caroline Pauwels. « C’est ce qui s’est passé, jusqu’en Amérique du Sud. Le covid a provoqué une percée de ce que l’on appelle l’open source ou l’open science: des scientifiques du monde entier ont partagé leurs informations entre eux au lieu de les cloisonner. Quand toutes les personnes intelligentes travaillent ensemble, beaucoup de choses sont possibles. Je suis atteinte d’un cancer. Il est dommage que les données issues de la recherche sur le cancer soient beaucoup moins partagées. Cela coûte des vies ».

Marc Noppen voit un autre bel exemple de l’interaction entre hôpital et université. « Nos ingénieurs travaillant sur le big data et l’intelligence artificielle ont transformé nos scanners en un outil qui permet de voir très rapidement si une personne est infectée et comment l’infection va évoluer. Au début, nous étions submergés de nouveaux patients et il n’y avait pas assez de tests. Comme nous devions trop souvent naviguer à l’aveugle, je suis allé voir notre radiologue Johan Demey. Il a suggéré de faire passer un CT-scan à faible dose à tous les patients. C’était une idée brillante, car elle nous a permis de recueillir beaucoup d’informations très rapidement. Grâce à un logarithme d’auto-apprentissage, nous avons fini par savoir avec une quasi-certitude non seulement si une personne était atteinte de covid, mais aussi comment la maladie évoluerait, si et quand le patient aurait besoin d’être ventilé, etc. Ce système est désormais utilisé dans 800 hôpitaux du monde entier. »

Dans votre livre, vous êtes très dur envers les politiques.

Marc Noppen : Je ne critique pas la politique ou tous les politiciens, mais je critique la façon dont certains politiciens et « le système » ont géré cette crise. Mon plus grand reproche n’est pas que des erreurs aient été commises – nous faisons tous des erreurs, nous les premiers. Mais je trouve inacceptable que certains hommes politiques ne reconnaissent pas leurs erreurs et n’en tirent donc aucune leçon.

L’inertie politique a littéralement coûté des vies, écrivez-vous.

Noppen : J’ai longtemps hésité à l’écrire comme ça, mais c’est tout simplement mesurable. Je travaille dans un secteur financé par des fonds publics et j’estime donc qu’il est de mon devoir de dire ce qui a mal tourné et ce qui a bien tourné. Ces dernières décennies, nos politiciens ont rendu notre société artificiellement complexe, et je les en blâme. Une lasagne avec beaucoup trop de couches où tout le monde est compétent et personne n’est responsable : voilà qui ne fonctionne pas, surtout en cas de crise.

Pauwels : Pourtant, cette stratification politique complexe offre également des opportunités. Le fait qu’il existe une couche politique européenne ainsi qu’une couche politique fédérale, bruxelloise ou flamande peut être un avantage. Marc a cependant raison de dire que ces nombreux niveaux n’aident pas à résoudre les problèmes complexes, et je crains qu’ils ne se rapprochent de plus en plus de nous dans un avenir proche.

Pourquoi plaidez-vous en faveur d’un référendum sur l’avenir de la Belgique ?

Noppen : Les querelles entre les régions durent depuis des décennies maintenant. J’en ai assez. Et beaucoup de gens partagent ce sentiment. Soit vous divisez le pays, soit vous restez ensemble. Et si 80 % de la population dit que l’avenir est belge, alors arrêtez immédiatement le foin communautaire.

Les politiciens diront : le docteur Noppen est naïf.

Noppen : Aucun doute là-dessus. Mais ce sont les « rêveurs naïfs » qui ont toujours fait la différence dans l’histoire. J’espère également qu’ils ne me dépeindront pas comme un Belge fanatique, car je ne le suis pas. Mais la façon dont les choses sont faites maintenant ? Je trouve que c’est inefficace, inefficient et beaucoup trop cher. J’entends parfois les gens dire qu’il est trop tard, qu’on ne peut pas remettre le dentifrice dans le tube. Mais ce n’est pas vrai. Il n’est jamais trop tard pour reconnaître que nous faisons le mauvais choix.

Devons-nous refédéraliser?

Noppen: Non, c’est une fausse prémisse. Ce que je veux dire, c’est que pour chaque problème, il faut trouver le niveau le plus approprié pour la meilleure solution. Pour un problème, cela pourrait être européen. Pour d’autres, comme la gestion de crise, il pourrait s’agir d’une compétence fédérale. Et un troisième problème pourrait bien être abordé très localement. Mais arrêtez la fragmentation, les chevauchements et les couches qui n’apportent aucune valeur ajoutée mesurable. Pendant la crise du covid, nous avons dû consulter neuf ministres de la santé. C’est inapplicable, il y a beaucoup de concertation et surtout une prise de décision lente.

Il vous manque également une hiérarchie entre les niveaux politiques de notre pays. L’Allemagne a ses Länder, mais si nécessaire, la chancelière Angela Merkel intervient pour rappeler les Länder à l’ordre.

Noppen : Le Premier ministre Alexander De Croo (Open VLD) l’a fait une fois en février lorsque les régions ont insisté pour assouplir les règles, malgré les mauvais chiffres d’infection. J’ai trouvé cela courageux, mais d’autres l’ont immédiatement accusé d’abus de pouvoir ou d’usurpation.

Un professeur est-il mieux placé pour diriger une grande institution qu’un directeur commercial ?

Noppen: (sourit): Selon une étude internationale, les hôpitaux dirigés par des médecins sont nettement plus performants. Un hôpital est une entreprise, mais une entreprise très spéciale. Le produit est un ensemble vaste et hétérogène de services et l’appareil de production est constitué en grande partie de médecins. (rires) Je peux vous dire, d’après ma propre expérience, que ce ne sont pas toujours les « employés » les plus faciles.

Pauwels : Pour Marc, c’est certainement utile qu’il soit médecin, notamment pour être pris au sérieux par ses collègues. Par extension, cela vaut également pour une université, certainement pour l’enseignement et la recherche. Il est préférable que vous soyez l’un d’entre eux, que vous connaissiez les ficelles du métier. Nous avons beaucoup de consultants de passage. Un regard extérieur peut être utile, mais lorsqu’ils veulent appliquer leurs propositions, ils sont parfois surpris: « Ce n’est pas comme ça que nous l’avions imaginé ». En outre, je crois que le leadership est différent de la gestion. Le leadership est une question de vision, de raconter une histoire.

Noppen : La gestion concerne les données et le leadership concerne les personnes, mais il faut les deux. Notre hôpital a un chiffre d’affaires annuel d’un demi-milliard d’euros et emploie plusieurs milliers de personnes. Vous avez donc besoin d’un financier à vos côtés.

Tous les deux, vous accordez beaucoup d’importance à la confiance ?

Pauwels : J’ai appris à déléguer. Mais surtout, j’ai appris que je ne peux travailler que sur la base de la confiance. C’est pourquoi je déteste la bureaucratie excessive. La bureaucratie est fondée sur la méfiance et le contrôle.

Noppen : Les règles et les procédures constituent une méfiance institutionnalisée : nous partons du principe que la fraude a lieu et que des règles sont donc nécessaires pour l’empêcher. À chaque scandale, on ajoute des procédures. Au cours de mes quinze années en tant que CEO, on a ajouté cinq mécanismes de contrôle à notre fonds de pension pour vérifier que tout était fait dans les règles. Parce qu’à un moment donné, quelque chose a mal tourné. Pendant la crise du covid, j’ai aboli un grand nombre de règles et simplifié les procédures afin d’accélérer les choses.

Pauwels : Les structures de notre université n’étaient pas non plus prévues pour cette crise. Nous avons une université qui fonctionne sur la base de modèles du 19e siècle. Il y a trop de silos verticaux avec de plus en plus d’hyper-spécialités. Nous sommes trop étroitement divisés en facultés et en disciplines, alors que nous avons besoin de plus d’interdisciplinarité. Je suis en train de lire un livre qui fait la distinction entre ce qui est évident, ce qui est compliqué et ce qui est complexe. Si un fusible saute dans ma maison, je sais ce qu’il faut faire : remonter l’interrupteur. C’est une évidence. Si vous êtes malade, vous devez aller voir un spécialiste, un médecin qui a fait beaucoup d’études, parce que c’est trop compliqué pour que vous puissiez le résoudre tout seul. Et puis il y a la complexité, où vous avez besoin d’experts de différentes disciplines. Si nous ne le faisons pas, ce sera le chaos. Nous l’avons vu lors de la première vague du coronavirus et je crains que des menaces aussi complexes ne deviennent de plus en plus courantes. Regardez la crise climatique ou les inondations dans les Ardennes.

Noppen : Nos hôpitaux doivent également s’adapter à cette nouvelle réalité, ce que nous avons d’ailleurs déjà fait dans une certaine mesure pendant cette crise. À l’étranger, nous voyons apparaître des modèles d’hôpitaux totalement nouveaux.

Tels que?

Noppen: L’hôpital de Vimercate, dans le nord de l’Italie, par exemple, est conçu en fonction de la gravité des soins et non d’une seule spécialité comme l’orthopédie ou la radiologie. Il n’y a plus de silos verticaux, mais des parcours horizontaux de patients. Karolinska en Suède fait quelque chose de similaire. Le Kansas possède l’exemple le plus extrême : le premier hôpital du monde sans patients. Tous les soins sont numériques et à distance. Nous le faisons déjà dans une certaine mesure, par exemple pour le suivi des patients chroniques, des patients munis d’une pompe à insuline ou à douleur, etc. Nous devons oser trouver un nouveau mix.

Que voulez-vous dire par ces chemins horizontaux ?

Noppen : Un exemple : un médecin généraliste trouve une grosseur dans le sein d’une patiente. Elle doit ensuite se rendre à l’hôpital pour passer une mammographie, puis chez le pathologiste, l’oncologue, le chirurgien, l’assistant social, le psychologue, etc. Dans une clinique du sein, toutes ces différentes facettes sont réunies. Une telle clinique n’est plus centrée autour des spécialistes, mais autour des patients.

Docteur Noppen, vous êtes énormément agacé par la médiocrité de ce pays.

Pauwels : Vous n’êtes pas seul, Marc. Je viens d’assister à un débat sur les droits de l’homme. L’avocat Walter Van Steenbrugge était irrité par la médiocrité du système judiciaire, de la politique et des médias. Vous pouvez étendre cela à d’autres domaines. Il faut également améliorer la qualité de notre enseignement.

Noppen : Je suis hautement agacé par cette recherche du médiocre dans la médiocrité. J’ai récemment eu un problème de télécommunications et, via la ligne d’assistance d’un opérateur, je me suis retrouvé dans une situation kafkaïenne. Je ne peux pas imaginer que des employés désireux d’aider leurs clients tolèrent une telle chose. Notre culture où l’on se contente de la moyenne est présente à tous les niveaux.

Pauwels : Je sais que Marc est agacé par la médiocrité de certains politiques, mais est-ce que c’est tellement mieux ailleurs ?

Noppen : Qui veut faire de la politique ? J’écris dans mon livre que notre pays a trop peu de bons politiciens,, »des hommes ou femmes d’état ». Comment pourrait-il en être autrement ? Il nous en faut tellement pour remplir toutes ces couches politiques de nos lasagnes. Je vois une incroyable bureaucratisation de nos parlements. Cela ne tue-t-il pas le talent politique ? Un président de parlement m’a dit que le meilleur membre du parlement est celui qui connaît le mieux le règlement…

Nous semblons être satisfaits assez rapidement, y compris pendant les Jeux olympiques. Les Pays-Bas figurent parmi les dix meilleurs pays du monde en termes de médailles.

Noppen : La semaine dernière, j’entendais un cavalier belge à la radio : son ambition était d’être parmi les trente premiers. Pardon? On participe pour gagner, non? Les vrais meilleurs, comme Nina Derwael et les joueurs de hockey, dégagent cette passion et ce désir. Lorsque les Diables rouges terminent troisièmes de la Coupe du monde, on organise une fête sur la Grand-Place de Bruxelles. Mais si les hockeyeurs avaient « seulement » gagné l’argent, ils seraient tombés par terre en pleurant. Je ne trouve pas normal que les Pays-Bas gagnent tellement plus de médailles que la Belgique.

Pauwels : Il y a certainement assez de talent. Ce qui fait défaut, c’est le mentorat, et cela vaut tout autant pour nos universités. Dans les institutions anglo-saxonnes, les scientifiques de talent sont repérés dès leur plus jeune âge et guidés par des mentors. Ils veulent que ces talents deviennent meilleurs qu’eux-mêmes. Chaque professeur devrait se battre pour que ses étudiants deviennent meilleurs que lui. Maintenant, on voit parfois le contraire. Je peux vraiment être fier de mes concurrents. Pour moi, c’est une bonne chose que la Belgique se porte bien – ou la Flandre ou Bruxelles. Cessons de comparer constamment les régions, comme cela s’est produit récemment avec les performances covid des hôpitaux de Flandre, de Bruxelles et de Wallonie.

Noppen : Ça m’a rendu malade. On compare des choses qui ne peuvent pas être comparées. Selon cette étude, les hôpitaux de Flandre occidentale, par exemple, auraient obtenu les pires résultats. Mais ce n’est pas le cas. C’est là que vivent le plus grand nombre de personnes âgées, mais on ne le dit pas.

Pauwels : Dans ce pays, même les médailles de Tokyo sont communautarisées. La médaille d’or de Nina Derwael est-elle belge ou flamande ? Je trouve cela triste.

Vous apparaissez tous deux régulièrement dans les médias. Est-il encore agréable de lire les réactions sur les médias sociaux ?

Noppen : C’est incroyable le nombre de bêtises que l’on peut y lire sur soi. Depuis l’Académie royale de médecine, nous avions lancé une proposition de vaccination obligatoire pour tout le personnel de santé. Nous avons travaillé dur sur ce point et tout le monde dans le secteur des soins était d’accord. Mais que se passe-t-il alors ? Une armée de trolls anonymes commence à répandre tout ce qu’ils peuvent sur vous. Il y avait même quelqu’un qui trouvait qu’il fallait me faire un nouveau procès de Nuremberg.

Pauwels : Je suis très inquiet à ce sujet. L’humanité a toujours été occupée à créer son propre Frankenstein. Les réseaux sociaux et numériques en font partie. C’est un modèle économique basé sur les émotions. Les politiciens devraient rester à l’écart des réseaux sociaux. Ils proposent quelque chose et en quelques minutes, leurs collègues envoient un tweet. Je me demande parfois si une bonne politique est encore possible avec les réseaux sociaux.

Peut-on attendre des citoyens qu’ils suivent des mesures si les politiciens les remettent immédiatement en question ?

Noppen : De nombreux politiciens surestiment la pensée à court terme. J’en ai fait l’expérience personnellement avec un ministre. L’une des causes de la deuxième vague a été l’assouplissement prématuré et trop massif de certaines mesures de confinement. Sur base des chiffres très inquiétants de nos spécialistes, plusieurs experts et moi avons dit au gouvernement : ne le faites pas, ça va mal finir. Ils l’ont fait quand même. Et qu’a dit le ministre un peu plus tard à Terzake ? « Nous avons pris les décisions sur la base des chiffres fournis. » Ce n’est pas correct. Et bien, si le comité de consultation décide quelque chose, et qu’une minute plus tard Georges-Louis Bouchez (MR) tweete que pour lui c’est inacceptable, je pense que les citoyens perdent confiance, oui.

De grandes entreprises américaines, dont Google, Facebook et Netflix, instaurent une obligation de vaccination pour leurs employés. Cela devrait-il également se produire en Belgique ?

Noppen: Je trouve que les entreprises ont ce droit.

Pauwels : Je suis d’accord. Mais pour moi, il y a un problème éthique si les pays occidentaux entament les troisièmes injections, alors qu’une grande partie des pays moins développés n’ont même pas encore bien commencé la vaccination.

Faut-il obliger les étudiants de la VUB à se faire vacciner ?

Noppen : Les étudiants en soins certainement. Ils entrent en contact avec nos patients. Nous sommes légalement tenus de fournir une protection maximale à nos patients et à notre personnel.

Pauwens : Je suis d’accord. Mais les autres ? Nous en avons déjà discuté, car aujourd’hui, les infections passent surtout par les jeunes. De plus, nous opérons dans un contexte bruxellois où le taux de vaccination est relativement faible. Mais cela ne va pas de soi, car notre université reçoit beaucoup d’étudiants étrangers et nous n’avons pas de bonne vue d’ensemble de leur situation. En outre, il existe un commerce de faux certificats de vaccination.

Noppen : J’ai trouvé si triste que nos étudiants n’aient pas eu de vie de campus l’année dernière. Peu de cours à l’auditorium, peu de rencontres : les meilleures années de leur vie… Cela pourrait facilement arriver maintenant, à condition que tout le monde soit vacciné. Pour moi, une vaccination obligatoire pour les étudiants est une évidence.

Que pensez-vous des personnes qui refusent de se faire vacciner ?

Noppen : Sur base d’informations insuffisantes ? Je comprends. Nous pouvons agir. Et convaincre ces personnes. Mais si ce refus est fondé sur « l’anti-pensée », les théories du complot, la pensée magique, etc. ? C’est complètement égoïste et/ou tout simplement stupide. En France, récemment, des dizaines de milliers de Français ont manifesté contre le pass sanitaire sous le slogan : la liberté avant tout. Mais où est l’égalité alors ? Et la fraternité ? Leur liberté s’arrête là où commence celle des autres, notamment des plus vulnérables.

Pauwels : Je suis souvent surpris par les tweets de personnes qui, malgré leur formation scientifique, débitent des insanités. Même dans les professions médicales. Je connais des dentistes qui refusent les vaccins.

Noppen: Savez-vous ce que je dis aux personnes qui sont en faveur de la médecine dite alternative ? Connaissez-vous des mathématiques, de la physique ou de la chimie alternatives ? Où un plus un font trois, où les avions volent à l’envers ou à l’arrière et le sodium et le chlore ne deviennent pas du sel mais du pudding ? Il n’y a rien de tel. Tout comme la médecine alternative n’existe pas.

Avez-vous parlé à des personnes vaccinées qui ont été infectées et ont quitté l’hôpital après le traitement ?

Noppen : La plupart d’entre elles sont encore sous respirateur. Mais lorsque nous avons constaté dans notre hôpital que, lors de la deuxième vague, ce sont surtout des locuteurs non natifs et des personnes issues de l’immigration qui ont été admis, nous nous sommes demandé pourquoi. La raison principale en est l’ignorance et le manque total d’information et de communication.

Récemment, une étude néerlandaise a montré que de nombreux immigrants ne se font pas vacciner parce qu’ils ne peuvent pas croire que le gouvernement ou la société leur veut du bien. La méfiance prend le pas sur la raison. Après 50 ans d’intégration, ils pensent toujours que le gouvernement néerlandais blanc ne veut pas les aider. Je pense que c’est également le cas à Bruxelles et dans d’autres grandes villes.

Pauwels: C’est certainement un signe que notre société a échoué. La même chose est arrivée aux sans-papiers qui ont fait une grève de la faim. À un moment donné, ils ont couvert les détecteurs de fumée, car ils pensaient être filmés et écoutés.

Le titre du livre de Marc Noppen est Gewoon Anders (Juste différent), mais dans ce pays rigide, est-il encore possible de faire les choses différemment ?

Pauwels : Si chacun essaie de le faire pour lui-même. La VUB s’est raisonnablement bien sortie de la crise du coronavirus, entre autres en impliquant intensivement ses étudiants. J’ai trouvé que c’était bénéfique de gouverner l’université avec les étudiants. C’était remarquable et prometteur de voir à quel point ils s’de leur université et trouvaient des solutions, sans trop se soucier des anciennes structures et méthodes. Alors oui, les choses peuvent être différentes. (rires) Certaines personnes pensent que je suis une éternelle optimiste.

Noppen : Changez le monde et commencez par vous-même. Je suis assez volontariste à ce sujet. Cherchez des solutions, pas des problèmes. Placez la barre haut. C’est ce que nous essayons d’enseigner à nos étudiants en médecine, par exemple. J’ai beaucoup appris pendant cette crise de santé, également sur le management. J’espère que nos décideurs ont vécu la même expérience.

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