Menacé de mort, le virologue Marc Van Ranst défend sa liberté de parole
Un virologue sous protection policière après des menaces de mort: cette histoire glaçante se passe en Belgique, où Marc Van Ranst, dont la voix dérange, est devenu la cible des « anti-masques » en pleine crise du coronavirus.
A la mi-août, ce mouvement l’a pris pour cible dans une manifestation, l’accusant d’être un des principaux inspirateurs de ce qu’ils considèrent comme une « mascarade », l’ensemble des règles contraignantes anti-virus.
Les participants, plusieurs centaines ce dimanche-là à Bruxelles, étaient invités à déposer un courrier exigeant sa démission du collège d’experts qui conseille le gouvernement sur la crise sanitaire.
La mobilisation n’a pas vraiment fait tâche d’huile.
Le scientifique de 55 ans assure d’ailleurs que ces menaces, reçues par mail ou sur les réseaux sociaux de la part de « cercles d’extrême droite », n’ont « rien à voir avec l’épidémie » et ses prises de position intransigeantes sur le port du masque ou la limitation des contacts.
« C’est lié à mes propos contre le racisme et la xénophobie. Je ne peux pas ne pas réagir là-dessus, et les partis de droite me détestent », affirme à l’AFP cet Anversois au physique trapu, qui assume son ancrage à gauche.
Néanmoins, un mois plus tard l’adhésion aux contraintes semble fléchir, et Marc Van Ranst estime que « les points de vue populistes » ont davantage d’écho dans l’opinion.
« Tous ceux qui disent +je veux me débarrasser du masque et de la bulle de cinq+ (le plafond des contacts rapprochés autorisés pour chaque foyer, ndlr) captent beaucoup l’attention, et je peux comprendre, nous sommes tous lassés du virus », souligne-t-il.
« Le problème c’est que le virus n’est pas lassé de nous, il continue de nous contaminer comme il aimait le faire en mars », poursuit le virologue.
« Cadavres évacués en camions »
En Belgique, le coronavirus a déjà fait près de 10.000 morts — 9.930 comptabilisés mercredi –, soit un des plus forts taux de mortalité dans le monde, pour une population d’environ 11,5 millions d’habitants.
Aujourd’hui l’épidémie reprend (les autorités recensent environ 800 nouvelles infections par jour) ce dont l’expert s’inquiète ouvertement.
Mardi, Van Ranst a reproché au gouvernement son manque de réactivité face au relâchement des comportements. Avec des décideurs « au ralenti » la Belgique court à la « catastrophe », a-t-il tonné sur Twitter, son mode de communication favori.
« Désormais la population veut un nouvel équilibre entre le nombre de morts et le fonctionnement de l’économie, c’est totalement compréhensible. Mais quel niveau de décès peut être jugé acceptable ? », fait-il valoir à l’AFP.
« Ce dont je suis persuadé », enchaîne-t-il, « c’est que la société n’acceptera jamais que les hôpitaux se retrouvent débordés et que des camions militaires doivent évacuer les cadavres hors de la ville comme à Bergame », épicentre de la crise sanitaire en Italie en mars.
A la tête d’un laboratoire de recherche dans la très réputée université néerlandophone de Louvain (KU Leuven) et enseignant dans cette faculté, Marc Van Ranst avait été appelé en mars pour siéger parmi les experts chargés de réfléchir à la stratégie de sortie du confinement.
Toujours vêtu d’un pull en V, il y a été un fervent partisan de la prudence et a notamment déploré la « bulle » des quinze contacts autorisée fin juin par le gouvernement, qui est ensuite revenu sur la mesure.
Les autres experts « ont un peu peur » de M. Van Ranst, a lancé fin août un ancien recteur de la KU Leuven, Rik Torfs, une remarque que l’intéressé a jugé « totalement déplacée ».
Allant volontiers au clash sur internet avec le Vlaams Belang, parti indépendantiste flamand anti-immigration, il dit que l’étiquette « communiste » lui a été accolée quand il a signé en 2016 la préface d’un pamphlet de Peter Mertens, chef du Parti des travailleurs de Belgique (PTB, gauche radicale).
Depuis plusieurs mois une patrouille de police surveille son domicile, en banlieue d’Anvers, et il est également escorté dès qu’il participe à un événement public. « C’est triste mais c’est comme ça », lâche ce père d’un garçon de 11 ans avec fatalisme.
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