Le Conseil supérieur de la justice se rebiffe
Sollicité par le ministre Koen Geens pour donner son avis fissa sur un projet visant des changements d’envergure en matière judiciaire, le Conseil supérieur de la justice renvoie le ministre de la Justice à ses chères études. Du jamais vu.
Le 26 mai dernier, le cabinet de Koen Geens (CD&V) transmettait, pour avis, au Conseil supérieur de la justice (CSJ) une proposition de loi, lequel était demandé pour le 8 juin. La proposition était déposée dès le lendemain à la Chambre par deux députés CD&V. Sans attendre l’avis du CSJ. Plutôt cavalier. Son intitulé laisse perplexe : « dispositions divers en matière de justice dans le cadre de la lutte contre le coronavirus », mais aussi « autres dispositions diverses en matière de justice » n’ayant rien à voir avec l’urgence sanitaire. Il y a au total 138 articles. Pas un Post-it, visiblement.
Le Conseil supérieur a réagi vertement ce 6 juin, refusant de rendre un avis sérieux dans des délais aussi court sur des changements procéduraux aussi importants. Un tel « niet » est une première dans le chef de cette instance d’avis qui réunit magistrats et non-magistrats pour améliorer le fonctionnement de la justice notamment sur la base de plaintes de citoyens. Le CSL a fait savoir sa désapprobation en adressant un courrier au ministre Geens, à la Première Sophie Wilmès (MR), au président de la Chambre Patrick Dewael (VLD) et aux présidents de parti, en espérant particulièrement faire pression sur ces derniers afin qu’ils ne laissent pas l’actuel gouvernement faire passer ce texte sans débat de fond.
Le texte parlementaire prévoit des changements pérennes d’importance, entre autres : que la vidéoconférence puisse être utilisée pour accélérer la procédure pénale, même en dehors des cas de risque sanitaire. Ce n’est pas rien, d’autant que la Convention européenne des droits de l’homme garantit à toute personne accusée d’une infraction d’être entendue publiquement. Le CSJ déplore aussi le procédé du ministre dont le projet est introduit à la Chambre sous forme de proposition par deux élus du CD&V, ce qui permet de se dispenser de l’avis du Conseil d’Etat.
Trop, c’est trop
« Cette fois, le CSJ, qui s’est toujours montré pliant, refuse de répondre, et c’est une première. Il y a unanimité pour dire que trop c’est trop », nous glisse l’avocat Jean Bourtembourg, président ff de la commission d’avis francophone du CSJ. Il faut souligner que cet incident intervient après un autre coup de force de Geens dont les deux mêmes acolytes de parti et parlementaires ont déposé à la Chambre, fin mai, une brique de 726 pages réformant la procédure pénale. Avec à la clé : la suppression du juge d’instruction et celle du jury d’assises. Pas de minces affaires donc, même si ces tentatives de réformes sont mises en chantier depuis longtemps par le ministre.
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici