« La violence physique directe, la brutalité et l’impunité faisaient partie intégrante du colonialisme belge »
Mardi, dix experts chargés par la Commission parlementaire spéciale sur le passé colonial de la Belgique (notamment au Congo) de guider les parlementaires dans leur travail, ont rendu leur rapport. Accablant, celui-ci détruit le mythe de » la colonie modèle « .
Le but du rapport était de clarifier certains enjeux et d’exposer les diverses options qui se présentent aujourd’hui aux membres de la Commission spéciale. En juin 2020, la Commission parlementaire spéciale « Congo – passé colonial » a été lancée dans le contexte des répercussions en Belgique du mouvement « Black Lives Matter » et des regrets exprimés par le roi Philippe le 30 juin de la même année concernant les conséquences de la colonisation au Congo.
« L’époque de l’État indépendant du Congo, des actes de violence et de cruauté ont été commis, qui pèsent encore sur notre mémoire collective. La période coloniale qui a suivi a également causé des souffrances et des humiliations », avait reconnu le descendant de Léopold II. « Je tiens à exprimer mes plus profonds regrets pour ces blessures du passé dont la douleur est aujourd’hui ravivée par les discriminations encore trop présentes dans nos sociétés », avait-il ajouté.
L’une des premières tâches de la commission a été de nommer dix experts chargés d’assister les membres du Parlement dans leur travail. Ce sont donc dix experts qui ont dû examiner le passé colonial de la Belgique de différents points de vue.
Une violence inhérente au système colonial
Ces dix experts ont à présent terminé leur rapport qui a été publié mardi sur le site de la Chambre. « Une nouvelle étape dans le traitement du passé colonial de notre pays », a déclaré le député Groen Wouter De Vriendt, qui préside la Commission spéciale. Celui-ci a remercié les experts « pour leur travail inestimable sur un sujet très délicat, dans des circonstances difficiles et dans un délai limité. »
Les experts dénoncent une violence inhérente au système colonial. Les « exemples de violence directe et brutale pendant la période du Congo belge ne sont que trop peu connus d’un public plus large. Ils constituent toutefois (…) un argument convaincant indiquant que la violence physique directe, la brutalité et l’impunité ont fait partie intégrante – à des degrés divers – du colonialisme belge, y compris pendant la période du Congo belge ».
Ils soulignent qu’en tant que système, le colonialisme constitue déjà en soi une forme de violence et il n’y a pas de colonialisme sans violence. En outre, celle-ci ne se limite pas qu’à « ses formes les plus visibles et les plus directes. Elle s’est manifestée sous de multiples formes, a eu une incidence sur pratiquement tous les aspects de la vie des colonisés, et a entraîné des conséquences durables ».
Réparations
Concernant les réparations, une des expertes du groupe de travail, l’historienne de l’art Anne Wetsi Mpoma, plaide en faveur de la reconnaissance de la colonisation du Congo comme un crime. Elle ne se prononce néanmoins pas sur l’ampleur du dommage en chiffres. « Le préjudice subi est impossible à quantifier, ce qui ne change rien au fait qu’il doit être réparé par une compensation financière. »
Prendre le temps
Pour les experts, la Commission spéciale devra affronter trois défis majeurs : premièrement, elle devra prendre le temps. « En choisissant de considérer l’impact durable du passé colonial, la Commission spéciale prend au sérieux la transmission intergénérationnelle des récits et des émotions liés à ce passé », écrivent les experts qui comparent ce travail à une marche de montagne. Le travail de mémoire « implique des efforts longs, lents, mais il permet d’élargir l’horizon et d’accéder à des vues inespérées – d’où l’on n’observe non plus une – mais plusieurs – vallées ».
« Notre pays a une responsabilité historique envers les victimes des méfaits du colonialisme. Cette tâche est trop importante pour être abordée à la hâte. La commission ne fera pas de miracle à court terme », confirme Wouter De Vriendt.
Un futur inclusif
Comme plusieurs représentants d’associations de la société civile ont déploré le caractère « superficiel et tardif » de leur implication dans le processus mis en place en juillet, les experts soulignent l’importance du caractère inclusif de la démarche. Celui « concerne non seulement l’ensemble des communautés qui forment la trame sociale belge, burundaise, congolaise et rwandaise, mais aussi l’ensemble des générations en présence. Les initiatives prises à l’étranger pour tenter de gérer le passé colonial montre la force des résistances contre toute nouvelle mise en récit publique du passé », estiment-ils.
« La Commission spéciale se révélera d’autant plus féconde qu’elle soutiendra les processus et les acteurs qui agissent, en dehors de ses murs, pour élargir les connaissances relatives à la période coloniale, entamer un dialogue ouvert et parvenir à un changement sociétal », ajoutent-ils.
« Soyons transparents »
Selon les experts, la demande de transparence est omniprésente depuis la création de la Commission spéciale. Pour eux, celle-ci « relève à la fois de la démocratie et de l’éthique. Elle concerne également l’efficacité des processus enclenchés : la transparence ne peut que renforcer la légitimité et la crédibilité de la Commission, des experts et des témoins entendus, ainsi que des conclusions et recommandations finales ».
Avec Belga
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