Quand Maggie De Block faisait détruire six millions de masques contre le coronavirus… sans les remplacer
Le stock stratégique de masques FFP2 dont disposait la Belgique a été réduit à néant. Achetés au moment de la grippe A/H1N1, ils étaient arrivés à leur date de péremption. Par souci d’économie, la ministre de la Santé a décidé de ne pas renouveler la réserve…
La Belgique aurait détruit en 2019 des millions de masques de type FFP2, les seuls suffisamment étanches pour ne pas laisser passer le coronavirus, et qui manquent désespérément à tout le corps médical.
C’est ce qu’il apparait à la lecture du PV de la réunion du 6 février, du Risk Management Group, que s’est procuré Le Vif/L’Express. La structure coordonnant spécialistes de l’administration et des hôpitaux et qui fournit des recommandations au Conseil national de Sécurité, présidé par la Première ministre Sophie Wilmès.
« Actuellement, il y a pénurie de masques FFP2 sur le territoire. Le gouvernement peut-il prévoir un stock stratégique ? » s’interrogeaient, le 6 février dernier, les experts du RMG.
La nécessité de se recomposer un stock d’urgence particulièrement criante ces derniers jours : beaucoup de services en rationnent l’usage, y compris lorsque les soignants sont en permanence au contact de personnes infectées, et, d’autres, des généralistes aux aides ménagères, en passant par les travailleurs sociaux et les ambulanciers, doivent se contenter de simples masques chirurgicaux. Ce modèle est utile pour empêcher une personne atteinte du virus de le propager, mais inefficace pour s’en protéger…
Toujours est-il que la question du 6 février (en était-elle vraiment une ?) est aujourd’hui sans pertinence : non, le gouvernement ne prévoit pas de stock stratégique. Il commande, dans l’urgence et pas toujours opportunément, à peu près tous les masques qu’il peut trouver sur un marché très tendu.
Mais si la pénurie est si grave, c’est, lit-on encore dans le PV de la réunion du RMG, consécutivement à une décision politique. Politique, car budgétaire, quoiqu’elle s’en défende : c’est la ministre De Block qui a choisi de laisser périmer ces masques, et surtout de ne pas les remplacer ou les reconditionner. « Nous voulions une proposition de stock tournant, où une partie du stock est régulièrement mise sur le marché (pour éviter que le stock ne périme) », explique le cabinet de Maggie De Block pour justifier le fait que, quoiqu’épuisé, le stock n’ait pas été remplacé.
La Belgique s’était reconstitué une réserve de plusieurs millions de masques de ce type, renouvelée à l’occasion de la pandémie de grippe A/H1N1, survenue en 2009.
Le site flamand d’information Apache.be l’expliquait ce lundi : en 2006 déjà Rudy Demotte, alors ministre de la Santé, avait fait acheter 32 millions de masques chirurgicaux et 6 millions de FFP2.
Trois ans plus tard, sa successeure à la santé, Laurette Onkelinx, avait fait remplacer ces derniers, pour un coût de 9 millions d’euros, dès lors que la Belgique avait été menacée par la pandémie.
Ces millions de masques sont partis en fumée l’an dernier. « Le stock approvisionné lors de la dernière pandémie est arrivé à péremption et a été détruit l’année dernière », déplorait-on, au RMG, le 6 février… « L’ancien stock stratégique était stocké à la Défense mais pas dans de bonnes conditions. Les masques étaient ainsi devenus inutilisables », objecte-t-on au cabinet de la ministre, où l’on ajoute qu’ils ont été détruits « en 2017 », contrairement à ce qui a été affirmé par les experts du RMG. Ce qui aurait donné à Maggie De Block trois ans, plutôt qu’un, pour reconstituer cette réserve stratégique…
La décision de détruire ces masques, doublée de celle de ne pas renouveler le stock, est la cause immédiate de la pénurie actuelle, et donc des cafouillages qui l’ont caractérisée ces derniers jours. Elle a été prise sous un gouvernement qui chassait les économies budgétaires, et qui avait limité la norme de croissance du budget des soins de santé à 1,5% annuels, norme plus basse que les besoins estimés du secteur, et qui ne fut du reste pas atteinte chaque année.
Au cabinet, on conteste que cette décision ait été motivée par une volonté de faire des économies: « C’est évidemment beaucoup plus complexe, et cela demande donc plus de temps, mais acheter des masques sans plan revient à gaspiller l’argent du contribuable », dit-on.
On ne voulait donc pas faire d’économies, mais on a veillé à ne pas dépenser trop d’argent.
« Nous avons demandé un plan au SPF Santé publique pour un nouveau stock stratégique. Pas seulement un plan pour acheter des masques en vitesse qui devraient être détruits quelques années plus tard, mais une solution approfondie pour éviter de répéter les erreurs du passé » précise-t-on pour justifier les trois années d’inaction.
« Cela nécessite des adaptations législatives, des accords avec d’autres départements, des adaptations de contrats avec les fournisseurs, un plan de coordination pour le secteur, etc. », énumère le communiqué de presse.
Il aurait donc fallu, selon ses propres termes, trois ans pour que Maggie De Block ne fasse pas ce que ses prédécesseurs parvinrent à faire deux fois pendant le même laps de temps: acquérir six millions de masques efficaces contre le coronavirus.
Le RMG, qui se demandait le 6 février si le gouvernement ne devrait pas prévoir de reconstituer ce stock stratégique, ajoutait alors que, dans le cas contraire, c’était aux hôpitaux de parer aux besoins qu’ils estimeraient indispensables. Avec leur argent, donc. « Si les hôpitaux, pour raisons de procédures internes, veulent upgrader à FFP2, c’est à eux de décider », disent les experts. La proposition devrait être accueillie fort favorablement dans les infrastructures concernées…
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