PS liégeois : Labille, en campagne présidentielle
Si ce n’est pas un homme en campagne électorale, c’est son sosie. Jeudi soir, Jean-Pascal Labille, patron des Mutualités socialistes, n’a à aucun moment précisé si, oui ou non, il était candidat à la présidence de la Fédération liégeoise du PS, dont l’élection devrait avoir lieu fin mai ou début juin prochains. Mais tous ses propos ressemblaient furieusement aux exercices d’entraînement du boxeur quelques semaines avant de monter sur le ring pour défier le champion en titre de sa catégorie.
Intervenant durant le débat organisé par l’ULg et Le Vif/L’Express autour du livre de François Brabant, l’un de nos journalistes politiques (Histoire secrète du PS liégeois, éditions La Boîte à Pandore), Labille a distribué crochets, directs et uppercuts bien sentis. Dans le vide, puisque son adversaire préféré, Willy Demeyer, actuel patron de la Fédération, n’était pas là. Dans le vide, donc, mais pas sans significations.
Concrètement dit : Labille est prêt au combat. Ainsi, devant 250 personnes (lecteurs du Vif/L’Express et étudiants de l’Université de Liège), dans l’auditoire Thiry des amphithéâtres Opéra de l’ULg, l’ex-ministre fédéral des Entreprises publiques a saisi chaque question posée par Pierre Havaux, le modérateur du débat et journaliste politique au Vif/L’Express, lui aussi, pour attaquer ceux qui l’indisposent, au sein de son propre parti, et caresser les militants dans le sens du poil. Florilège :
Sur l’élection renouvelant la présidence de la Fédération : « Est-il normal que, dans un parti qui se dit parti de masse, n’importe quel militant de base n’a pas le droit de se présenter ? Il faut réformer les statuts en ce sens. Il n’y a pas de débat dans cette Fédération. »
Sur la campagne d’avant élection : « J’espère qu’il y en aura une. Une vraie campagne. Pas à la va-vite parce qu’on aura annoncé que l’élection aura lieu trois semaines plus tard. Il faut qu’on puisse débattre dans cette Fédération. C’était sa tradition. On l’a perdue au fil du temps. »
Sur la Fédération (et donc sur Willy Demeyer, mais sans jamais le citer) et sur le PS: » On a émasculé le débat. Il n’y a pas de profondeur d’idées ni d’analyses. Or il faut renouer avec cette culture du débat. Il y a toujours eu beaucoup d’ébats et plusieurs courants au sein du PS liégeois. C’est moins le cas aujourd’hui. La confrontation est indispensable dans un parti. Mais elle est nuisible si elle détruit un projet bénéfique à la collectivité. Il n’y a rien qui m’insupporte plus que ceux qui occupent des fonctions dans le seul but d’empêcher que d’autres les occupent. Je ne citerai pas de noms. Mais les initiales, oui, si vous voulez. »
Sur Stéphane Moreau, bourgmestre d’Ans et très proche de Willy Demeyer :. « J’estime qu’il faut un débat au sein de toutes les Union socialistes communales. Les candidats à la présidence de la Fédération devraient aller y défendre leur projet. C’est ce que je dis à toutes les USC. Il en reste une devant laquelle je ne peux pas m’exprimer. Mais j’y arriverai. C’est celle d’une commune en trois lettres. »
Sur les militants : « On a perdu le contact avec la base. On ne l’écoute plus et on ne lui explique plus les décisions prises. Le meilleur exemple de cet échec est la suppression des allocations d’insertion, sous le gouvernement précédent. Elle a été très mal vécue, pas les militants socialistes, parce que nous n’avons l’avons mal expliquée. On ne la pas recontextualisée. »
Sur Paul Magnette : « Il voulait réduire le rôle de l’Etat au sein des entreprises publiques. Quand je lui ai succédé, j’ai tout de suite confirmé que l’Etat resterait impliqué à 50 %. Parce que je crois au rôle régulateur de l’Etat. Dans un monde globalisé comme celui-ci, au XXIe siècle, quand on est un parti de gauche, socialiste, progressiste, on doit se poser la question du rôle de l’Etat. C’est la question essentielle. Et selon moi, s’il n’y a plus d’Etat, à terme il n’y a plus d’emplois. »
Sur l’action commune : « C’est quoi l’action commune ? Vous avez les mutualités et les syndicats, qui sont confrontés au quotidien des gens, qui font remonter vers le PS ce que les gens pensent, vivent, craignent. Et le parti doit prendre les décisions, les bonnes décisions, en fonction de ça. Donc, on vit dans la même maison, on mange à la même table mais on ne dort pas dans le même lit. Celui qui pilote l’action commune, c’est comme dans un couple, c’est pas toujours celui qu’on croit Celui qui donne le »la » n’est pas toujours celui qu’on croit. Je regrette tout de même que certains ne découvrent l’action commune qu’à l’approche du 1er mai et des élections. »
Sur la politique : « On a réduit la démocratie aux moments des élections. Aujourd’hui la vie politique se résume à des slogans. Les gens ne s’y retrouvent plus et donc la désertent. Il y a une culture du débat avec les gens à relancer. Il faut des projets de société, se demander »quel est le cap ? », »où va-t-on ? ». Il faut du volontarisme. Avoir envie de faire aboutir ses idées, quand elles sont partagées par la base. Il faut botter le cul des politiques, pour qu’ils sortent de cet immobilisme. Les luttes de clans, ce n’est pas l’essentiel. Les luttes de pouvoir, les gens en ont ras-le-bol. »
Et Jean-Pascal Labille termine par un hommage appuyé à « une grande dame. Elle devenue une amie. Depuis janvier 2013, lorsque je suis arrivé au gouvernement fédéral. Laurette Onkelinx. »
C’est le discours de quelqu’un qui va y aller.