« Mes conseils de communication à l’attention de Sophie Wilmès »
A l’issue du Conseil national de sécurité, mercredi, la Première ministre devrait s’exprimer seule, sans conférence de presse, à une heure précise, sans détails mais avec empathie, estime Baudouin Velge, spécialiste de la communication de crise.
Le Conseil national de sécurité se réunit mercredi matin pour décider de la suite du déconfinement dans notre pays. Au-delà du caractère inédit de la décision sur le fond, la Première ministre, Sophie Wilmès (MR) et les ministres-présidents des entités fédéraux devront veiller à gérer de façon plus performante leur communication. Car la conférence de presse confuse annonçant le plan de déconfinement progressif, un vendredi soir à 22h après des heures de direct télévisés inutiles, avait été largement critiquée. Baudouin Velge, executive chairman d’Interel, société spécialisée dans la communication de crise, livre quelques précieux conseils.
« Nos responsables politiques ont davantage échoué sur la forme que sur le fond, commente-t-il en guise de préambule. Même si lors du Conseil précédent, l’annonce sans concertation préalable des visites autorisées aux maisons de repos fut un couac d’envergure. La dernière fois, le fond ne posait pas de problème de taille, même si certains ont critiqué ensuite le manque de prise en compte de la dimension humaine. Le problème, ce fut surtout qu’ils ont voulu communiquer immédiatement, à une heure trop tardive, avec tout le monde à la table et en voulant donner beaucoup trop de détails. » Résultats ? De nombreux auditeurs ont décroché tandis que certains s’amusaient de voir soudain le ministre-président germanophone prendre la parole dans sa propre langue.
Premier conseil. « Il faut avoir au préalable une communication aussi claire que possible sur l’heure à laquelle cela se passera. Si cela s’avère compliquer d’accorder ses violons, que l’on commence la réunion du Conseil national de sécurité plus tôt, à 9h du matin par exemple (Ndlr – c’est ce qui a été décidé). Idéalement, la communication devrait avoir lieu à 18h ou à 19h. » A l’heure des journaux télévisés, donc, ou juste avant. « La première conférence de presse annonçant le confinement avait débuté elel aussi à 23h alors que le président français Emmanuel Macron, lui, avait pris la parole à 20h précises, avec un costume impeccable, le drapeau dans le fond… La comparaison était désastreuse. »
Deuxième conseil. « Ce devrait être une communication de la Première ministre, dans laquelle elle s’adresse à chaque Belge dans sa langue, à tout le moins une en français, une en néerlandais. Comme le Roi le fait pour le 21 juillet ou pour son discours de Noël. Personnellement, j’enregistrerais aussi ce message à l’avance, avec un prompteur de façon à pouvoir regarder les gens dans les yeux autant que possible. Cela signifie que le discours doit être écrit à l’avance, autant que possible, afin que Sophie Wilmès puisse se l’approprier. Seuls les points qui doivent encore faits l’objet seraient ajoutés dans un deuxième temps. La Première ministre Wilmès devrait parler seule, sans les ministres-présidents parce que l’on a vu la dernière fois que cela ne fonctionnait pas, même le ministre-président wallon Elio Di Rupo n’était pas bon. Ils auront bien le loisir de s’exprimer ensuite. La Premier ministre doit montrer son leadership et son empathie, c’est le plus important ! Et elle doit donner des signes d’espoir. »
Troisième conseil. « Sur le fond. Il y a désormais une double crise, en réalité, celle du coronavirus et celle de la communication politique. Il s’agit évidemment d’une période inédite avec bien des événements incertains, on ne sait pas très bien ce qui va se passer et on n’a pas toutes les cartes en mains. Les gens veulent que l’on explique tout alors que ce n’est pas possible. Je donnerais donc, à sa place, un message rassurant où je parlerais avant tout des efforts que les Belges ont accomplis, en leur disant que cela a payé et que la maladie est sur le retour. Je saluerais une nouvelle fois tous ceux qui se sont engagés dans ces moments délicats. Je confirmerais le 11 mai pour la réouverture des magasins et je me limiterais à donner les autres décisions prises, en restant assez générale. Pour tous les détails, je me référerais à un communique de presse et à un document disponible par la suite. En se perdant dans les détails, comme la fois passée, cela donne inévitablement lieu à des hiatus ou à des critiques ironiques comme ce fut le cas pour les sorties autorisées en kayak. »
Quatrième conseil. « Pas de powerpoint réalisé visiblement à la hâte en fin de réunion. Pas de conférence de presse non plus, mais un discours enregistré. Les détails, je l’ai dit, seraient donnés dans un second temps, via un rapport écrit. Quant aux inévitables questions, elles pourraient trouver réponses dans un second temps, sur les plateaux des JT, dans la presse… La forme est plus importante que le contenu détaillé, elle doit éviter toute confusion. C’est un moment de crise et les gens attendent surtout qu’on les accompagne.
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