Le Musée du Chat de Geluck, un projet trop « commercial »?
Le projet d’un musée consacré au Chat, personnage fétiche de Philippe Geluck, en plein coeur de Bruxelles ne fait pas l’unanimité. En cause : l’argent public injecté, soit 9 millions d’euros.
C’est un projet qui est sur le feu depuis plusieurs années à Bruxelles : la construction d’un Musée du Chat, le félin créé par Philippe Geluck.Si le dossier avance – le projet muséal s’est récemment vu délivrer un permis d’urbanisme -, il ne fait pas l’unanimité.
Une pétition publique a rassemblé quelque 4.500 signatures contre ce musée du Chat. Celles d’artistes, mais aussi de personnalités du secteur de l’Art, dont Maud Salembier, professeur à l’École supérieure des Arts Saint-Luc, et Maëlle Delaplanche, cofondatrice de la Fédération des Arts plastiques.
Davantage un « outil commercial »
Certains estiment qu’il y a plus urgent en matière d’Art et de Culture. « Depuis dix ans, le Musée d’Art moderne n’a toujours pas vu le jour. Les jeunes générations n’ont pas la possibilité de voir les collections d’Art moderne et contemporain, par manque de moyens et de volonté politique« , déplore Maud Salembier dans une interview accordée à la RTBF. « Le Chat de monsieur Geluck représente, selon nous, davantage un outil commercial qu’un outil culturel. Le titre de « Musée » est, dans ce cas, clairement usurpé« .
L’argent serait le noeud du problème. On parle d’un financement public de 9 millions d’euros. .
D’autres parlent d’une forme « d’omniprésence » de l’artiste sur la scène culturelle. « Pourquoi ne pas simplement faire un projet centré uniquement sur le chat, sur cet animal qui est quand même important aux yeux de plein d’artistes et d’intellectuels? Philippe Geluck serait alors aussi dedans« , propose Maëlle Delaplanche.
Sandrine Morgante, artiste et conférencière à La Cambre, se révolte qu’on ne s’intéresse pas à la souffrance des autres artistes. « Encore une fois, on laisse beaucoup la place à Geluck. On le laisse parler de sa souffrance, on oublie la souffrance des autres. Ce n’est pas le seul apte à nous rendre joyeux », s’est-elle indignée ce dimanche 2 maisur le plateau de C’est pas tous les jours dimanche,avant de s’adresser directement au papa du Chat. « La diversité, c’est important. 4500 personnes ont dit : ‘On ne veut pas du musée Le Chat’. Est-ce que c’est clair maintenant? Est-ce que vous pouvez l’entendre? »
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On veut revoir les collections du musée d’Art moderne confinées depuis 10 ans. Le musée Fin de siècle n’en reprend qu’une infime partie. Les deniers publics ne doivent pas servir à gonfler l’égo du Chat.
— Rachida Bxl (@RachidaBxl) May 2, 2021
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Possible retour en arrière
Confronté à la critique, le dessinateur belge s’est dit prêt à abandonner l’idée. « Si on trouve un meilleur usage au bâtiment, je vous le dis publiquement aujourd’hui, je me retire et j’abandonne ce projet avec humilité et avec respect pour tous les autres artistes », a-t-il répondu à Sandrine Morgante.
Néanmoins, Philippe Geluck regrette cette véhémence et revient sur ce potentiel retour en arrière ce lundi matin, sur le plateau de La Première (RTBF) : « Honnêtement, j’en ai un peu ma claque. J’essaie d’apporter de la joie, de faire rire les gens, de monter un beau projet qui ne prend pas un centime d’argent public. Il y a cette levée de boucliers par des gens qui se trompent de combat« .
La création d’un Musée d’Art moderne dépendrait en effet du Fédéral, et non du Régional comme c’est le cas pour le Musée du Chat. « C’est la Région de Bruxelles-Capitale qui m’a proposé d’investir ce lieu, ce bâtiment. C’est donc différent« , explique l’artiste belge.
Pas « juste un musée égocentrique pour Le Chat »
Face aux critiques, Michel De Maegd, député MR et ex-présentateur du JT de RTL-TVI, prend la défense de Philippe Geluck. Pour lui, il ne s’agit pas « juste d’un musée égocentrique », mais bien d’un projet visant à amener une autre discipline, un autre public vers les musées et « défendre la liberté de pensée et d’expression trop souvent mises à mal ».
Un projet « qui ne prend pas un centime d’argent public »
Il dément toute accusation d’investissement public. « [Cet argent], ce n’est pas pour soutenir mon projet. La Région de Bruxelles-Capitale va construire un bâtiment qui lui appartient à la place d’un bâtiment de 1930 qui a été abandonné il y a 40 ans et qui pourrit sur pieds. C’est son rôle aussi d’entretenir son patrimoine immobilier. Et effectivement, construire le gros oeuvre fermé va coûter 9 millions d’euros« , explique-t-il.
Selon lui, il ne sera pas le seul bénéficiaire de ce nouveau bâtiment. Le Musée du Chat ne sera pas le seul à investir les lieux, les Bozar devraient également en profiter. Il serait donc tout à fait légitime que ce projet immobilier fasse l’objet d’un investissement public. Pour le reste, l’artiste l’assure : l’aménagement intérieur et la création à proprement parler du Musée seront financés par des fonds qu’il aura lui-même levés. « Moi, par la force de ma volonté, des contacts que je prends depuis 6 ans, je vais apporter un budget de 7 700 000 euros pour faire les aménagements nécessaires. C’est de l’argent levé grâce aux sponsors, et aux bénéfices réalisés sur la vente des sculptures exposées en ce moment sur les Champs–Élysées« .
Un Chat adulé en France ?
Si ce musée consacré au Chat de Philippe Geluck ne convainc pas tout le monde en Belgique, le célèbre félin possède un allié de taille en France : Jean Castex. Le Premier ministre a en effet autorisé et même encouragé la mise en place, en plein coeur de la capitale française, d’une exposition au grand air dédiée à ce personnage de BD. Depuis le 26 mars et ce, jusqu’au 9 juin, l’artiste belge expose sur la célèbre artère parisienne – les Champs-Elysées – vingt sculptures monumentales en bronze à l’effigie de son animal fétiche.
Le Chat serait-il finalement une oeuvre d’art ?
« Je n’en sais rien« , avoue Philippe Geluck. « En tous cas, ce que je sais, c’est que les grandes expositions que j’ai faites et que j’ai menées ont attiré un public énorme« . Quant à savoir si ce personnage humoristique a sa place dans un musée, le dessinateur s’interroge : « Finalement, qu’est-ce qui peut être considéré [ou non] comme de l’art ? Existe-t-il des oeuvres d’art qui seraient faites pour les musées ?«
Mais l’artiste reste clair : si son projet pose problème, il le fera ailleurs. Et pourquoi pas en France, un pays qui semble apprécier davantage son travail ? Une possibilité qui s’est déjà présentée, explique Philippe Geluck. « On m’a proposé de le faire dans deux endroits en France. Mais si j’avais dit « oui » à ces propositions, en Belgique on m’aurait traité de traître ! «
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