Carte blanche

Les citoyens engagés sont-ils en train de rater le coche?

Début 2017, l’espoir d’un changement en politique était né chez beaucoup de citoyens intéressés par les débats démocratiques. Il y avait en France un projet qui semblait porteur d’un renouveau: un homme qui semblait ne pas vouloir utiliser les oppositions politiques classiques et avoir un projet novateur. Chacun jugera du résultat à la fin de son mandat mais on peut pour l’instant mettre en doute la concrétisation des objectifs alors annoncés.

Sur cette vague, plusieurs d’entre nous avaient surfé pour essayer de rassembler des forces vives de la francophonie belge et/ou des élus dégoûtés par la particratie dans un grand mouvement qui dépassait les clivages classiques.

Après 2 ans, il faut reconnaître que ce ne fut pas un succès, principalement parce que les personnes dépendant d’argent lié à la politique (subsides ou salaires) n’étaient pas prêtes à prendre le risque de perdre cette sécurité dans une aventure par définition incertaine.

Un peu plus tard est apparu un autre mouvement qui a pu, lui, bénéficier d’un soutien de la presse « populaire » car certains de ses membres étaient d’anciens élus médiatisés: « e-change ». A partir du moment où ce mouvement a décidé qu’il ne se présenterait jamais aux élections, il n’était plus un concurrent aux partis traditionnels et n’avait plus autant d’intérêt pour les médias. Il ne semble pas avoir atteint son but de transversalité, aucun politicien « classique » pressenti pour le futur combat électoral ne s’en revendiquant vraiment.

Les citoyens engagés sont déjà en train de perdre de l’énergie – souvent pour des batailles d’égo – alors qu’ensemble, ils seraient sans doute plus fort. Il est clair que l’association d’individualités reste une des étapes les plus complexes pour un nouveau mouvement.

D’autres mouvements citoyens ont également été lancés, plus fondés autour d’un rejet de la politique. Ils se sont directement présentés aux élections communales via des listes spécifiques et ont, pour certains, obtenu quelques résultats locaux.

Enfin est arrivé le mouvement des gilets jaunes, encore plus aigri quant au comportement des élus et qui se focalisait sur certaines revendications spécifiques.

Certains d’entre nous – doutant de la possibilité de mettre en place un mouvement citoyen indépendant ayant une taille critique pour vraiment permettre de changer les choses – se sont essayés à l’entrée dans des partis traditionnels avec l’espoir d’y changer les choses de l’intérieur mais ils se sont vite rendu compte que l’inertie du fonctionnement de ces partis rendait impossible l’accès à des places éligibles ou de combat pour des personnes moins connues n’ayant pas suivi un parcours militant. L’embellie qui était arrivée lors des élections locales via des listes mixtes ou des listes d’ouverture aux citoyens était vite retombée quand il s’était agi de choisir des personnes pour un nombre de places plus restreint.

Quelle est donc la situation actuelle? Les partis traditionnels sont en train de mettre en place des listes avec des personnes expérimentées en politique tandis que les « petites » listes citoyennes semblent s’être regroupées dans deux mouvements principaux: un premier derrière une exigence mise en avant par le mouvement des gilets jaunes: le RIC pour Référendum d’Initiative Citoyenne et un second plutôt regroupé derrière les idées de transparence et de bonne gouvernance sous le logo « Collectif Citoyen ».

Un autre espoir est en train de naître: l’émergence d’un mouvement u0022sans couleur politiqueu0022 pour le climat que personne n’avait vraiment vu arriver, où les jeunes s’investissent et par la même s’ouvrent à la citoyenneté.

Depuis peu, je suis à distance ces mouvements citoyens sur les réseaux sociaux et une chose ressort de manière bien triste: au lieu de collaborer, les deux mouvements commencent à se chamailler.

Factuellement, on a donc des nouveaux partis qui partent avec d’immenses tares: pas de financement public et difficulté d’obtenir des financements privés; pas d’accès direct aux médias traditionnels; un besoin de faire du travail pour recueillir des signatures (quand les autres n’en ont pas besoin et refusent leur parrainage) afin de se présenter plutôt que travailler sur les points de programmes pour étoffer leur offre politique et enfin, pas de représentants connus « avec un passé » qui permettraient de renforcer la crédibilité et la confiance que l’électeur pourrait leur accorder.

Ces partis sont donc déjà devant une montagne à gravir et ils arrivent à se battre l’un contre l’autre avant même le véritable démarrage de la course.

En clair, les citoyens engagés sont déjà en train de perdre de l’énergie – souvent pour des batailles d’égo – alors qu’ensemble, ils seraient sans doute plus fort. Il est clair que l’association d’individualités reste une des étapes les plus complexes pour un nouveau mouvement.

Il y avait un momentum terrible devant cette mère de toutes les élections, plusieurs projets l’ont vu et s’y sont lancés avec des résultats divers. Il n’est peut-être pas trop tard, mais le temps est compté. Au niveau politique, ce momentum ne reviendra plus.

Un autre espoir est néanmoins en train de naître: l’émergence d’un mouvement « sans couleur politique » pour le climat que personne n’avait vraiment vu arriver, où les jeunes s’investissent et par la même s’ouvrent à la citoyenneté. Ce mouvement pourrait avoir un impact, si pas sur l’actuelle politique sclérosée, au moins sur la société civile, ce qui permettrait d’enfin changer les choses.

Si les élus ne sont pas capables de mettre en avant le bien commun en sortant de leurs dogmes, peut-être les citoyens pourront-ils les y pousser de l’extérieur.

Régis Warmont, Co-fondateur d’En-Marche.be devenu C-Vox

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire