Carte blanche
Réforme du calendrier scolaire: pourquoi avancer sans la Flandre, madame la ministre? (carte blanche)
Nous sommes aujourd’hui à trois mois d’un vote qui pourrait bouleverser la vie de nombreux foyers belges (certains l’ignorant encore), toutefois, le sujet est passé à la trappe, selon Céline Simons, enseignante.
Il y a quelques mois de cela, suite à la lecture d’un article de presse, j’ai commencé à me poser beaucoup de questions… Au point d’en faire des insomnies la nuit. Je n’y croyais pas, mais la réforme du calendrier scolaire en Fédération Wallonie-Bruxelles semblait bel et bien se mettre en place… Enseignante à Bruxelles, je suis maman de deux enfants. Mon compagnon travaillant également dans l’enseignement francophone, nous avons toujours bénéficié d’un équilibre travail/vie privée assez appréciable. Nos deux enfants sont, quant à eux, scolarisés en Flandre. Nous possédons tous les deux un passé professionnel qui nous a poussé à faire le choix du bilinguisme. Bruxellois d’origine, nous avons rencontré beaucoup trop d’obstacles dus à notre manque de maitrise du néerlandais au début de nos carrières respectives. Les cours de néerlandais étant de moins en moins qualitatifs dans les écoles de la Fédération Wallonie Bruxelles, nous n’avons pas hésité longtemps à inscrire nos enfants en Flandre, malgré les difficultés que nous allions rencontrer face à cette langue que nous ne maitrisons pas totalement.
Pour un calendrier scolaire unique/ Voor één enkele schoolkalender
Après avoir lu quelques articles sur le sujet, après m’être renseignée auprès des différents cabinets ministériels et, voyant que ma seule voix n’aurait aucun impact, j’ai décidé de lancer un groupe Facebook pour rassembler un maximum de personnes concernées par le même genre de difficultés que moi (Pour un calendrier scolaire unique/ Voor één enkele schoolkalender).
Soutenue par une amie, qui se sentait plus que touchée par l’injustice que cette réforme entrainerait pour nombre de personnes dans son entourage, elle décida de lancer en parallèle une pétition. Par ce biais, nous avons été surprises de découvrir beaucoup de profils impactés, de près ou de loin. Que ce soient les écoles francophones des communes à facilités qui se trouvent sous le régime néerlandophone, que ce soient les familles qui ont des enfants dans deux communautés linguistiques, que ce soient les écoles à immersion qui risquent de perdre une grande partie de leurs enseignants, que ce soit le monde associatif qui ne sait pas comment il trouvera des animateurs (les étudiants ne suivant pas non plus ce nouveau calendrier), … Et la liste est encore longue !
Suite à la création de notre groupe Facebook et de la pétition online, un directeur d’école nous a rapidement rejointes, très inquiet également par les conséquences de ce changement pour l’avenir des huit écoles dans les communes à facilités du pays. Ensemble, nous avons eu l’opportunité de rencontrer différents acteurs politiques et avons pu leur transmettre nos inquiétudes. Un dialogue constructif a été instauré et nous avons pu leur transmettre une liste de 16 questions, qui demeurent toujours aujourd’hui sans réponses. Ils nous ont confirmé, à tour de rôle, que la « gratuité » de la réforme la rendait plus réalisable que n’importe quel projet qu’on voudrait réaliser actuellement dans l’enseignement francophone.
Bruxelles – « (…) et si un jour elle se sépare et qu’on doit choisir un clan, ce serait le pire des cauchemars, tout ça pour une histoire de langues (…) » Angèle
Cela fait quelques semaines que nous passons beaucoup (trop) de temps à tenter de sensibiliser un maximum de personnes à ce qui apparaît à nos yeux comme une mesure tout à fait discriminatoire, une injustice, dont nous allons être les victimes, mais, surtout et avant tout, nos enfants !
Je suis enseignante, je ne peux pas choisir mes congés, certes nombreux, mais qui ont toujours eu cet avantage d’être alignés avec les autres communautés. Aujourd’hui, je ressens le message transmis par cette réforme unilatérale comme très négatif : une fracture encore plus grande en Belgique qui n’apportera rien de positif au final si ce n’est le repli sur soi des communautés. La Belgique représente pour moi un pays riche de ses différentes cultures, certes pas souvent en accord sur nombre de sujets, certes peu réactif dans les décisions car la politique c’est un joli bordel chez nous… Mais un pays amusant, ouvert et intéressant grâce à cette cohabitation des 3 peuples.
On peut convaincre par la force de la vérité, on ne doit pas imposer la vérité par la force – Matthieu Ricard
Madame Caroline Désir, dans la mouvance des décisions politiques prises dans l’urgence, décide de modifier le calendrier scolaire en Fédération Wallonie-Bruxelles. Un sujet, dit-elle bien souvent en interview, qui serait sur la table depuis plus de 30 ans, mais qui ne peut plus attendre… Même pas l’accord des autres communautés. Cette réforme semble révolutionnaire puisqu’elle doit être votée de toute urgence, et ce, malgré une période très compliquée à gérer pour tout le monde. Alors pourquoi est-il si difficile de convaincre les deux autres communautés du pays du bien-fondé de cette décision ? L’enseignement est également communautarisé depuis plus de 30 ans… Tant de questions posées au cabinet de Madame Désir qui sont bien entendu restées sans réponse. Cette dernière invoque inlassablement son « droit » à agir comme il lui plaît dans sa communauté. Face à cette guerre communautaire puérile et injustifiée, nous nous sentons, nous citoyens, pris en otage.
Notre ministre de l’Enseignement dit penser aux enfants, mais à quels enfants ? Pas aux nôtres en tout cas. Je souhaiterais qu’elle vienne leur annoncer en personne qu’ils passeront désormais leurs vacances en stage et plus avec leurs parents car une certaine dame qui prend des décisions pour tout le monde sans demander l’avis de personne, au nom d’études qui ne prennent pas compte d’eux, a choisi que c’était ainsi dorénavant !
On lit également dans les médias que les problèmes des gens comme nous ne sont pas pris en compte car nous ne représentons qu’une petite partie de la population. Peut-être oui, mais est-ce une raison pour créer une discrimination ? Ça représente, à mon sens tout de même, des milliers de personnes. Des milliers de personnes qui ont choisi le bilinguisme, qui ont décidé de s’ouvrir à plusieurs communautés. Ce non alignement des calendriers scolaires, cette affirmation de partir en cavalier seul par Madame Caroline Désir me fait penser à la réaction très fermée du monde ecclésiastique au Moyen-Age. On prônait l’analphabétisation pour que l’Eglise seule garde le pouvoir. Est-ce donc là l’objectif de madame Désir ? « Diviser pour mieux régner. »
Le titre est de la rédaction. Titre original: La réforme du calendrier scolaire en communauté française : sujet maquillé et oublié par beaucoup trop de médias
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici