© Belga

MR, PS et CD&V critiquent Vandenbroucke, mais le savent « intouchable » (analyse)

Olivier Mouton Journaliste

La confiscation de la gestion de la crise sanitaire par le ministre de la Santé indispose. Sa sortie sur les commerces irrite. Ses partenaires le disent, mais savent que son approche rigoriste prime. Seul espoir: un geste lors du prochain Comité de concertation.

Cela ne provoquera pas une crise gouvernementale au fédéral. Mais le MR, le PS et le CD&V sont fortement remontés contre le ministre fédéral de la Santé, Frank Vandenbroucke (SP.A), et mal à l’aise par rapport à la gestion actuelle de la crise de coronavirus. La dernière sortie du socialiste flamand – affirmant que la fermeture des commerces non-essentiels avait avant tout été une « décision choc – a rajouté une dose d’irritation à un feu qui couve depuis plusieurs semaines.

Les ancien.ne.s ministres MR Marie-Christine Marghem et Denis Ducarme ont exprimé un courroux plus général. Denis Ducarme parle d’une forme d’imperméabilité de Frank Vandenbroucke aux enjeux psychosociaux et économiques de cette crise », tandis que Marie-Christine Marghem regrette « des mesures chocs qui briment et infantilisent » les citoyens. Au PS, le chef de file parlementaire Ahmed Laaouej cible de façon plus nuancée, en disant: « Les mesures prises ont permis manifestement de ralentir la pandémie, il serait dommage de perdre les effets de ce qui a été entrepris. Cela étant, je rappelle que le gouvernement fédéral doit être aux côtés de toutes celles et de tous ceux qui sont frappés par la crise corona, ce doit être sa priorité, et là je pense en particulier aux commerçants, quel que soit le secteur d’activité ».

Une approche trop rigoriste

En substance, les partenaires de majorité de Frank Vandenbroucke déplorent un manque de concertation dans la prise de décisions au sein du Comité de concertation et un manque d’objectivation des mesures qui sont déjà décidées à l’avance par le duo De Croo – Vandenbroucke. Depuis quelque temps, déjà, la façon dont les Comités de concertation sont préparés, certains dénonent la mainmise des ministres flamands et l’opacité des expertises invoquées – surtout depuis que l’organe mis en place à cette fin, le Celeval, a été purement et simplement supprimé. On dénonce encore le peu de cas fait des opinions des Régions et Communautés, singulièrement de la Wallonie et de Bruxelles.

Les libéraux francophones regrettent, en outre, une approche trop sévère dans les mesures prises. La philosophie, entend-on, serait trop rigoriste, voire « luthérienne »: il a été nécessaire de se battre pour obtenir une réouverture des commerces le 1er décembre et une fin de non-recevoir a été opposée à la volonté de faire un « geste » pour le réveillon de Noël en élargissant légèrement la « bulle sociale ». Là où Sophie Wilmès misait sur la responsabilité individuelle quand elle était Première ministre, Alexander De Croo serait désormais sous l’emprise d’un Frank Vandenbroucke désireux de taper fort et de réprimer pour obtenir l’adhésion.

De fortes tensions sont perceptibles, mais il n’y aura pas de crise proprement dite. Pourquoi? Parce que les partenaires de la majorité, libéraux en tête, ne veulent pas se désolidariser du gouvernement fédéral, cette Vivaldi que l’on a eu tant de peine à mettre en place. Qui plus est, ils ont explicitement soutenu les mesures au sein du Comité de concertation et peuvent difficilement se désolidariser de décisions auxquelles ils ont souscrit.

Vandenbroucke intouchable

Surtout, cette approche plus ferme du gouvernement fédéral actuel se justifie aussi… par les errements énoncés lors du gouvernement précédent ou pendant les négociations gouvernementales. Frank Vandenbroucke, soutenu par Alexander De Croo, prend ces décisions parce que la crainte est grande de réitérer les erreurs passées qui ont mené à une situation désastreuse en Belgique et à une seconde vague plus forte que la première. « Frank Vandenbroucke est intouchable à ce stade, dit un CD&V au Soir. En première ligne dans la crise, c’est lui qui recueillera les fruits si les chiffres de l’épidémie devaient retomber radicalement dans notre pays, et ça aussi, tout le monde le sait… »

Cela étant, ces critiques à l’égard du socialise flamands visent aussi à… faire monter la pression en vue du prochain Comité de concertation. Le 15 décembre, on pourrait évaluer les mesures et, si les indicateurs s’améliorent encore, obtenir peut-être un léger élargissement de la bulle sociale de Noël, passant d’une personne hors-foyer à deux. « Ce n’est pas terrible, reconnaît une source, clairement lassée de ce manège, mais on en est là. »

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire