Le top 100 du pouvoir en Belgique

Olivier Mouton Journaliste

Qui dirige vraiment la Belgique ? Qui actionne réellement les leviers décisionnels ? Le Vif/L’Express a longuement enquêté et répond avec l’aide de nombreux experts. Où l’on constate que le monde politique s’est  » suicidé « . Le pouvoir est aujourd’hui détenu par un réseau diffus composé de plusieurs cercles, dominés par le marché, les forces sociales, l’Europe et l’administration. Voici donc les cent personnes qui tiennent notre destin en main.

Plus de dix mois que la Belgique est bloquée. Du moins à l’échelon fédéral. Depuis ce 9 décembre 2018 où la N-VA a quitté la suédoise, le pays est en léthargie,  » géré  » depuis le 21 décembre dernier par un gouvernement ultraminoritaire en affaires courantes, que ses membres fuient un par un. Si le préjudice est réel, notamment au niveau budgétaire, la situation ne provoque pas de chaos indescriptible pour autant. Ni d’inquiétude particulière au sein de la population, largement indifférente. Et ça peut s’expliquer : la multiplication de niveaux de pouvoir – de l’Europe aux Régions et Communautés – amortit le choc. D’autant que, à supposer qu’elle l’ait jamais détenu, la politique n’a plus le monopole de la décision, loin s’en faut : les entreprises, les organisations internationales, les structures administratives et les citoyens prennent toujours davantage le relais.

Parce que l’administration est forte, le gouvernement peut se permettre d’être faible.

Le Vif/L’Express a mené l’enquête sur cette dilution du pouvoir en compagnie de plusieurs experts. Avec eux, nous avons recensé et classé quinze cercles où se prennent les principales dispositions qui influencent notre quotidien et sans doute nos lendemains. Une galaxie du pouvoir donc, incarnée par cent personnalités de premier plan, connues ou moins connues, qui tirent aujourd’hui les ficelles du pays. Depuis l’intérieur ou, et c’est plus souvent le cas, de l’extérieur. Ces cent acteurs incarnent, aux yeux du Vif/L’Express et des experts consultés, les cercles de pouvoir prédominants du moment.

1. Les réseaux

 » Il n’y a pas un détenteur unique du pouvoir, mais plusieurs. C’est ce qui explique que la Belgique reste relativement stable. Mais à cause de cela, il n’y a pas de sentiment d’urgence face au blocage actuel, ce que je regrette.  » Voilà ce que déclarait la nouvelle Première ministre belge, Sophie Wilmès (MR), dans Le Vif/L’Express du 31 octobre dernier. En insistant sur le caractère de plus en plus horizontal du pouvoir.  » On peut effectivement relativiser le blocage politique actuel parce que le gouvernement fédéral n’est qu’une instance parmi d’autres, acquiesce le philosophe et économiste Philippe Van Parijs (UCLouvain et KULeuven). A cet égard, notre complexité institutionnelle est salutaire. Lors de la longue crise des 541 jours, en 2010-2011, des journalistes français m’ont interrogé sur ce qu’était une société sans Etat. Il fallait leur expliquer qu’en Belgique, l’absence de gouvernement fédéral effectif ne signifie pas l’absence d’Etat. Ce n’est pas comme si les poubelles n’étaient plus ramassées ou que les fonctionnaires ne travaillaient plus. La grande majorité de nos gouvernements continuent à prendre des décisions dans les limites de leurs compétences. Ce blocage est donc tout relatif. En fait, une grève générale aurait plus d’impact.  »

Ces cinquante dernières années, le monde politique belge a cédé, contraint et forcé, une partie de ses prérogatives. Là où d’autres pays voient, au contraire, la concentration des pouvoirs se renforcer.  » Aux Etats-Unis ou en France, on a le sentiment aujourd’hui que les décisions d’un Donald Trump ou d’un Emmanuel Macron sont toujours mises en application, constate le politologue Jean Faniel, directeur général du Centre de recherche et d’information socio-politiques (Crisp). Il y a là un pouvoir très concentré, même s’il y existe aussi des contre-pouvoirs. On ne peut pas en dire autant pour le roi ou le Premier ministre en Belgique : on est, chez nous, sur quelque chose qui fonctionne en réseaux. Le pouvoir n’est plus uniquement politique, en ce compris pour la décision politique. Tout ce qui gravite autour des institutions est devenu crucial. Ici, on navigue entre centralisation et décentralisation, avec des influences étrangères accrues.  »

Cette complexité du processus décisionnel est à l’image d’un pays situé à la charnière des grandes cultures européennes, en réforme de l’Etat permanente, qui accueille sur son territoire de nombreuses organisations internationales.  » En réalité, personne ne peut réellement saisir le pouvoir en Belgique, estime Ivan De Vadder, journaliste à la VRT et auteur d’un livre sur le sujet, The Power People (éd. Borgerhoff & Lamberigts, 2015). Le libéral Herman De Croo, vieux loup de la politique belge, disait très justement qu’un coup d’Etat serait tout simplement impossible chez nous tant le pouvoir se répartit en un grand nombre de lieux.  » Dans son ouvrage, Ivan De Vadder pointait les quarante personnalités les plus puissantes de Flandre, en commençant par Bart De Wever.  » Mais si c’était à refaire, je ne dresserais pas de liste « , nous dit-il. Parce que l’exercice est difficile, qu’il est impossible d’être exhaustif et qu’il fait beaucoup de mécontents. Surtout, son recensement ne tenait pas compte de la dimension internationale qui prédomine.

Comment déterminer les pouvoirs qui comptent ?  » Le Crisp a précisément été créé en 1958 pour étudier les pouvoirs réels en Belgique, rappelle Jean Faniel. A l’époque, nos fondateurs avaient placé l’Eglise catholique en première place. Ce n’est plus le cas aujourd’hui. L’Union européenne n’était guère mise en évidence parce que nous n’en étions qu’au début de sa construction. Aujourd’hui, on aurait tendance à la mettre en pole position, tandis que les Régions et Communautés sont nées puis ont pris davantage de place.  »

 » L’influence sur les électeurs était auparavant exercée par l’Eglise et les syndicats, qui nous disaient pour qui voter, appuie Philippe Van Parijs. Ces formes d’influence se sont effilochées. En parallèle, on a assisté à la montée en flèche des réseaux sociaux, symbolisée par les  »influenceurs » : ils n’ont aucun pouvoir, mais ils induisent des comportements. Or, on peut parfois faire davantage changer les choses, surtout sur le long terme, par l’influence.  » Les personnalités les plus puissantes de Belgique seraient en réalité celles qui se trouvent au carrefour des cercles de pouvoir. Ou qui tissent leur toile de façon à avoir des contacts dans chacun d’entre eux.

Geoffrey Geuens, professeur à l’ULiège, spécialiste des relations entre information, pouvoir et société, traduit cette situation par une analyse marxiste.  » Mes travaux visent à montrer combien le pouvoir est concentré et diffus, mais en prenant comme point d’entrée non pas les institutions, mais ceux qui les habitent. J’analyse ce sujet par le prisme des classes sociales et de grandes familles, parce que la Belgique reste quand même le paradis du capitalisme familial. Un concept très important est celui d’oligarchie industrielle et financière. C’est une classe consciente de ses privilèges, qui veille au quotidien à s’assurer de la reproduction de cette position dominante via des réseaux de sociabilité. Pour asseoir son pouvoir sur le plan économique, il faut aussi exercer une domination sur le plan politique et idéologique, via les médias ou le monde intellectuel.  »

2. Le marché

Le pouvoir majeur mis en avant par nos experts est cette  » main invisible  » qui a pris le dessus sur la politique dans les années 1980 jusqu’à tirer les ficelles des démocraties, comme l’a encore démontré la crise financière des années 2007-2008. Tous, nous sommes à la merci de la force diffuse du marché, incarnée désormais par des algorithmes à haute fréquence ou par des fonds de pension logés dans des paradis fiscaux.  » Une très large part du pouvoir n’est pas à proprement parler politique, insiste Philippe Van Parijs. Ce pouvoir économique est par essence plus difficile à localiser que le pouvoir politique. La démocratie, c’est le commandement par le peuple, mais certains estiment qu’il est illusoire tant qu’on a le capitalisme. Les patrons – eux-mêmes tenaillés par les actionnaires – sont les instruments du pouvoir structurel : si des décisions leur déplaisent, ils peuvent cesser d’investir ou délocaliser. Dans une économie globalisée, la sanction potentiellement exercée par le capital sur un Etat qui va à l’encontre de ses intérêts est plus sévère et plus rapide. Plus le capitalisme est global, plus le pouvoir démocratique national se réduit.  »

 » Les effets du marché peuvent être dévastateurs, poursuit Philippe Van Parijs. Avant, les démocraties nationales imposaient leurs règles aux marchés nationaux. Désormais, elles doivent se soumettre aux règles imposées par le marché international.  » Pour illustrer son propos, le philosophe rappelle la grande réforme de l’Etat-providence menée par le chancelier allemand Gerhard Schröder au début des années 2000.  » Il l’avait lancée à l’époque où on présentait l’Allemagne comme le malade de l’Europe. Sa mission, disait-il, était de remettre de l’ordre, notamment via une modération salariale et une assistance sociale plus répressive. Le patron du parti social-démocrate le plus vieux du monde est ainsi parvenu à rendre son pays davantage compétitif. Mais au coeur d’un marché partagé, et surtout avec une monnaie commune, c’est par définition rendre ses partenaires moins compétitifs et les acculer à leur tour à mieux satisfaire aux exigences du marché. L’Allemagne et les autres pays ont formellement le pouvoir de choisir, mais c’est le marché qui leur dicte ce qu’ils doivent choisir. Pour cette raison, choisir le Brexit pour « reprendre le contrôle » est une pure illusion. Le pouvoir formel de commercer librement avec le monde entier cache la dure nécessité de se soumettre à la dictature de la compétitivité.  »

 » Dans les régimes capitalistes, le pouvoir ultime est détenu par le capital, abonde Geoffrey Geuens. Mais ceux, comme Philippe Van Parijs, qui parlent de  »marché » noient le poisson. Dans le monde réel, ce sont des abstractions ; ce qui existe vraiment, ce sont des entreprises, des ministres, des grandes familles, des administrateurs, des directeurs exécutifs, des agences de notation, des institutions internationales etc. Tous sont très liés par des réseaux. Les grandes familles du capitalisme belge s’organisent à l’échelle européenne et internationale. On retrouve historiquement les Frère, Boël, de Spoelberch, Saverys, Janssen, Solvay, Leysen, Bertrand… autour de la Commission européenne ou de la Table ronde des industriels européens. Les multinationales américaines sont certes influentes en Belgique, mais c’est un alibi tellement confortable pour ne pas identifier chez nous les forces économiques réelles, qui ont une vraie proximité avec le monde politique. Ce n’est pas un complot, c’est une réalité. Mais c’est plus facile de dire que le pouvoir, c’est le marché, l’Europe ou Jeff Bezos…  »

 » Nous sommes bel et bien dans un système oligarchique, nous confirme un éminent représentant du monde de la finance. Les grandes familles ne sont plus belgo-belges, mais essentiellement flamandes et elles gravitent désormais dans des sphères internationales. Oui, elles continuent à jouer un rôle décisif dans la gestion du pays.  » C’est pour cerner cette réalité du pouvoir économique que le Crisp étudie l’actionnariat des entreprises actives en Wallonie (1).  » L’emprise des grandes sociétés multinationales n’est pas nul, et elle pourrait avoir tendance à s’accroître, estime pourtant Jean Faniel. Rappelons la façon dont DHL a imposé sa loi sous le gouvernement Verhofstadt II, en 2005. Le transporteur express, établi à Zaventem, avait menacé de quitter le pays si on ne relevait pas le nombre de vols autorisés durant la nuit. Toutes affaires cessantes, l’exécutif avait été prié de trouver une solution. Au bout du compte, DHL est quand même parti à Leipzig. Mais ce pouvoir économique a été transformé en pouvoir politique. Quand Alibaba est accueilli à bras ouverts à Bierset, une série de questions se posent car on n’agirait pas avec les mêmes égards pour une société de moindre envergure. Le CEO du géant chinois, Jack Ma, a été reçu au 16, rue de la Loi alors que des tas de dirigeants d’Etat ou de gouvernement n’y ont pas eu droit.  »

 » Le pouvoir est aujourd’hui plus flou en Belgique parce que nous avons perdu toute une série de fleurons industriels, souligne l’historien Vincent Dujardin, auteur avec Anne-Sophie Gijs et Vincent Delcorps d’un livre consacré à l’évolution du capitalisme en Belgique ( Paroles de patrons, éd. Racine, 2017). Notre grand holding, la Générale, a disparu. Comme la Sabena, Côte d’Or, Le Bon Marché, BBL, la Générale de banque, Tractebel, CBR… La liste est longue. Les centres de décision ne sont plus chez nous et cela complique les choses, notamment dans le débat sur les questions énergétiques.  » D’autres acteurs, comme les agences de notation, incarnent ce capitalisme tout-puissant.  » Lors de la crise de 2011, le rôle de Standard & Poors a été déterminant, enchaîne Vincent Dujardin. La dégradation de la note de notre pays a été le moment de dramatisation qui a aidé à rendre possibles les solutions.  »  » Ces agences n’infligent aucune sanction, ajoute Philippe Van Parijs. C’est l’exemple typique d’une façon d’affecter fortement la réalité sans exercer aucun pouvoir formel.  »

Contacté par nos soins, un ténor de la majorité suédoise au fédéral tempère :  » Il faut relativiser le pouvoir des acteurs économiques. Dans la mise en oeuvre des réformes économiques et sociales que nous avons conçues, ils ont joué le jeu : la confiance existait, ils investissaient et créaient de l’emploi.  » Ce qui reste une manière de manifester son pouvoir.

Le top 100 du pouvoir en Belgique
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Les acteurs

1. Thomas Leysen, président du groupe KBC, de Mediahuis et d’Umicore

2. Luc Bertrand, président de Ackermans & van Haaren

3. Alexander Saverys, CEO de CMB (Compagnie maritime belge)

4. Famille de Spoelberch, principal actionnaire du groupe Inbev

5. Cédric Frère, Executive Director, co-CEO de Frère-Bourgeois

6. Nicolas Boël, Chairman of Solvay Board of Directors

7. Herman Daems, président du conseil d’administration de BNP Paribas Fortis et de la KULeuven

8. Marc Raisière, CEO de Belfius

9. Jack Ma, fondateur du groupe Alibaba

10. Jeff Bezos, CEO d’Amazon

11. Douglas L. Peterson, CEO de l’agence de notation Standard & Poor’s Global

12. Marc Coucke, multientrepreneur notamment propriétaire de Pairi Daiza et du Royal Sporting Club Anderlecht

13. Etienne Davignon, administrateur d’entreprises

14. Jean-Pierre Hansen, administrateur d’entreprises

15. François Fornieri, CEO de Mithra

16. Pierre Rion, business angel wallon

17. Johnny Thijs, président du conseil d’administration d’Engie Electrabel

18. Bernard Delvaux, CEO de la Sonaca

3. L’Europe

Les marchés dominent le monde – et, forcément, la Belgique. La globalisation avance à une cadence soutenue, même si certains pays, dont les Etats-Unis et le Royaume-Uni, veulent en endiguer la progression en se repliant sur eux-mêmes. Chez nous, la riposte privilégiée reste multilatérale. L’Union européenne est le niveau de pouvoir qui prime sur tous les autres.  » C’est une métastructure qui englobe tout, avance un haut représentant du monde financier. C’est elle qui va devoir gérer à l’avenir le rapport de force entre les deux principaux pouvoirs, le marché et les forces sociales.  »  » L’Union européenne est une tentative de reprendre la main sur le marché, estime, lui aussi, Philippe Van Parijs. Ce qui exige un partage de souveraineté, qui impose aux Etats des contraintes, y compris pour assurer la stabilité de la monnaie unique. Quelles que soient ses imperfections, je suis un admirateur de ce que l’intégration européenne a réalisé et surtout un supporter enthousiaste de ce qu’elle doit absolument parvenir à réaliser beaucoup mieux. Un retour aux Etats-nations serait bien incapable de faire mieux qu’elle. Sa réussite doit tracer la voie pour le type de régulation dont on a besoin au niveau mondial.  »

 » Affirmer que l’Europe est une manière de reprendre la main sur le marché ne repose sur aucun élément factuel, grince Geoffrey Geuens. Regardez la commission de sages mise en place pour trouver des remèdes à la crise financière ! Elle était composée des pompiers pyromanes : représentants du monde financier, avec à leur tête Jacques de Larosière, personnage clé du monde bancaire. Il y a un discours sur la régulation, c’est vrai, mais pas de volonté effective de la mener à bien. Et si rien ne change, c’est parce que les mêmes personnes, ou issues du même sérail, sont choisies pour siéger dans ces instances. C’est l’ADN de l’histoire de l’Union européenne. On se souvient de la polémique suscitée par l’arrivée de José Manuel Barroso au sein de la banque Goldman Sachs à sa sortie de la présidence de la Commission européenne, en 2014. Mais ce n’est qu’un exemple parmi d’autres : depuis les années 1950, pratiquement tous les anciens commissaires européens sont passés ensuite dans le big business. La Commission européenne, c’est le monde des affaires dans sa version politisée.  »

 » Plus de trois quarts de la législation belge sont directement issus du droit européen, pointe Vincent Dujardin. Même le budget de l’Etat belge, qui est la compétence majeure en politique intérieure, est désormais contrôlé par l’Union. Nous avons un peu perdu la pression des marchés financiers depuis qu’on est entré dans l’euro et que les taux d’intérêt sont, en outre, extrêmement bas. Mais si l’instabilité en Belgique était renforcée par des pressions extérieures, on renouerait avec les difficultés. A très court terme, je pense par exemple à l’impact d’un Brexit dur ou d’une sévère récession venue d’Allemagne ou de conflits commerciaux accompagnés d’une correction sur les marchés financiers.  » Autrement dit : Angela Merkel, Boris Johnson ou Emmanuel Macron exercent un ascendant sur la Belgique. Sophie Wilmès, au Seize après avoir été ministre du Budget, insistait toutefois, auprès du Vif/L’Express, sur la capacité qu’a l’Etat belge de dialoguer avec la Commission.

 » Des pans entiers sont régis ou nettement influencés par l’Union européenne, appuie Jean Faniel, que ce soit via les directives directement transposées dans notre législation, des règlements emblématiques comme le RGDP sur le traitement des données… Ce sont des décisions prises avec le concours de Belges, mais pas uniquement, bien sûr. L’Europe a une influence énorme et pas seulement au niveau économique : en matière d’harmonisation de l’enseignement supérieur, par exemple, le processus de Bologne, amorcé en 1998, laisse une empreinte très importante. Même chose pour la politique migratoire : notre marge de manoeuvre est réduite par un cadre européen assez restrictif.  »

Nos ténors l’ont compris : de longue date, les Belges jouent un rôle de premier plan au niveau de la construction européenne. Didier Reynders hérite, à la Commission européenne, de la surveillance des règles de l’Etat de droit. Charles Michel marche sur les traces d’Herman Van Rompuy à la tête du Conseil européen. Un lieu de pouvoir ?  » Le Conseil européen est un véritable organe de pouvoir, assène Philippe Van Parijs. La présidence est plutôt une affaire d’influence. Mais ce n’est pas rien…  »

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Les acteurs

1. Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne

2. Frans Timmermans, vice-président de la Commission européenne

3. Margrethe Vestager, vice-présidente de la Commission européenne

4. Didier Reynders, commissaire européen belge

5. Charles Michel, président du Conseil européen

6. François Roux, chef de cabinet de Charles Michel, ancien représentant belge auprès de l’UE

7. Guy Verhofstadt, chef de file libéral au Parlement européen, négociateur du Brexit

8. Angela Merkel, chancelière allemande

9. Boris Johnson, Premier ministre britannique

10. Emmanuel Macron, président français

11. Christine Lagarde, présidente de la Banque centrale européenne

4. Les forces sociales

 » De mon expérience personnelle, je peux vous dire que le poids des syndicats est démesuré, nous confie un ancien ministre. Marc Leemans, président de la CSC, se félicitait récemment d’avoir abîmé, dégradé l’image du gouvernement, c’est dire… L’action syndicale freine les réformes, ce qui a un impact électoral.  » Inutile de préciser que celui qui s’exprime de la sorte est un des leaders de la coalition fédérale sortante. La dernière législature fut marquée par une polarisation inédite en Belgique sur le plan socio-économique.

 » Alain Destexhe a publié il y a quelques années un livre intitulé Syndicats, enquête sur le plus puissant lobby du pays (Renaissance du Livre, 2013), commente Jean Faniel. Mais là où on trouve les syndicats, on trouve le patronat, dans tous les lieux de concertation sociale ou de représentativité de la société. Par ailleurs, à supposer que les syndicats constituent bien le lobby le plus puissant, ils sont à la peine depuis trente ou quarante ans et ont perdu une partie de leur pouvoir.  » Même si le nombre de syndiqués reste très important en Belgique : 53 % des travailleurs.  » Les syndicats recourent d’abord à la négociation ou à des formes de lobbying auprès des partis dont ils sont les plus proches, prolonge le politologue… S’ils n’obtiennent aucun résultat, ils leur est possible d’organiser une manifestation ou recourir à la grève. Or, la grève est de plus en plus décriée, notamment au niveau médiatique. A l’échelon patronal, la négociation et le lobbying passent aussi par les partis avec lesquels le patronat a des contacts soutenus. Ce peuvent d’ailleurs être les mêmes. Mais il a également la capacité de peser sur le pouvoir économique, en se retirant ou en menaçant de se retirer du pays. Quand Zalando s’est installé aux Pays-Bas, le patronat a utilisé cet épisode pour demander une flexibilisation accrue du travail chez nous.  »

En Belgique, le concept de pilarisation est fortement ancré. Une source de pouvoirs.  » Historiquement, des tissus d’organisations coiffées par l’Eglise catholique et par le Parti ouvrier belge formaient des réseaux qui prenaient le citoyen par la main du berceau au tombeau, souligne le directeur du Crisp. Mutualités, syndicats, organisations féminines, de jeunesse, culturelles, sportives… Depuis les années 1960, on parle de dépilarisation. Mais ces associations constituent toujours des réseaux importants, qui pèsent sur le pouvoir. On l’a vu avec la ministre flamande Joke Schauvliege (CD&V), qui défendait ouvertement le Boerenbond, un pilier au sein du pilier chrétien. Encore plus flagrant du côté francophone : les anciens ministres Alda Greoli (CDH) et Jean-Pascal Labille (PS) provenaient respectivement des mutualités chrétiennes et des mutualités socialistes.  »

D’autres associations s’octroient une capacité d’influence nouvelle, en lien avec les thématiques d’actualité. Le climat, tout d’abord : Inter-Environnement et le WWF marquent le gouvernement arc-en-ciel wallon de leur empreinte, tandis que la Coalition climat, les Jeunes pour le climat ou Extinction Rebellion portent le sujet en tête des priorités. Les migrations, ensuite : la Plateforme citoyenne pour l’accueil des réfugiés s’est attribué un pouvoir inédit en prenant le relais de politiques réservés sur la question.  » Tous peuvent contribuer à faire bouger les lignes, admet le directeur du Crisp, mais l’arbitrage final reste entre les mains des acteurs économiques et du monde politique. Le « mouvement blanc », après l’affaire Dutroux dans les années 1990, avait une dimension comparable. Mais s’il est parvenu à faire changer certaines choses en matière de justice ou de police, il n’a pas réussi à influencer durablement le pouvoir sur le plan politique.  »

Par ailleurs, de nouveaux réseaux importants ont vu le jour. Comme ceux autour du mouvement nationaliste flamand, qui exercent une pression portant ses fruits sur l’électorat flamand. L’époque du pèlerinage de l’Yser est révolue.  » Le site flamingant Doorbraak, par exemple, n’est pas un organe de parti, mais il exerce une influence indéniable, illustre Philippe Van Parijs. Il reprend des articles du mouvement flamand traditionnel mais publie aussi des textes de membres du Vlaams Belang ou d’indépendants qui en sont très éloignés. Cela avec un réel souci de qualité mais avec un biais énorme ; on va évidemment y relayer plus que volontiers des informations sur la corruption en Wallonie ou les transferts entre Régions.  »

Enfin, moins visibles, les lobbies particuliers valent eux également leur pesant de pouvoir.  » Ils défendent des intérêts particuliers et ne s’en cachent pas, même s’ils le font plus discrètement, souligne Jean Faniel. C’est le cas de l’industrie du tabac, du glyphosate, de l’armement en Wallonie ou ailleurs…  » Ainsi, plus de dix mille organisations sont actives pour tenter de peser sur les décisions européennes !

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Les acteurs

1. Robert Vertenueil et Miranda Ulens, président et secrétaire générale de la FGTB

2. Marc Leemans et Marie-Hélène Ska, président et secrétaire générale de la CSC

3. Pieter Timmermans, CEO de la FEB

4. Wouter De Geest, président du Voka

5. Olivier de Wasseige, administrateur délégué de l’UWE

6. Jean-Pascal Labille, patron de Solidaris

7. Jean Hermesse, secrétaire général des Mutualités chrétiennes

8. Céline Tellier, ministre wallonne, issue d’Inter-Environnement Wallonie

9. Greta Thunberg et Anuna De Wever, activistes pour le climat

10. Karl Drabbe, éditeur du site flamingant Doorbraak

5. L’administration

L’administration n’est pas nécessairement le centre de pouvoir auquel on songe le plus souvent, mais plusieurs interlocuteurs l’évoquent spontanément. Dans The Power people, Ivan De Vadder avait d’ailleurs repris dans sa liste de quarante noms le responsable du SPF Sécurité sociale.  » En réalité, la Belgique est une gigantesque administration, explique cet ancien chef de cabinet qui préfère garder l’anonymat. C’est parce que l’administration est forte que le gouvernement peut se permettre d’être faible. Notre économie est complètement administrée. A mes yeux, l’administration pèse bien davantage que les partis. Si la Belgique est moins démocratique qu’auparavant, c’est précisément parce que l’exécutif/administratif a pris l’ascendant.  » Les crises politiques à répétition en ont fait un instrument décisif pour éviter le chaos généralisé.

 » C’est la force d’inertie de la Belgique. Elle continue à se mettre en marche tous les matins avec ses droits acquis, poursuit notre interlocuteur. L’administration, c’est le liant qui permet que chacun fasse son travail. Aucune impulsion politique majeure n’a significativement influencé le parcours de notre pays au cours des vingt dernières années. Même la croissance économique se fait à notre insu, grâce à la croissance allemande. Des décisions fiscales peuvent jouer à la marge, mais quand le gouvernement sortant se félicite du tax-shift, il oublie de dire qu’il a surtout profité d’effets d’aubaine. L’influence grandissante de l’administration est le reflet de l’impotence résignée du politique.  »

Depuis Albert II, la fonction royale est désormais en phase avec le Constituant.

Cette tendance risque d’ailleurs de se renforcer :  » Dans le monde de demain, l’administration belge et son homologue européenne seront aimantées par le pôle des forces sociales. Les défis sont d’une telle envergure qu’on n’arrivera pas à les résoudre avec une société capitaliste spontanée. Le vieillissement et l’appauvrissement de la population conduisent à moins de croissance et rendent de plus en plus impayables les acquis sociaux. On pourrait aller vers une protection sociale réduite, comme aux Etats-Unis, mais ce n’est pas le mode de pensée européen. L’Etat-providence est ancré en chacun de nous. A l’avenir, le capital risque de fuir l’Europe, et la Belgique en particulier, et la nationalisation de l’économie pourrait augmenter. Nous aurions alors un pouvoir davantage ancré à gauche, appuyé par une administration lourde, pour bétonner l’Etat-providence.  »

Comment le rendre viable ?  » On va fabriquer de l’argent, reprend l’ancien chef de cabinet. On va faire tourner la planche à billets. Cela ne va pas créer d’inflation parce que c’est une économie de survivance. On va geler l’épargne dans des obligations à long terme pour financer la dette publique qui augmente. Voilà le tableau. Ce sera une économie gérée administrativement par les forces sociales. Et le grand capital, lui, se déplacera. « 

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Les acteurs

1. Hans D’Hondt, président du SPF Fiscalité

2. Peter Samyn, président du SPF Sécurité sociale

6. Les partis politiques

Le livre d’Ivan De Vadder se clôturait par un constat limpide :  » En politique belge, les présidents de parti ont tout à dire. Même s’il faut relativiser leur poids parce que les dirigeants belges ne détiennent en réalité qu’une toute petite partie du pouvoir face à l’Europe, l’Allemagne, la Chine, les Etats-Unis…  » En matière de politique belge, stricto sensu, les présidents restent toutefois ceux qui tirent les ficelles d’une démocratie devenue au fil des années une  » particratie  » : plus les rouages belgo-belges sont devenus complexes, plus les lignes de fracture se sont renforcées, plus les partis se sont imposés comme le lieu de pouvoir où tout se décide. Ce sont eux qui forment les majorités, nomment effectivement les ministres, assurent les principaux arbitrages, déminent ou provoquent les crises politiques, forment l’ossature entre les niveaux de pouvoir ou dirigent les tensions…

 » Les présidents de parti ont exercé une influence croissante depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, approuve Vincent Dujardin. Plus récemment, il y a toutefois eu une multiplication du nombre de partis et une diffusion des résultats qui complexifie la formation des gouvernements et rend de facto les présidents de parti moins puissants. Il y a vingt-cinq ans, on avait un grand parti en Flandre et un grand parti du côté francophone : une fois qu’ils s’étaient mis d’accord, un gouvernement voyait le jour. Le CVP était à ce point influent qu’on parlait de « l’Etat CVP ». Aujourd’hui, la N-VA a pris le dessus, le PS a chuté et ces deux formations sont pressées sur leur droite et sur leur gauche, ce qui réduit leur marge de manoeuvre. C’est un phénomène nouveau.  »

 » Ce n’est pas un hasard s’il s’est dit que Bart De Wever était le vrai Premier ministre de la suédoise, dont la N-VA était le premier parti, ajoute Jean Faniel. Mais il ne décidait pas seul. La preuve, ce sont les empoignades auxquelles on a assisté entre les partenaires de la coalition. Le pouvoir appartient aux présidents de parti de la majorité, indéniablement, mais c’est un pouvoir collectif.  » Et dans la Belgique de 2019, ce pouvoir doit être relativisé, relèvent tous nos interlocuteurs.  » Nous sommes à un moment clé puisque les partis traditionnels ne recueillent plus la majorité des voix à trois ou à six en Flandre, à Bruxelles, en Communauté germanophone et au niveau fédéral, prolonge Jean Faniel. Seule la Wallonie fait encore figure d’exception. La tripartite classique n’est plus la solution de secours pour voler au chevet d’une Belgique qui va mal ou pour accomplir une réforme de l’Etat. C’était évidemment un élément de stabilité historique. La dépilarisation de la société a donné naissance aux partis verts, à DéFI, à la Volksunie, à la N-VA, aux partis de gauche radicale et d’extrême droite… Ce qui a attisé la volatilité politique.  » Et multiplié les blocages, de plus ou moins longue durée, qui réduisent le pouvoir des dirigeants.

 » L’après-élections du 26 mai a été mon chemin de croix, indique notre interlocuteur du monde financier. La campagne électorale avait été prometteuse, avec un débat idéologique profond et une mobilisation citoyenne importante. Mais les partis politiques n’en ont rien fait, ils ont annihilé tous les espoirs. Le pouvoir politique s’est suicidé. Regardez le manque d’intérêt que suscite l’actuelle absence de gouvernement fédéral : tout le monde s’en désintéresse, c’est effrayant.  » Geoffrey Geuens, lui, poursuit son analyse marxiste en démontrant que les partis sont désormais soumis au grand capital :  » On se souvient de Bart De Wever disant que le patronat flamand était son patron, c’est on ne peut plus clair. L’Open VLD est dans le même cas. Chez Ecolo, un rapprochement étroit avec le monde des entreprises s’est opéré. Le PS, pivot politique majeur en Belgique, a, lui aussi, des liens serrés avec le monde des affaires. En Wallonie, cette collusion est devenue structurelle au sein des grandes sociétés d’investissements où le public et le privé se rejoignent. Je ne dis pas qu’ils sont « à la merci du grand capital » mais qu’ils sont, de plus en plus clairement, de la gauche libérale à la droite dure, certes à divers degrés, des alliés de la grande bourgeoisie et des multinationales. « 

Le top 100 du pouvoir en Belgique

Les acteurs

1. Bart De Wever, président de la N-VA

2. Paul Magnette, président du PS

3. Jean-Marc Nollet, coprésident d’Ecolo

4. Georges-Louis Bouchez, futur président du MR ( ? )

5. Tom Van Grieken, président du Vlaams Belang

6. Raoul Hedebouw, porte-parole du PTB

7. Les médias et réseaux sociaux

Plus que jamais, les réseaux sociaux donnent le ton… et mettent les dirigeants au pied du mur. En plus des médias traditionnels.  » Le pouvoir de la communication et des médias est colossal, souligne ainsi le Premier ministre sortant, Charles Michel. En Belgique francophone, il est en outre dominé par un mainstream situé à gauche ou au centre-gauche.  » Traduisez : cette lame de fond n’a pas aidé le MR et la suédoise.

 » Le quatrième pouvoir reste important, mais il a beaucoup évolué, complète Jean Faniel. Un grand nombre de titres de presse attachés à des courants d’opinion ont disparu. D’autres analysent cette évolution sous l’angle d’une forte convergence en matière de contenu ou d’idéologie. Prenons un exemple chez nos voisins : un livre intitulé Opération Macron (par Eric Stemmelen, éd. du Cerisier, 2019) montre à quel point la presse a  » fait » le candidat Macron et l’a imposé dans l’opinion. Cette enquête pointe les relations entre presse et monde de l’entreprise, mettant au jour des réseaux importants.  »  » S’ils n’exercent pas le pouvoir en tant que tel, les médias pèsent sur la manière dont la population pense ou se comporte, affectent ainsi l’action des politiques « , ajoute Philippe Van Parijs.

Cette pression sur l’opinion publique est un rouleau compresseur.  » On attribue quand même aux réseaux sociaux, à mon avis à raison, une bonne part des succès du Vlaams Belang à l’issue des élections du 26 mai dernier, constate Vincent Dujardin. Plus un scrutin dans le monde, qu’il soit présidentiel aux Etats-Unis ou fédéral chez nous, n’échappe à l’emprise des réseaux sociaux. Avec des risques réels d’influence étrangère. L’exercice du pouvoir politique est beaucoup plus compliqué parce qu’il y a une pression 24h/24 absolument terrible. Personnellement, je suis convaincu que le politique devra apprivoiser les réseaux sociaux pour sauver la démocratie.  »

 » Nous avons évoqué auparavant la puissance du marché et des multinationales, conclut Jean Faniel. Avec les Gafa (Google, Apple, Facebook et Amazon), on se retrouve à la croisée de tout cela. Ce qui ramène à la définition du pouvoir : qu’est-ce qu’une multinationale, américaine en l’occurrence, a comme poids dans un pays qui n’est pas le sien ? On s’aperçoit que c’est un pouvoir important. Si on prend le cas de Google, de Facebook ou d’autres acteurs de contenu, on sait que cet ascendant peut aller très loin avec les algorithmes, ces bulles qui nous maintiennent dans notre mode de pensée et qui prennent le pouvoir sur les consciences. Ce sont de nouvelles formes de pouvoir.  »

Le top 100 du pouvoir en Belgique

Les acteurs

1. Marc Zuckerberg, CEO de Facebook

2. Sundar Pichai, CEO de Google

3. Christian Van Thillo, CEO du Persgroep

4. Paul Lembrechts, CEO de la VRT

5. Jean-Paul Philippot, CEO de la RTBF

6. Philippe Delusinne, CEO de RTL-TVI

7. Bernard Marchant, administrateur-délégué de Rossel

8. Jan Segers, éditorialiste en chef de Het Laatste Nieuws

9. Béatrice Delvaux, éditorialiste en chef du Soir

10. Amid Faljaoui, directeur des magazines francophones de Roularta et administrateur délégué du Cercle de Wallonie

8. Les gouvernements fédéral et régionaux

A priori, le pouvoir exécutif belgo-belge aurait dû figurer en tête de notre classement des cercles d’influence.  » Le Premier ministre a incontestablement du pouvoir, insiste un ancien locataire du Seize. Il y a tout d’abord la maîtrise de l’agenda, qui est un instrument de pouvoir. Il y a ensuite des capacités d’arbitrage importantes sur des questions délicates.  »  » Ce serait effectivement logique de le voir au premier rang « , dit Jean Faniel. Le voilà pourtant logé, de façon certes subjective mais édifiante, au… huitième rang.

 » Le Premier ministre est toujours l’otage de sa coalition et des partis qui la composent, analyse le directeur du Crisp. L’Autorité fédérale belge n’a, en outre, plus prise sur tout et le pouvoir se construit davantage en réseau. D’importantes délégations de pouvoir ont eu lieu vers le niveau européen, une part importante de notre législation étant désormais décidée à ce niveau. Avec le processus de fédéralisation, d’autres délégations ont eu lieu vers les Régions et Communautés. Vu la façon dont les compétences ont été réparties, on peut s’opposer par le bas à ce qui se passe par le haut. Le cas du traité commercial européano-canadien Ceta est tout à fait intéressant : en 2017, alors que les Régions et Communautés devaient marquer leur accord en plus de la Chambre des représentants, la Wallonie a estimé que ce n’était pas un texte satisfaisant.  »  » Pendant la première Partie de la législature, Paul Magnette a utilisé sa position de ministre-président wallon pour faire de l’opposition, estime Charles Michel. Chaque comité de concertation était une occasion pour verser dans l’obstruction. Parfois, en dépit du bon sens, comme quand le PS s’opposait au Pacte d’investissement, une décision pourtant dans sa ligne.  »

Les différents niveaux de pouvoir belge, singulièrement le fédéral, ont, en outre, péché par leur incapacité à prendre une série d’enjeux à bras-le-corps. Les périodes de crise et les blocages s’étant multipliés, leur impuissance est par moments apparue criante.  » Nos structures, complexes, permettent une gestion pacifiée de nos différences, en particulier en accordant un droite de veto à chacun des groupes linguistiques, mais elles imposent de longues concertations et parfois des blocages, dit Philippe Van Parijs. Pour en améliorer le fonctionnement, je défends avec beaucoup d’autres l’idée d’une circonscription fédérale pour une partie des sièges de la Chambre : que ceux qui veulent gouverner ce pays s’adressent d’emblée à l’ensemble de sa population.  » Une intention restée lettre morte jusqu’ici.

 » Le gouvernement est effectivement bien bas dans le classement des pouvoirs, acquiesce cette personnalité de la finance. Il court derrière les réalités. Pour paraphraser Jean Cocteau : « Faute de comprendre les événements, feignons de les avoir inventés. » Le pouvoir politique s’est noyé dans l’économie de marché. Et le pays est devenu de facto ingouvernable par sa fracture linguistique. « 

Le top 100 du pouvoir en Belgique

Les acteurs

1. Sophie Wilmès, Première ministre

2. Alexander De Croo, vice-Premier ministre Open VLD

3. Koen Geens, vice-Premier ministre CD&V

4. Jan Jambon, ministre-président flamand N-VA

5. Elio Di Rupo, ministre-président wallon PS

6. Rudi Vervoort, ministre-président bruxellois PS

7. Hilde Crevits, vice-présidente CD&V du gouvernement flamand

8. Philippe Henry, ministre wallon Ecolo

9. Willy Borsus, vice-président MR du gouvernement wallon

10. Renaud Witmeur, administrateur temporaire de Nethys

11. Thomas Dermine, chef de cabinet de Paul Magnette

12. Jean-Michel Javaux, président de Noshaq (ex-Meusinvest)

13. Sophie Dutordoir, CEO de la SNCB

14. Pierre Wunsch, gouverneur de la Banque nationale

9. Les citoyens

Ne nous sous-estimons pas, nous, citoyens. Nous disposons tous d’une parcelle de pouvoir en tant que consommateurs, électeurs et acteurs de mouvements sociaux. Par nos achats, nous avons la possibilité de peser sur le destin du monde. Vraiment ? Oui.  » C’est bien pour ça qu’on parle de pouvoir d’achat, acquiesce Philippe Van Parijs. Nous pouvons du reste aussi l’influencer par notre manière d’épargner. Mais ceux qui n’ont rien ou peu à dépenser, et encore moins à épargner, n’ont pas ce pouvoir.  »

Idem pour nos votes qui pèsent forcément sur le paysage politique et la formation des gouvernements. Indirectement, ça va sans dire… Idem aussi par notre capacité de mobilisation.

Le top 100 du pouvoir en Belgique

10. Le monde intellectuel

En cette époque d’incertitudes, la science reste un repère important. Les experts sont d’ailleurs consultés dans tous les domaines et relayés par tous les médias du monde. Ce phare de la pensée est pourtant ébranlé.  » Selon des enquêtes présentées lors d’un colloque sur le rôle des universitaires dans l’ère dite de la « postvérité », décode Philippe Van Parijs, les scientifiques jouissent encore d’une grande autorité auprès de la population. Du reste, les manifestations pour le climat sont l’illustration d’une confiance incroyable en la science. Que pouvons-nous dire, vous et moi, au sujet de l’ampleur des changements climatiques et de leurs conséquences ? Nous faisons confiance à des gens qui font confiance à la communauté scientifique. Il n’en est pas moins vrai que les connaissances scientifiques ont aujourd’hui plus de mal à percoler. Avant, avec un peu de vulgarisation scientifique et le relais d’une presse de qualité, ces connaissances se diffusaient largement. Maintenant, nous sommes bombardés de tellement d’informations que ce mécanisme est enrayé. On voit ainsi se créer des bulles étanches – climatosceptiques, islamistes radicales, etc. – qui sortent des radars et que l’éclairage des experts est incapable de percer.  »

La Cour constitutionnelle est la plus à même d’avoir un vrai poids.

 » Les universités n’ont pas su s’adapter, clame notre interlocuteur financier, longtemps professeur dans plusieurs d’entre elles. Seule la KULeuven a réussi à préserver sa zone d’influence. Les universitaires ne sont absolument plus écoutés dans la gestion du pays.  » Geoffrey Geuens insiste, quant à lui, sur le parti pris idéologique de ces zones d’influence.  » Les think tanks se veulent neutres et indépendants, mais ils ne sont qu’une autre forme de pouvoir des milieux d’affaires, qui véhiculent leur idéologie. Il n’y en a pas beaucoup en Belgique, mais Itinera, par exemple, est un lobby d’affaires, libéral… Je ne connais pas de think tank majeur et influent à l’échelle internationale qui ne soit pas proche des milieux d’affaires.  »

Le top 100 du pouvoir en Belgique
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Les acteurs

1. Luc Sels, recteur de la KULeuven

2. Jean-Pascal van Ypersele, ancien vice-président du Giec

3. François Englert, prix Nobel de physique

4. Paul De Grauwe, économiste

5. Bruno Colmant, économiste

6. Carl Devos, politologue UGent

7. Pascal Delwit, politologue ULB

11. Les organisations internationales

Dans ce monde devenu village, des organisations internationales jouent un rôle essentiel, même si elles ne vivent que grâce aux Etats qui les composent ou par le biais des puissants qui les dominent.  » La Belgique est membre de l’Otan, illustre Jean Faniel. On sait – ou on croit savoir… – que des armes atomiques sont entreposées à Kleine Brogel. Ce n’est pas anodin pour le devenir du pays, ni même de la planète. Le pouvoir de déclencher une attaque réside dans les mains de l’Otan et, comme ce sont des armes américaines, il se situe avant tout outre-Atlantique. La Belgique est membre de l’Organisation mondiale du commerce qui joue un rôle capital, bien qu’elle ne fasse pas toujours la Une de l’actualité. L’OCDE est aussi un organisme qui a un poids très important, dans la manière dont la lutte contre les paradis fiscaux est opérée, par exemple. Ce sont des organisations auxquelles la Belgique a délégué une partie de ses pouvoirs et auxquelles elle participe. Mais elle n’y dispose que d’une once de pouvoir, on n’est plus dans le cas d’un Etat indépendant qui décide en tous points.  »

L’ONU fait également partie de cet arsenal multilatéral, mais elle a, pour sa part, singulièrement perdu du pouvoir depuis l’intervention en Irak décidée unilatéralement par les Etats-Unis au début du siècle.

Le top 100 du pouvoir en Belgique
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Les acteurs

1. Donald Trump, président américain

2. Jens Stoltenberg, secrétaire général de l’Otan

3. Roberto Azevêdo, directeur de l’OMC

12. Le Palais

La Belgique est une monarchie constitutionnelle. Le roi figure donc en tête des pouvoirs, même si ceux qu’il détient sont bien sûr limités.  » Ce n’est pas un crime de lèse-majesté d’affirmer que, si le roi Philippe veut décider quelque chose, il ne peut le faire seul car il n’en a pas les prérogatives et il n’en a pas non plus l’influence, dit Jean Faniel. Peut-être certains de ses ancêtres en ont-ils eu davantage au xixe siècle, voire au début du xxe avec Albert II. Depuis, c’est devenu beaucoup plus compliqué.  »  » A l’origine, si l’on regarde les débats au moment où l’on a rédigé la Constitution, le Congrès national voulait une monarchie sans pouvoir, explique l’historien Vincent Dujardin, spécialiste de la question. Tous les actes que posait le roi sur le plan politique devaient être contresignés par un ministre. La fonction royale a évidemment évolué et, si nos premiers rois se sont octroyé beaucoup de pouvoir, cet aspect-là s’est érodé au fil du temps, de sorte que, depuis Albert II, la fonction royale est désormais en phase avec le Constituant. Même à la fin du règne de Baudouin, le roi ne jouait déjà plus de rôle dans la nomination et la révocation des ministres, sauf peut-être pour le maintien de Wilfried Martens au Seize lors de son dernier gouvernement. Aujourd’hui, je parlerais de magistrature d’influence. Ce n’est pas un lieu de pouvoir. On a parfois surévalué le rôle du Palais dans le domaine socio-économique mais, quand on interroge des capitaines d’industrie, ils sont unanimes pour dire – c’était l’expression de Philippe Bodson – que le roi est un  »spectateur informé ». Ou que le roi, comme le disait Etienne Davignon, peut encourager, mais sans plus.  »

 » On a notamment surestimé le rôle du Palais dans le projet Fortis, pour créer ce grand groupe au départ de la Générale de banque, poursuit Vincent Dujardin. Le roi Albert II y était peut-être favorable, mais ce n’est pas parce que Maurice Lippens a été fait comte juste après que le roi a joué un rôle. Il y a un seul dossier, sur ces quarante dernières années, où il semblerait qu’il ait eu une réelle influence, c’est le dossier Sabena, quand il s’était opposé à Wilfried Martens et Philippe Maystadt, qui voulaient vendre la compagnie, parce qu’il s’agissait d’un fleuron belge. Martens avait accepté, par estime pour le roi, de ne pas le vendre à ce moment-là ; c’est le seul cas que j’ai en tête.  » Mais son rôle peut être plus important au moment d’une crise politique, surtout quand ça va mal. En 2007, le roi fait pression pour que Guy Verhofstadt reste Premier ministre à la tête d’un gouvernement provisoire. En avril 2010, quand le roi « convoque » le président de la Chambre pour empêcher un vote en séance plénière sur la scission de l’arrondissement électoral BHV, il joue un vrai rôle. Idem quand il refuse, à Ciergnon, la démission de Di Rupo à la fin de l’année 2011, à la fin de la crise des 541 jours. Le roi Philippe a joué un rôle de facilitateur dans la formation de la suédoise, il a accompagné le processus sans mettre de bâtons dans les roues. Mais il ne faut pas non plus exagérer ce rôle parce que les faiseurs de gouvernement restent les présidents de parti et l’arithmétique électorale.

 » Plus globalement, conclut l’historien, le roi joue un rôle de représentation certain. Il peut vraiment soutenir la diplomatie économique. Je pense aux contacts de Philippe avec Jack Ma, fondateur du géant de la vente en ligne Alibaba. Je pense à certains résultats qu’il a pu obtenir en donnant un semblant d’unité à une délégation plurielle en Chine ou ailleurs : il donne l’illusion d’unité et c’est heureux. Le roi est par ailleurs quelqu’un qui peut mettre les gens ensemble. Il peut organiser des réunions au Palais. Ce fut le cas avec les responsables d’entreprise et de l’enseignement sur la formation en alternance. Mais cela reste de la magistrature d’influence. A la fin, ce sont les entreprises et les actionnaires qui décident.  »

Le roi, en somme, est un fédérateur et un… organisateur de réseaux. Y compris par l’anoblissement ou la désignation des ministres d’Etat.

Le top 100 du pouvoir en Belgique
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Les acteurs

1. Le roi Philippe

2. La reine Mathilde

3. Vincent Houssiau, chef de cabinet du roi

13. La justice

Le pouvoir judiciaire ne cesse de crier au secours : il manque de moyens budgétaires et a perdu de son influence réelle.  » Dès le départ, on l’appelait le troisième pouvoir, ce qui démontrait déjà qu’il n’était pas sur pied d’égalité, constate Jean Faniel. Il garde un rôle important parce que les décisions prises dans une affaire, par un magistrat en particulier, peuvent influencer les choses. Et il garde un rôle important de contrepoids aux autres pouvoirs. Mais ce dont on s’est rendu compte récemment, avec les réformes dans la justice, les questions budgétaires et de cadre linguistique, c’est que c’est bien un pouvoir fortement tributaire de ce que l’exécutif et le législatif acceptent de lui accorder.  »

Certains scandales étouffés et l’introduction de la transaction pénale ont, en outre, fait naître des soupçons de  » justice de classes « , qui sanctionnerait les plus faibles et épargnerait les nantis.  » Si on élargit cette considération à l’ensemble des organes juridictionnels, en incluant la Cour des comptes, le Conseil d’Etat ou le Conseil constitutionnel, on peut percevoir un pouvoir réel, prolonge le directeur du Crisp. C’est peut-être la Cour constitutionnelle qui est la plus à même d’avoir un vrai poids. Quand on a voulu interdire la cigarette dans les cafés et restaurants, c’est une décision de la Cour constitutionnelle qui a réellement accéléré les choses. Sur le plan des réformes des pensions, les policiers et militaires ont eu à pâtir d’un arrêt de la Cour constitutionnelle. Le pouvoir juridictionnel a un impact bien réel, même s’il n’est pas facile à mesurer. Mais le pouvoir législatif peut ne pas tenir compte des rapports de la Cour des comptes, le pouvoir exécutif peut passer outre un avis de la section de législation du Conseil d’Etat. Lors de la sixième réforme de l’Etat, on a décidé, pour en finir avec la saga des bourgmestres non nommés en périphérie bruxelloise, qu’il y aurait une décision de l’assemblée générale du Conseil d’Etat pour essayer de régler les choses. Le Conseil d’Etat a opté pour une solution saluée comme très posée et réfléchie : en ce qui concerne l’envoi des convocations électorales, les citoyens doivent clairement demander s’ils veulent les recevoir en français ou en néerlandais, mais cette décision vaut pour quatre ans. Ça n’a absolument pas empêché Liesbeth Homans (N-VA), ministre flamande des Affaires intérieures sous la précédente législature, de refuser à nouveau la nomination de bourgmestres en s’asseyant sur cet avis qui faisait consensus.  »

Le top 100 du pouvoir en Belgique
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Les acteurs

1. François Daout, président de la Cour constitutionnelle

2. Beatrijs Deconinck, première présidente de la Cour de cassation

14. Les Eglises

 » Lors de la naissance du Crisp, en 1958, notre fondateur, Jules Gérard-Libois, avait établi un tableau à plusieurs entrées pour répertorier les pouvoirs à analyser, raconte Jean Faniel. Il avait placé l’Eglise catholique dans la toute première case. Soixante ans après, elle garde un rôle dans la société belge, mais il ne nous viendrait plus à l’idée de la mettre en tête.  »

Quant aux francs-maçons, ils constituent un réseau informel… dont le pouvoir est à relativiser, au-delà des fantasmes.  » Au moment des scandales politico-financiers à Charleroi, il y a dix ans, on avait évoqué le poids supposé des loges maçonniques, rappelle le politologue. Notre directeur d’alors, Vincent de Coorebyter, m’avait dit :  »Ces gens se voient déjà partout, tout le temps, en réunions de parti. Pour eux, ce n’est qu’un lieu de plus. » Par contre, sur des sujets éthiques comme la dépénalisation partielle de l’euthanasie, un travail important semble avoir été réalisé dans les loges.  » C’était l’époque des gouvernements Verhofstadt, début des années 2000, quand la Belgique a joué un rôle précurseur.

Plusieurs de nos interlocuteurs insistent aussi sur l’importance retrouvée du fait religieux dans le débat de société, illustrée par le débat sensible sur l’intégration de l’Islam en Belgique.

Le top 100 du pouvoir en Belgique
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Les acteurs

1. Le pape François

2. Le cardinal Jozef De Kesel, chef de l’Eglise catholique belge

3. Henry Charpentier, grand maître du Grand Orient de Belgique

4. Mehmet Üstün, président de l’Exécutif des musulmans

15. Le sport et la culture

Certains évoquent par ailleurs, sans sourire, un cercle supplémentaire : le sport.  » C’est un monde intéressant à évaluer du point de vue des rapports de pouvoir, souligne Jean Faniel. L’UEFA et la Fifa, la fédération européenne et la fédération mondiale du football donc, font la pluie et le beau temps jusqu’à imposer des règlements qui vont à l’encontre des justices nationales. Ce sont ces organisations qui négocient les droits de diffusion télévisuels et qui gèrent des enjeux financiers colossaux, dont les répercussions sur d’autres niveaux de pouvoir sont évidentes.  »

Pour ne rien gâcher, les loges des stades et les tribunes des grands événements sont devenues des lieux de réseaux pour ceux qui détiennent le pouvoir ou… qui partent à sa conquête. Ajoutons à cela la dimension culturelle, avec ces jeunes Belges qui portent haut les couleurs du pays à l’étranger. Angèle et bien d’autres disposent donc d’un réel pouvoir d’influence.

Le top 100 du pouvoir en Belgique
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Les acteurs

1. Gianni Infantino, président de la Fifa

2. Mehdi Bayat, président de l’Union belge de football

3. Jacques Borlée, entraîneur national d’athlétisme

4. Eden Hazard, capitaine des Diables Rouges

5. Angèle, chanteuse

(1) En proposant le site www.actionnariatwallon.be, qui permet notamment d’identifier les groupes d’entreprises qui pèsent en Wallonie.

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