Nicolas De Decker
« Notre séculaire démocratie, bâtie par des décennies de luttes ne va apparemment pas pouvoir résister à une bagarre de plage » (chronique)
Chaque semaine, Nicolas de Decker partage son commentaire. Cette semaine, il se plonge sur les défenseurs de l’Etat de droit suite à la polémique des bagarres de Blanckenberg et des affrontements avec la police.
« Ces violences sont inadmissibles dans un Etat de droit ! » ils disent.
On n’avait paraît-il jamais vu nos institutions démocratiques aussi menacées.
Notre séculaire démocratie, bâtie par des décennies de luttes, parfois sanglantes, pour les libertés civiles et politiques, était sortie renforcée de deux guerres mondiales. Mais elle ne va apparemment pas pouvoir résister à une bagarre de plage, foulée aux pieds comme elle le fut par des fantassins en clapettes, sapée par des sapeurs en short de bain, explosée par des artificiers chargés de parasols balistiques et des grenadiers les paumes pleines de sable à fragmentation. Une poignée de policiers ont été blessés par quelques agressifs crétins, ivres de leur idiotie, dans une station balnéaire flamande, la Belgique va s’effondrer, et « ces violences sont inadmissibles dans un Etat de droit ! » hurlent ceux qui veulent planter dans le sable friable des moites polémiques estivales le drapeau de leur petite propagande, et dont la préservation de l’Etat de droit semble redevenir tout à coup le principe de leur très patriote colère.
Comme si ceux qui proclamaient gravement en danger l’Etat de droit n’u0026#xE9;taient pas ceux qui le menau0026#xE7;aient le plus.
« Ces violences sont inadmissibles dans un Etat de droit ! » crient ceux qu’effraie cette violence présentée comme inconnue des philosophes, des historiens et des urgentistes du pays de Charlier Jambe de Bois, d’André Moyen, de Roberto D’Orazio, des yeux pochés de fin de cavalcade de Fleurus et des lèvres fendues de bout de carnaval de la Ville-Haute.
Certains hooligans avaient en effet la peau sombre, ils venaient apparemment de Bruxelles, et, bon, leur air bête et méchant avait été filmé et il y avait eu des policiers blessés.
C’est suffisant pour proclamer l’Etat de droit en danger et exiger le réarmement de toutes les milices.
Ces violences sont d’autant plus inadmissibles dans un Etat de droit que quelques jours plus tard, dans une commune bruxelloise, quelques emmerdeurs à la peau pas trop claire ont empêché des policiers de travailler. Ils leur avaient tapé dessus, leur air bête et méchant avait été filmé et il y avait eu des policiers presque blessés.
Et ces violences sont devenues si inadmissibles dans un Etat de droit que donner à un syndicat policier les moyens qu’il réclame pour éradiquer toute cette racaille est devenu l’unique solution pour le préserver.
Comme si taper sur des policiers n’était inadmissible que dans un Etat de droit.
Comme si ces violences étaient admissibles par un Etat de non-droit.
Comme si dans une dictature taper contre des policiers n’était pas inadmissible.
Comme si la différence entre un Etat de droit et une dictature, c’était la façon dont les voyous se comportaient avec les policiers et pas la façon dont les policiers se comportaient avec les voyous.
Comme s’il fallait que les policiers garants de la sécurité dans un Etat de droit se comportent avec des voyous comme les policiers garants de la sécurité dans un Etat de non-droit pour que les voyous cessent d’être des voyous et pour que l’Etat de droit continue d’être un Etat de droit.
Comme si la racaille s’éradiquait en Belgique comme on l’éradique au Bélarus.
Comme si, au fond, l’Etat de droit ne ferait pas mieux d’en finir avec ces histoires d’Etat de droit.
Et comme si ceux qui le proclamaient gravement en danger n’étaient pas ceux qui le menaçaient le plus.
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