Anne-Sophie Bailly
Revenir à l’enseignement d’hier, plus personne ne le veut (édito)
Cela fait des années que tout le monde le pense et que certains le dénoncent. L’enseignement, tel qu’il est dispensé aujourd’hui en Belgique francophone, est obsolète. Inadapté. Périmé. Le désintérêt des jeunes en est une preuve. Les scores « peut mieux faire » atteints par les élèves aux études Pisa en est une autre.
Le Pacte d’excellence avait été conçu pour résoudre certains problèmes. Les plans numériques pour en gommer d’autres. Le décret inscriptions pour régler d’autres soucis encore. Mais c’est finalement la crise du Covid-19 qui devrait enfin dépoussiérer l’école et lui donner le coup de fouet attendu, tant cette crise aura mis en lumière les trop nombreux retards accumulés par notre enseignement.
Le plus criant d’entre eux a naturellement été le retard numérique. Du jour au lendemain, l’enseignant a dû abandonner ses craies, son bic à quatre couleurs, ses feuilles A4 et son tableau noir au profit d’un PC et de réunions Teams. La Fédération Wallonie-Bruxelles a bricolé des solutions, trouvé à l’arraché des supports informatiques pour ceux qui en manquaient, acheté dare-dare des licences aux géants du Net pour parer au plus pressé et assurer la continuité de l’enseignement. Mais le constat était flagrant : les écoles manquaient de tout ce qui concerne de près ou de loin le monde 2.0. De formations, d’outils, d’équipements, de procédures.
Le retard numérique n’est pas le seul problème que le confinement a mis en lumière. La façon d’enseigner – un professeur qui dispense ex cathedra un savoir à une classe de 25 élèves, sommés de restituer la matière assimilée au plus près possible de la version originale – est également apparue d’un autre âge. Tout comme le contenu des programmes qui est, lui aussi, questionné.
u003cstrongu003eRevenir u0026#xE0; l’enseignement d’hier, plus personne ne le veut. u003c/strongu003e
Des solutions sont avancées par certains pédagogues ou professionnels pour pallier les maux de notre enseignement et le moderniser, enfin. Parmi celles-ci, celle de la classe inversée (lire par ailleurs) qui renverse la logique actuelle « cours en classe et devoirs à la maison » en « cours à la maison, devoirs en classe ». Une méthode qui a notamment le mérite d’offrir à l’enseignant un vrai job d’accompagnateur dans la réalisation des savoir-faire au lieu de le cadenasser dans un rôle de distributeur de contenus.
Idem pour les sacro-saints programmes à voir et à boucler au terme de chaque cycle. Il semble maintenant acquis qu’avec ces mois d’absence, certaines matières ne seront jamais vues. La ministre de l’Enseignement, elle-même, enjoint de « faire l’impasse sur les points non fondamentaux des programmes« . Et ainsi libérer du temps pour des apprentissages à plus haute valeur ajoutée. Apprendre à coder ou à faire de la curation sur Internet ne serait-il pas plus utile aux élèves de 2020 que de restituer des contenus accessibles à portée de clic ? C’est alors un autre chantier qui devra s’ouvrir et sur lequel notre enseignement n’est pas non plus en avance : celui de l’évaluation des compétences acquises.
Une chose est désormais certaine : revenir à l’enseignement d’hier, plus personne ne le veut. Ni les élèves, ni les parents. Plus personne ne le recommande, non plus. A l’école maintenant d’apprendre et de ré-inventer son enseignement. C’est obligatoire.
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici