Paul Magnette et Conner Rousseau, présidents du PS et du SP.A: deux approches différentes. © Belga

Pourquoi il est si difficile de transformer les « vieux » partis politiques (analyse)

Olivier Mouton Journaliste

En Flandre, SP.A, Open VLD et CD&V rêvent de se muer en mouvements ou en réseaux. C’est, aussi, l’horizon du MR ou du CDH. Ce n’est pas simple et c’est rarement un succès.

La réflexion est devenue un leitmotiv en politique depuis les années 1990: il faut é-vo-lu-er. La désaffection des citoyens pour la politique et leur défiance à l’égard des partis politiques a généré une montée des populismes et une refonte permanente des formations politiques traditionnelles. Le CVP est devenu CD&V, le PRL s’est transformé en MR, le SP en SP.A, le PSC en CDH, le PVV en VLD puis Open VLD, la Volksunie a éclaté en N-VA et Spirit, Agalev en Groen, le FDF en DéFI… N’en jetez plus

.Le jeune président du SP.A, Conner Rousseau, a donc lancé une nouvelle vague en annonçant la semaine dernière que le SP.A deviendrait Vooruit en décembre prochain. La transformation fait songer à l’apparition du mouvement En Marche d’Emmanuel Macron. Cela donne des idées à d’autres au nord du pays.

Ce week-end, le libéral gantois Mathias De Clercq a évoqué la nécessité pour son parti, l’Open VLD, de se transformer lui aussi en un « mouvement ouvert ». Objectif: toucher les membres ET les non-membres, élargir les horizons idéologiques. De Clercq n’est pas un proche de Guy Verhofstadt pour rien: l’ancien Premier ministre avait déjà initié ce rêve avec ses « manifestes citoyens ».. il y a vingt-cinq ans. Le CD&V, lui aussi, rêve d’une évolution pour faire taire les mauvais sondages, en redevenant un « réseau » qui fédérerait, comme avant, le milieu associatif où il plonge ses racines.

Du côté francophone, l’expérience française d’En Marche avait généré bien des tentatives de créer des mouvements citoyens, sur fond d’affaires Publin et autres Samusocial: enmarche.be, Oxygène, Collectif Citoyen, Belvox… Ces initiatives ont fait pschittt après deux élections, communales puis fédérales et régionales, tant il était impossible pour elles de surmonter les écueils placés pour obtenir des élus, de combler le déficit de notoriété et de crédibilité ou de trouver des idées nouvelles susceptibles de séduire par-delà les simplismes de l’heure.

Le libéral Georges-Louis Bouchez n’a jamais caché son ambition de générer à terme un tel mouvement dépassant les frontières de son parti – le MR est d’ailleurs déjà un « mouvement » dans son appellation. Cela s’inscrirait d’ailleurs dans la droite ligne de son « Mons en mieux » ouvert au CDH et à d’autres partis dans sa ville. « En mieux » a les mêmes initiales qu’En marche, ce n’est pas tout à fait un hasard.

En parlant du CDH, son président Maxime Prévot a lancé une refonte complète de son parti, qui ne cesse de perdre des élus à chaque élection, avec la possibilité de changer de nom. L’opération porte le nom sympathique de « Il fera beau demain », mais se heurte, elle aussi, à la difficulté de dépasser la simple marque d’intérêt, voire la méfiance générée par le simple fait que l’initiative vienne d’un parti. Difficulté supplémentaire: comment mener une véritable réforme en profondeur, tout en veillant à ce que le partie garde le contrôle de l’opération?

Bram Wauters, politologue à l’université de Gand, résume bien ce dilemme dans un entretien au Standaard: « Soit le parti prend quand même la décision finale et la participation peut être perçue de l’extérieur comme purement opportuniste. Soit les membres vont se demander pourquoi ils continuent à payer une cotisation si des avis extérieurs pèsent autant que le leur. » Or, l’enjeu pour les partis aujourd’hui consiste à éviter autant que possible l’érosion continuelle du nombre de membres.

En sortant de leur tour d’ivoir de « parti », les formations politiques envoient un signal de renouveau, mais risquent de perdre leurs assises. Tant le CD&V que l’Open VLD ou le SP.A en Flandre n’ont cessé de perdre des membres et des voix depuis leur changement de nom. Le CDH est à deux doigts de disparaître, tadis que DéFI ne décolle pas en Wallonie. Seuls, finalement, le MR, la N-VA et Groen ont récolté quelques fruits de leur opération. Et le SP.A connait un léger frémissement dans les sondages depuis l’arrivée à sa tête de Conner Rousseau – à confirmer.

A l’inverse, le PS est resté le premier parti de Wallonie et de Bruxelles en s’accrochant à son nom, au label « socialiste » et en choyant ses militants. Une exception belge, alors que les partis sociaux-démocrates se sont effondré partout en Europe. Même s’il a perdu des plumes, le parti de Paul Magnette témoigne que la révolution en politique n’est pas toujours le moyen le plus direct pour surfer sur les vagues.

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