Thierry Fiorilli

Le bruit de la semaine : le courage ultime (chronique)

Thierry Fiorilli Journaliste

Chaque semaine Thierry Fiorilli évoque un bruit. Cette semaine, il se demande quel son a le courage. Récit.

Quel son ça a, le courage ? Comme des vents qui fouettent et lavent ? Comme le finale de la Neuvième de Beethoven ? Un volcan qui agrippe le ciel ? Un emballage que l’on froisse ? Un choeur d’autres bruits ? Ceux de la colère, de la peur, l’ardeur, la pensée, l’accès de folie, l’effort… Ah ! le courage ! On en fait preuve ou pas au combat ; il en faut pour affronter la maladie, la tyrannie, le feu, le chagrin, la douleur, le risque, le plus fort, les plus nombreux, la crainte, l’injustice ; on en a besoin pour se lever, se relever, s’exprimer, défendre des convictions, avouer, dévoiler, inventer ; pour changer d’avis, de route, de peau, de vie ; pour prendre ou accepter le pouvoir ; pour y renoncer ; résister ; pas désespérer ; (ré)agir ou ne pas broncher. Que de capitaines courageux, dans notre histoire ! Combien de mères courage ! Quel concert d’actes, de femmes et d’hommes de bravoure ! Que de coeurs hardis ! De symboles de vaillance. D’histoires intrépides.

u003cstrongu003eLe courage, c’est u0026#xEA;tre honnu0026#xEA;te avec soi-mu0026#xEA;me. Se confronter au monde dans lequel nous vivons, et non le monde dans lequel nous aimerions vivre. u003c/strongu003e

A les écouter, on entend plus qu’une petite musique. Le courage a un cri, comme les animaux. La sonorité d’un instrument, aussi. Des cordes vocales. Un souffle. Et du coffre, puisqu’il se répercute très longtemps, très loin, comme un écho perpétuel. Y résonnent des clameurs, des battements de coeur, du fer croisé, du sang qui bouillonne, des goulées d’air, des galops, des cuivres, des orages, des montagnes qui tombent, des aurores qui naissent.

Un moteur aussi, un mécanisme qui s’actionne, comme décrit la philosophe Cynthia Fleury (1) : « Il n’y a pas de courage sans peur, sans menace, sans une lame de fond de découragement qui fait qu’on ressaisit en soi, comme une espèce de dynamo intime, cette vertu qu’il ne faut pas laisser inactive. Le courage permet de nous faire prendre la décision de dépasser la peur. »

Dans le son du courage, dans ses sons, chantent aussi la frayeur et l’appréhension, rappelle-t-elle. Comme l’affirmait Nelson Mandela, qui en connaissait un bout sur le couplet : « J’ai appris que le courage n’est pas l’absence de peur, mais la capacité à la vaincre. »

Dans une autre gamme, Winston Churchill serine qu’on doit y distinguer aussi la mélodie du silence puisque si « le courage, c’est ce qu’il faut pour se lever et parler », c’est aussi « ce qu’il faut pour s’asseoir et écouter« .

Le journaliste et militant écologiste américain Bill McKibben y ajoute une ligne de basse, qui ne sonne pas que pour l’exhortation à se battre contre le dérèglement climatique (2) : « Nous parlons beaucoup de courage lorsqu’il s’agit d’aventure : le courage de surmonter ses peurs, le courage de voguer vers l’inconnu, le courage de risquer sa vie. Mais il serait bien possible que le courage ultime consiste simplement à faire face à la réalité, à être honnête avec soi-même. Comprendre que la réalité n’est pas une option. Le courage, c’est se confronter au monde dans lequel nous vivons, et non le monde dans lequel nous aimerions vivre. C’est se confronter à la réalité, très concrètement, et très vite. » Ne plus « vivre dans ce monde imaginaire qu’il [est] plus simple pour nous tous de ne pas changer ».

Un son rare.

(1) Dans La Grande Librairie, le 14 mai dernier.

(2) Dans The Red Bulletin France, juillet-août 2020, p. 37.

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