Quand Paul Hymans douta de Léopold III
Tout commence par une énigmatique enveloppe blanche glissée dans une boîte aux lettres. Son contenu laisse sans voix son destinataire, Merry Hermanus.
Sous ses yeux se déroule un récit couché sur nonante-trois pages manuscrites jaunies par le temps, celui de l’exode de mai 1940 enduré par cette grande figure du libéralisme belge que fut Paul Hymans. L’ex-chef de cabinet de ministres socialistes, l’ancien haut fonctionnaire et député bruxellois, s’emploie à connaître le fin mot de cette histoire: la copie en sa possession a été exhumée d’une maison patricienne de Schaerbeek lors d’un vide-grenier. Jamais ce récit n’a été publié dans son intégralité, les biographes d’Hymans s’étant toujours bornés à en livrer le dernier paragraphe, profondément émouvant.
Pourquoi une telle retenue? Merry Hermanus a mené l’enquête (1): « Faut-il en déduire que certains autres passages de ce témoignage ne devaient pas être rendus publiques, que certaines phrases auraient pu choquer? » Ainsi ces désaveux de l’action de Léopold III que confesse un ministre d’Etat jeté sur les routes de France dans le sillage d’un gouvernement belge en déroute, témoin effaré de la rupture entre un roi resté au pays et ses ministres repliés dans l’Hexagone. « Je blâmais le refus du roi de rejoindre les ministres pour s’associer à la continuation de la lutte… la faute politique me paraissait immense. » Phrases lourdes de sens, relève Merry Hermanus, « et que sans doute, après la si difficile, si douloureuse, si délicate résolution de la Question royale, très peu avaient envie de les voir rendues publiques ». Comme s’il valait mieux taire cet instant, même éphémère, où un Paul Hymans dans le désarroi douta de Léopold III.
(1) Paul Hymans, carnet d’exode 1940. Un géant de la politique belge dans la tourmente, par Merry Hermanus, Belg-O-belge, 174 p.
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