Politique belge: mémo pour ceux qui ne comprennent plus rien
Rassurez-vous, on s’y perd un peu aussi… Mais on essaie quand même de s’y retrouver.
Vous revenez de vacances? Ou vous avez profité de cette crise sanitaire pour couper tout et vous ressourcer dans votre jardin? Vous reprenez le fil des événements et vous ne comprenez plus rien à la politique belge? Rassurez-vous, il y a de quoi perdre son latin. Disons qu’il y a des certitudes, des tentatives d’approches, des jeux de poker et des choses incompréhensibles.
Or donc…
Les certitudes sont les suivantes. Le pays est toujours gouverné, au fédéral, par la Première ministre Sophie Wilmès (MR) à la tête d’un gouvernement minoritaire composé du MR, de l’Open VLD et du CD&V. Cela, ça reste d’actualité. Il ne dispose toutefois plus de pouvoirs spéciaux, comme pendant les trois mois les plus vifs de la crise sanitaire. Et il n’a plus vraiment la confiance d’une majorité au parlement, même si un vrai vote de confiance n’est pas annoncé avant le 17 septembre… Le temps de trouver une solution durable, ou pas.
L’autre certitude, c’est que les gouvernements régionaux (et communautaires) sont bien en place: N-VA – CD&V – Open VLD en Flandre, PS – MR – Ecolo en Wallonie, PS- Ecolo – DéFi à Bruxelles. Pas qu’ils fassent oeuvre historique, mais ils gèrent. OK.
La crise sanitaire est en plein rebond (dont l’ampleur est sujette à appréciations différentes, mais passons) et les signaux socio-éconmiques sont au rouge.
Pour le reste…
Si vous nous aviez quitté fin juin avec l’initiative prise par les trois « rois mages » – les présidents du MR Georges-Louis Bouchez (MR), Joachim Coens (CD&V) et Egbert Lachaert (Open VLD) -, sachez qu’ils ont été tout simplement mis de côté. Tout simplement parce que, s’aperçevant que l’un ou l’autre risquait d’être écarté du pouvoir fédéral et/ou que la Belgique avait d’urgence besoin d’un plan de relance, les présidents de la N-VA (Bart De Wever) et du PS (Paul Magnette) ont pris l’initiative de se parler. Le roi Philippe a salué l’initiative et a repris la main: il leur a demandé de former un gouvernement fédéral disposant d’une « large majorité » aussi rapidement que possible.
Le train actuel est en marche.
Ce sont donc Bart De Wever et Paul Magnette qui ont la main aujourd’hui pour une mission de préformation. Pas illogique: ce sont les deux principaux partis des deux principales communautés du pays.
Attention, cela commence à se corser. Les deux hommes ont convaincu trois autres partis de prendre, a priori, leurs responsabilités avec eux: le SP.A (parti frère du PS), ainsi que les sociaux chrétiens (CD&V en Flandre, CDH du côté francophone). Ces partis constituent désormais ce que l’on nomme, selon les médias, le « Club des cinq » ou « la bulle des cinq ».
C’est là que cela se corse davantage encore. Pour répondre à la demande royale d’avoir une « large majorité (et pour disposer d’une majorité au parlement, tout simplement), les deux missionnaires royaux ont pris langue avec les libéraux et les écologistes. En essayant de les faire monter à bord, soit les uns, soit les autres, soit ensemble, soit par familles divisées.
Mais ce n’est pas si simple. Tout d’abord, parce que le projet concocté par le duo De Wever – Magnette ne leur convient pas forcément, surtout sur le plan institutionnel du côté francophone. Ensuite, parce qu’ils ne sont pas forcément gentils avec ceux qu’ils tentent de séduire: Bart De Wever a affirmé que « personne ne veut plus du MR » parce que celui-ci mettrait des bâtons dans les roues pour rester au pouvoir – plus justement, sans doute: parce que la façon de GLB et son plaidoyer belgicain l’énervent.
Depuis début août, en gros, nous en sommes là. Tout le monde se dit pourtant prêt à prendre ses responsabilités. Les préformateurs ont vu à plusieurs reprises les libéraux et les écologistes, à tour de rôle, sans que rien n’en sorte vraiment de ces joutes. Pourtant, il y a urgence.
Les libéraux ont été reçus de façon plus courte et glaciale, la dernière fois .Le MR est échaudé par les critiques de la N-VA. MM. Bouchez et Lachaert demandent en outre aux missionnaires royaux de faire un choix et de négocier vraiment, sans passer par ces innombrables contacts préalables qui mettent les partenaires potentiels en concurrence. Les deux bleus répètent aussi, via de nombreux messages, qu’ils sont unis et qu’ils ne monteraient dans un gouvernement que s’ils sont à deux. Ce n’est pas par hasard: la N-VA se verrait bien gouverner sans le MR (mais avec un large front flamand), le PS s’imagine bien sans l’Open VLD (pour avoir une majorité moins à droite).
Les écologistes, eux, refusaient depuis toujours de gouverner avec la N-VA (comme le PS, cela dit) et ce n’est pas simple pour eux de franchir le pas. Mais les verts discutaient ces derniers jours de façon « plus approfondie ». Tel est le message. Les verts souhaitent davantage d’avancées en matière environnementales/climatiques (surtout) et un agenda institutionnel moins important (même si cela est « secondaire »). Il y a une tentative verte de monter au pouvoir, dans le chef de certains de ses dirigeants (Jean-Marc Nollet, singulièrement): pour conrétiser l’agenda vert, profiter du plan de relance et, peut-être, faire basculer les majorités en Wallonie et en Fédération (exit le MR, in le CDH).
Le message commun publié par les écologistes et les libéraux ce jeudi marque peut-être un tournant. Stratégiquement, c’est une façon de dire à la N-VA et au PS que leur menu institutionnel est imbuvable. C’est peut-être aussi une façon de les forcer à choisir: ce petit jeu de revoir les uns et les autres pour faire monter les enchères doit cesser. Ou… c’est peut-être une mise en garde.
Il y a des hasards qui n’en sont peut-être pas. Le CDH a affirmé qu’il n’était peut-être pas aussi d’accord qu’on le dit avec le menu concocté par le duo N-VA / PS. Même des socialistes, élus, commencent à exprimer tout le mal qu’ils pensent sur les réseaux de ce que leur leader négocie: « Rien, dans ce qui m’a été donné de lire par voie de presse, ne prête à réjouissance, ni démocratique ni progressiste » (dixit un député). En Flandre, par contre, la N-VA, mais aussi le CD&V et le SP.A, s’énervent pour leur part de la sortie commune des verts et bleus – peut-être parce que cela fait précisément pression sur le PS.
C’est à ce stade que l’on avoue ne pas comprendre forcément tout.
Bart De Wever et Paul Magnette doivent faire un nouveau rapport au palais le 17 août, lundi prochain: ça c’est sûr.
Pourront-ils présenter au roi une formule majoritaire, soit avec les écologistes, soit avec les libéraux? C’est une éventualité, mince vu l’épisode qui vient de se dérouler, mais elle existe. Pour cela, le duo devrait revoir sérieusement sa copie.
Bart De Wever et Paul Magnette pourraient aussi se dire qu’ils en ont marre de ces verts et de ces bleus, pour former un gouvernement minoritaire, mais c’est très peu probable. Surtout que le CDH est visiblement moins chaud.
Sera-ce alors un constat d’échec à présenter au roi? Dans ce cas là, cela signifierait que les libéraux et les écologistes ont poussé le PS à la faute en le menant à des négociations assez poussées avec la N-VA. Il serait alors temps de repartir sur une autre formule, sans la N-VA ou sans PS. Toutes ont a peu près été tentées – Vivaldi (libéraux, socialistes, écologistes et une dose de sociaux-chrétiens), tripartie classique et minoritaire (libéraux, socialistes, sociaux-chrétiens), Arizona (N-VA, libéraux, scoiaux-chrétiens et SP.A)… mais il y a une nuance importante: il aurait été démontré, cette fois, que le dialogue N-VA – PS mène au bord du précipice.
Ce scénario aurait du sens. Un observateur libéral nous confie: « à ce jour, je dirais Vivaldi ou élections ».
Mais nous n’en sommes peut-être pas encore là parce que Bart De Wever et Paul Magnette ont pris de tels risques et sont allés si loin qu’ils seraient condamnés à réussir. Pour l’avenir du pays, mais aussi pour celui de leur parti. On en revient toujours à la même chose: il leur faut les libéraux ou les écologistes…
Ah, oui, en cas de blocage complet mi-septembre, on pourrait toujours convoquer des élections anticipées, mais on n’en est pas encore là.
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