Le « pays prospère » de la Vivaldi: priorité à la stratégie de relance
Un chapitre bleu fortement teinté de rouge et de vert. Le programme de gouvernement met l’accent sur les investissements publics, l’entrepreneuriat et le soutien au pouvoir d’achat par la revalorisation des pensions minimales.
La lettre d’intention est la suivante: « La Belgique doit être un pays où le travail et l’entrepreneuriat sont récompensés. Les salariés, les entrepreneurs et les indépendants contribuent à la création de richesse et d’emplois. En ces temps difficiles, nous serons aussi là pour toutes les personnes qui participent au bien-être et au fonctionnement du pays. En donnant de l’oxygène à nos entreprises, notamment aux PME, et en leur assurant une base solide pour leur permettre de résister aux chocs. »
Le programme de la Vivaldi entend oeuvrer à un pays « prospère » et c’est en quelque sorte le pendant bleu-libéral des autres adjectifs « solidaire » (rouge – socialiste) et « durable » (vert – écologiste). Même si tout est bien entendu plus imbriqué que cela: ce chapitre est fortement connoté de rouge (stratégie keynésienne) et contient de solides touche vertes.
Le volet « Pays prospère » du programme gouvernemental va de la page 36 à la page 69 d’une note qui en contient 143. En voici les lignes principales.
Poursuivre le soutien à l’activité durant la crise. Le gouvernement De Croo entend avant tout soutenir les petites entreprises et les commerces qui ont souffert de la crise et oeuvrer au développement de l’emploi durable, avec un taux d’emploi à 80% à l’horizon 2030 – qui est celui fixé par la déclaration gouvernementale, celui du 200e anniversaire de la Belgique. La priorité sera de sauver tout ce qui peut l’être durant le temps de la crise sanitaire, tout en préparant la suite.
Priorité à la stratégie de relance. La relance socio-économique sera l’une des premières priorités de la nouvelle majorité: « Dès son installation, le Gouvernement rédigera un plan de relance ambitieux, en concertation avec les Régions, Communautés et pouvoirs locaux. Le plan de relance et d’investissement de 4,7 milliards donnera un puissant coup de fouet à notre économie, aidera nos entreprises à remplir à nouveau leurs carnets de commandes, stimulera la création de nombreux emplois et accélérera la transition vers une économie bas carbone. »
Ce plan de relance, en concertation avec les entités fédérées donc, « devrait donner un électrochoc à notre pays, renforcer notre économie, préparer notre pays pour le futur, soutenir la compétitivité ainsi que nos secteurs stratégiques ». Celui-ci « visera également à accélérer la transition vers une économie durable et résiliente » – la touche verte.
Accroître les investissements publics. Cette relance passera par des investissements publics. « Le niveau des investissements publics bruts dans notre pays s’établit à 2,6% en 2019, soit un taux relativement bas par rapport à la moyenne européenne qui se situe aux alentours de 3%, explique la note. Il incombe à chaque niveau de pouvoir de tout mettre en oeuvre actuellement, dans les contours de ses compétences, pour faire augmenter ce taux. Nous ciblons toutefois un taux d’investissements publics de 4% pour 2030. »
Cela s’inscrireadans la dynamique européenne du Green Deal. C’est le retour aussi d’un « plan d’investissement interfédéral » dont les principaux axes seront « la numérisation et l’innovation dans les soins de santé, la transition énergétique, l’amélioration de nos infrastructures et de la mobilité, l’agenda numérique et la cybersécurité ». En matière de mobilité, la SNCB sera choyée : priorité au « développement du réseau ferroviaire et de l’offre de trains et l’amélioration de la ponctualité ».
Pour coordonner le tout, le gouvernement « mettra en place une cellule stratégique, associant des représentants de toutes les entités fédérées concernées par les investissements ».
Investissements privés et activation de l’épargne. Des mesures seront prises aussi pour encourager les investissements privés. Intéressant aussi, ceci: « Le gouvernement examine aussi la possibilité d’encourager l’activation de l’épargne dans des projets durables et écologiques, avec un meilleur rendement que celui des comptes d’épargne. On pense par exemple à un système de banques vertes. »
Glissé dans ce chapitre, il est mentionné ceci… au sujet de la 5G: « Nous veillerons à rapidement assurer les conditions nécessaires pour créer l’adhésion de toutes les parties prenantes à l’introduction de la 5G et au déploiement de la fibre optique. Il sera tenu compte à cet égard des informations scientifiques (y compris les aspects liés à la santé, des aspects liés à la sécurité, de l’impact sur la consommation d’énergie et des compétences des entités fédérées). »
Les réformes de la Suédoise prolongée. Significativement, après les nombreuses critiques socialistes et écologistes lors de la législature passée, il est précisé: « Le gouvernement veillera à ce que les efforts et les réformes des précédents gouvernements pour améliorer la productivité de l’économie belge soient maintenus.
Des conférences annuelles sur l’emploi. Dans le contexte difficile du moment, la coalition entend mettre l’accent sur la défense de l’emploi durable et se fixe un objectif: « D’ici 2030, l’objectif consiste à atteindre un taux d’emploi de 80%. Il faut pour cela aussi travailler sur le taux d’inactivité actuel, qui s’élève pour le moment à 22,8% dans la catégorie des 25 à 64 ans. À cette fin, le gouvernement fédéral organisera une conférence annuelle sur l’emploi afin d’élaborer et d’évaluer des plans d’action concrets avec les entités fédérées, les partenaires sociaux et les autres parties prenantes. »
L’accent est mis sur la formation: « Pour préparer au mieux les travailleurs aux évolutions du marché du travail, un ‘compte formation individuel’ qui pourra être utilisé sur toute la carrière sera introduit en concertation avec les partenaires sociaux et les entités fédérées. »
Il n’est pas question d’une dégressivité des allocations de chômage. Le document mentionne ceci: « Les personnes non actives sur le marché du travail sont encouragées et aidées à faire le pas vers un emploi. Il s’agit notamment des personnes percevant un revenu d’intégration sociale, des malades de longue durée et des personnes porteuses d’un handicap. Les obstacles à l’emploi et au fait de travailler davantage seront également levés. »
Cap vers le télétravail et la flexibilité. Fortement dopé par la crise du coronavirus, le télétravail sera mieux encadré et encouragé: « Le gouvernement va élaborer avec les partenaires sociaux un cadre interprofessionnel permettant plus de flexibilité tout en garantissant la protection des travailleurs. En concertation avec les partenaires sociaux, on examinera notamment sur la base des expériences récentes, si des mesures supplémentaires peuvent être prises pour réaliser le plein potentiel social et économique du télétravail. »
Flexibilité encore dans le cadre d’une réflexion sur les centres d’e-commerce, qui se sont pas assez présents en Belgique: « Le gouvernement examinera les causes de la faible présence dans notre pays entre autres de centres de distribution dans le cadre de l’e-commerce. Il se penchera avec les partenaires sociaux sur l’opportunité en ce sens d’une modification de la réglementation sur le travail de soirée et de nuit. »
Développer l’entrepreneuriat. « L’exonération des cotisations patronales pour l’embauche du premier salarié sera prolongée au-delà de 2020, souligne la note. Au cours de l’année 2021, en consultation avec les partenaires sociaux, une évaluation du système aura lieu, qui pourra conduire à une modification. »
L’amélioration du statut social des indépendants sera prolongée: « À cet effet, le coefficient de correction dans le calcul des pensions des indépendants sera supprimé pour les années de carrière futures afin de parvenir à un régime identique pour les salariés et les indépendants, le gouvernement examinera également la manière d’introduire plus de solidarité entre les indépendants dans le financement du régime. »
Des mesures seront prises pour pallier aux retards de paiement et pour prolonger la simplification administrative.
Soutenir le pouvoir d’achat, la pension minimale augmentée. C’est dans le cadre des mesures de soutien au pouvoir d’achat que se situe l’une des mesures les plus symboliques de la Vivaldi: « La pension minimum sera progressivement relevée (carrière complète et incomplète) vers 1500 euros nets pour une carrière complète (réduits au prorata de l’écart entre la carrière et 45 années, en cas de carrière incomplète). Les allocations les plus basses seront progressivement augmentées en direction du seuil de pauvreté. » Précision importante: l’épure budgétaire prévoirait dans un premier temps une revalorisation vers le montant de 1500 euros brut, avant une autre phase à l’horizon 2030.
Une grande réforme fiscale. Dans ses intentions initiales, la Vivaldi précise ceci: « Le Gouvernement prépare une large réforme fiscale afin de moderniser, simplifier et rendre le système fiscal plus équitable et plus neutre. Le gouvernement prendra des mesures pour alléger la fiscalité des ménages et mieux la faire coïncider avec l’équation famille-travail et le soin aux membres de la famille âgés habitant sous le même toit. Une forme de taxation numérique doit voir le jour. La Belgique prendra l’initiative dans les discussions en la matière au niveau international. La lutte contre la fraude fiscale se poursuivra sans relâche. »
L’objectif de cette réforme fiscale sera de « réduire la charge sur le travail (tant pour les salariés, les fonctionnaires que les indépendants, en tenant compte également des charges parafiscales) ». Mais aussi ceci: « Le nouveau système fiscal devra également contribuer à la rencontre des objectifs climatiques et environnementaux formulés dans cet accord gouvernemental ».
A noter ceci, qui confirmerait la volonté de toucher à certains avantages en nature dans cette incise au sujet de l’IPP évoquant « la mise en place d’un glissement progressif des rémunérations alternatives vers des rémunérations en euros ».
Il est encore question d’une taxation des GAFA dont des fuites avaient fait état, mais en passant par un dialogue au niveau européen: « Une forme de taxation numérique doit voir le jour. La Belgique prendra l’initiative dans les discussions en la matière au niveau international (OCDE/UE). Un accord international sera privilégié. »
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