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Le Climate Justice Camp, ou comment concilier écologie et inclusion

Le Vif

S’attaquer aux dérèglements climatiques par le prisme des luttes sociales, telle est l’ambition du collectif Climate Justice Camp. Parce que les plus marginalisés seront les premiers touchés, mais aussi parce qu’ils peuvent impulser des changements pour plus de justice dans la société.

Queer, Jean ne se sentait à l’aise que dans très peu de mouvements écologistes, selon lui plus occupés par les actions que par le bien-être de leurs activistes. Puis il a intégré le Climate Justice Camp qui, en se focalisant davantage sur la justice climatique que l’écologie, l’a fait se sentir intégré.

Alors que les manifestations climatiques fleurissent particulièrement en Belgique depuis 2018, les initiateurs du Climate Justice Camp veulent questionner radicalement la manière dont les luttes sont menées. Ils souhaitent replacer au centre des réflexions ce concept de justice climatique, qui affirme que les dérèglements climatiques sont à la fois la conséquence et la source d’oppressions systémiques. « Il nous semblait que nous devions désapprendre la manière dont on organisait notre activisme », explique Julien, un autre membre du collectif. « Tout un ensemble de personnes (des personnes racisées, précaires, queer,…) ne se retrouvaient pas dans les mouvements climatiques et nous ne croyions pas que c’était par manque d’intérêt. Nous voulions comprendre comment nous les excluions de cette lutte ».

Entendre ceux qui n’ont pas le micro

Germe alors l’idée d’un camp de quelques jours où différents panels seraient proposés sur des thématiques variées, alliant féminisme, antiracisme, réflexions queer[i], âgisme[ii] et écologie. Pour le préparer, les militants décident d’organiser quatre rencontres avec des personnes touchées par les discriminations citées. « On leur posait deux questions. Qu’est-ce qui fait que vous vous sentez bien ou pas bien dans des espaces écologistes ? Et, de quoi trouvez-vous qu’on devrait parler ? On laissait le micro et dès le début, il y a 1000 idées », se souvient Julien. Aujourd’hui, le Climate Justice Camp intègre également des réflexions sur le classisme[iii], le validisme[iv] et la neurodiversité[v].

L’intégration de différents publics est essentielle pour le collectif, car selon eux, les premières personnes touchées par les dérèglements climatiques sont largement des personnes qui vivent déjà des oppressions sociales. « Il n’y a qu’à voir quels groupes sociaux ont été les plus impactés lors des inondations de juillet 2021, et surtout lesquels seront toujours dans une situation délicate dans cinq ans » justifie Julien. Tendre l’oreille à leurs expériences et leurs besoins est, pour le Climate Justice Camp, le meilleur chemin pour trouver des solutions tenables et justes. « Le fait que ce soit toujours les mêmes qui aient accès au micro dans les luttes climatiques posait deux problèmes », affirme Julien. « Des problèmes d’inclusion, tout le monde ne se sentait pas légitime d’être là et de prendre la parole, mais aussi des problèmes de narratifs, car chacun parle depuis sa réalité, même si certains prétendent le contraire ».

Du champ flamand au squat bruxellois

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Le premier camp a lieu en 2019, sur une plaine de Gooik, dans le Brabant flamand. « Tout avait été questionné, jusqu’à l’idée fondatrice de faire un camp. À un moment, il a fallu se lancer et expérimenter », raconte Julien. Entre 200 et 300 personnes passent quatre jours sur cette plaine, à alterner panels, rencontres et participation à l’organisation du camp. « Il y a un gros accent sur le vivre ensemble et l’autogestion, car ce n’est pas la dizaine de bénévoles du collectif qui peut tout faire tourner seule », souligne Jean. Si l’équipe n’est pas rémunérée, ses membres insistent cependant à payer les personnes qui interviennent lors des conférences, en mobilisant des subsides de fonds privés, une entrée à prix libre et, plus récemment, un crowdfunding.

Les deux éditions suivantes sont impactées par le Covid-19 et se font finalement dans un lieu d’occupation précaire de la capitale. « On s’est directement rendu compte de l’impact positif de cette décision, car on était plus accessible pour plein de nouvelles personnes », s’enthousiasme Julien. La volonté de créer un espace politique différent, une sorte de bulle, reste très ancrée. Pour ce faire, les organisateurs distribuent une charte à l’entrée. Laurent, un participant de l’édition 2021 se souvient de l’impact qu’a eu cet accueil. « Dès que tu entrais, tu savais dans quel genre d’environnement tu étais. Ça m’a directement accroché. Il y avait des définitions, des invitations à remettre en question la façon dont on prend la parole. Tu sentais que tu étais dans un environnement bienveillant où tu avais envie d’être respectueux, car tu te sentais respecté ».

En inspirer d’autres

À la création, le Climate Justice Camp voulait encourager les mouvements climatiques mainstream à plus d’inclusion. « L’évolution est au mieux lente, au pire décevante », regrette Julien. « Au final, on a davantage ouvert un espace pour les gens qui n’étaient pas dans ces mouvements écologistes que vraiment insuffler un changement dans les mouvements existants. Et encore, il y a toujours beaucoup de personnes qu’on ne touche pas ». Le collectif continue d’avancer, à coups d’essais-erreurs, sans mode d’emploi et attentif aux remarques. Actuellement en repos, ils se questionnent sur la forme que prendront les prochaines éditions. « Peut-être pas un camp, ce format a ses limites », confie Julien. En attendant de se renouveler, ils rêvent de se sentir moins seuls et pouvoir en inspirer d’autres.

Agathe Decleire

[i] Mot « parapluie » qui désigne toute personne dont l’identité ou l’expression de genre ou sexuelle ne rentre pas dans les cases dictées par les normes sociétales en termes de genre et de sexualité.

[ii] Discriminations systémiques à l’encontre des personnes âgées.

[iii] Discriminations systémiques fondées sur l’appartenance à une classe sociale, principalement à l’encontre des classes populaires et précaires.

[iv] Discriminations systémiques à l’encontre des personnes qui ne correspondent pas aux standards physiques et mentaux de la société, notamment les personnes handicapées.

[v] Diversité des cerveaux, des esprits humains et des fonctionnements neurocognitifs au sein de l’espèce.

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