Pour l’Europe, la Belgique ne peut interdire les voyages non-essentiels que jusqu’au 27 mars
La Commission européenne n’a été informée que ce jeudi soir de l’intention du gouvernement belge de prolonger du 1er mars au 1er avril l’interdiction de voyages non-essentiels, une mesure qui suscite chez elle « une certaine inquiétude », a indiqué vendredi un porte-parole de l’exécutif européen.
Entrée en vigueur le 27 janvier dernier, l’interdiction de voyages non-essentiels pour lutter contre la pandémie de coronavirus n’est pas conforme aux recommandations en la matière adoptée par les États membres eux-mêmes.
Ces recommandations ne préconisent que de décourager fortement les déplacements non-essentiels de et vers les zones les plus à risque (en rouge foncé sur la carte du Centre européen de prévention et de contrôle des maladies – ECDC).
Annoncée initialement jusqu’au 1er mars, l’interdiction belge a été prolongée vendredi dernier jusqu’au 1er avril, comme d’autres mesures qui ont été liées à l’arrêté ministériel du 28 octobre 2020. Passée quasi-inaperçue lors de la conférence de presse du Comité de concertation, cette prolongation a été confirmée dans la semaine sur les sites des services publics fédéraux.
Fin janvier, le commissaire européen à la Justice, Didier Reynders, avait pourtant déjà fait part de ses inquiétudes à la Belgique. Après avoir contacté le Premier ministre Alexander De Croo, il avait qualifié l’interdiction de non-conforme aux recommandations européennes, mais pas illégale, tout en insistant sur la nécessité de maintenir un caractère proportionné et non-discriminatoire.
Il s’était dit quelque peu rassuré par la limitation dans le temps de l’interdiction ainsi que par les exceptions prévues, qui permettent de réduire l’interdiction aux déplacements exclusivement liés au tourisme et aux loisirs.
Mais la prolongation au 1er avril nécessitera une nouvelle intervention du commissaire Reynders, qui demandera à la Belgique « des éclaircissements supplémentaires sur la portée et la limitation » dans le temps de la mesure, a déclaré le porte-parole Christian Wigand.
D’autres États membres ayant limité la liberté de circulation dans l’UE font aussi l’objet de vérifications.
La Commission a lancé vendredi un nouvel appel à la coordination entre États membres dans la gestion de la pandémie. Elle presse les capitales d’éviter les fermetures de frontières ou les interdictions générales de voyager. Elle mettra le sujet à l’ordre du jour du prochain Conseil Affaires générales.
Le contrôle des frontières reste une prérogative des États membres. Mais ces derniers doivent se conformer au code frontières Schengen (SBC). Et à cet égard, la Belgique pourrait devoir jongler avec les notifications requises par la Commission pour la réintroduction de contrôles.
La notification initiale (du 27 janvier au 5 février) a été fondée sur l’article 28 du SBC, qui autorise un État membre à réintroduire des contrôles pour 10 jours dans des circonstances « nécessitant une action immédiate ». Le pays doit dans ce cas prévenir immédiatement la Commission et les États membres, mais une notification préalable n’est pas requise.
Des prolongations de 20 jours sont possibles. Une nouvelle notification a donc été envoyée par la Belgique pour la période du 6 au 25 février, veille du prochain Comité de concertation. Le gouvernement devra donc notifier à nouveau s’il décide de prolonger la mesure, comme il en a l’intention. Le communiqué du dernier Comité de concertation soulignait toutefois que la prolongation n’excluait pas une révision dans l’intervalle.
Quoi qu’il en soit, la période de dérogation sur base de l’article 28 ne peut excéder une durée totale de deux mois, soit jusqu’au 27 mars. On n’arrive pas encore au 1er avril.
S’il veut atteindre cette échéance, le gouvernement belge devra donc basculer sur une autre justification, à savoir l’article 25 du SBC qui valide la réintroduction de contrôles frontaliers dans des circonstances prévisibles. La durée là aussi est limitée et renouvelable jusqu’à un maximum de six mois.