Les Lippens, seuls maîtres à bord
A Knokke, une seule famille règne en maître depuis cent ans. Elle y cumule les pouvoirs politique et économique.
« Je veux encore être bourgmestre jusqu’à 104 ans. Knokke n’en a pas encore fini avec les Lippens. »
Mi-sérieux, mi-ironique, Léopold Lippens, bourgmestre de la station balnéaire la plus huppée de la côte depuis trente-cinq ans, est un homme difficile à cerner. Un mélange de sagesse et de bonhomie, sans oublier cette pointe de fermeté qui colle à la peau des décideurs. Veste bleue, pantalon rouge, il était sur le green dès 7 heures en cette journée estivale. Avant d’enchaîner les réunions à la maison communale. A 73 ans, le frère aîné de Maurice « Fortis » Lippens n’entend pas réduire la voilure. Il poursuit quotidiennement une oeuvre familiale entamée il y a plus de cent ans.
Car l’histoire des Lippens et de Knokke-Heist est intimement liée. Aucune autre famille n’a eu une influence aussi importante sur le devenir de cette commune. Et la mainmise a été telle que pratiquement aucune autre famille n’a pesé sur son développement. Celles qui s’y sont aventurées n’ont pas résisté à la puissance des maîtres des lieux.
Originaire de Flandre orientale, Moerbeke-Waas précisément, les Lippens sont actifs au milieu du XIXe siècle en tant qu’arpenteurs et agriculteurs. Une des branches de la famille, active dans l’agriculture et dans le gain de terres sur la mer au moyen de la poldérisation, met le cap sur Knokke. L’aventure de ces gros propriétaires terriens peut commencer. « Quand nos ancêtres se sont établis ici, il n’y avait rien, se souvient Léopold Lippens. Que des dunes. Il y avait plus de lapins que d’habitants. Des oyats et des buissons, pas un seul arbre. Tout ce que vous voyez aux alentours a été aménagé par la Compagnie. »
La Compagnie, c’est la Compagnie Le Zoute, le bras immobilier des Lippens. Créée en 1908 pour éviter l’éparpillement des propriétés familiales – 1 100 ha, soit un quart de la commune – elle a permis de façonner l’entité selon leurs desiderata. D’en faire une sorte de cité-jardin mondaine, une ville verte avant la lettre. Le tout avec un urbanisme léché et bien cadré. Un terrain de golf et des courts de tennis ont très vite été aménagés, conférant à la station balnéaire un caractère plus élitiste.
Si Léopold Lippens n’entend pas encore tirer sa révérence, le débat sur sa succession se posera inévitablement dans les prochaines années. Quel Lippens gardera la main sur Knokke ? Ce ne sera sans doute pas l’un de ses trois enfants, qui vivent à l’étranger et ne sont pas intéressés par une vie dans la cité balnéaire. Le volet politique se réglera donc dans les urnes.
Celui de la Compagnie Le Zoute est plus clair : Bernard Jolly vient de succéder à Maurice Lippens à la présidence de la société immobilière. Ce Liégeois est un lointain cousin des deux frères, sa mère étant une Ullens de Schooten. Il sera le garant, à l’avenir, de la mainmise des Lippens et familles apparentées sur Knokke. Ce qui ne sera pas une mince affaire.
Par Xavier Attout
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