« La vérité brutale, c’est que la guerre en Ukraine appauvrit la Belgique » (analyse)
Lundi soir, le gouvernement fédéral a décidé de baisser la TVA sur le gaz pour alléger les factures énergétiques, une mesure qui selon notre confrère de Knack Ewald Pironet revient à parrainer Poutine. « Lorsque le prix à la pompe baisse, nous faisons davantage le plein, et cet argent va dans le trésor russe ».
Pendant plus de 30 ans, nous avons bénéficié de dividendes de paix. Après la chute du mur de Berlin en 1989, on a consacré moins d’argent à la défense. Nos politiciens disposaient soudain d’un moyen facile de faire des économies indolores. Depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie le 24 février, nous avons réalisé qu’une bonne défense pouvait être utile. L’Allemagne a déjà augmenté son budget de défense de 1,5 à plus de 2 % du produit intérieur brut. La Belgique est à 1 % du PIB et veut atteindre 1,54 % d’ici à 2030. Cette hausse a été approuvée par le Conseil des ministres le 25 février, après le déclenchement de la guerre. La décision est déjà dépassée : la Belgique devra consacrer beaucoup plus d’argent à sa défense. Les dividendes de paix font place à une taxe de guerre.
Le gouvernement ne s’est pas encore pleinement rendu compte que depuis le 24 février, nous vivons dans un monde différent. La façon dont il a discuté de la hausse des prix de l’énergie et des moyens de la compenser ces dernières semaines l’a confirmé. À chaque fois, il s’agissait de réduire la TVA et les droits d’accises. Gert Peersman (Université de Gand) a souligné à plusieurs reprises que c’est du gaspillage. « Une réduction de la TVA fera baisser la facture énergétique », écrivait Peersman dans le journal De Standaard, un mois avant l’invasion russe. « Si la facture devient moins chère, l’index augmentera moins, ce qui signifie que les salaires et les indemnités augmenteront également moins. Les travailleurs auront une facture d’énergie moins élevée d’un côté, mais perdront des revenus de l’autre ».
Une étude de la KU Leuven, publiée lundi, révèle que l’indexation automatique des salaires et des prestations compense le mieux la hausse des prix de l’énergie, même si elle est plus avantageuse pour les hauts revenus. L’extension du taux social garantit que les bas revenus voient également leur pouvoir d’achat fortement compensé. La réduction de la TVA est beaucoup moins efficace, voire négative pour certains ménages en raison de l’absence d’indexation. Avec la guerre en Ukraine, une réduction de la TVA est une idée encore pire, car elle revient à parrainer Poutine. Car lorsque le prix à la pompe baisse, nous faisons davantage le plein, et cet argent va dans le trésor russe, qui permet à Poutine de financer sa guerre. En outre, notre gouvernement perçoit moins de revenus, de sorte qu’il a moins d’argent pour mener une politique de lutte contre la pauvreté, par exemple. Ou pour augmenter le budget de la défense.
Au fond, c’est le contraire qui devrait se produire, déclarait Ricardo Hausmann, économiste à Harvard, à la fin du mois dernier : il devrait y avoir une taxe supplémentaire sur le pétrole et le gaz russe. Un tel tarif d’importation peut sembler illogique alors que le pétrole et le gaz sont déjà si chers, mais comme l’écrivait l’économiste Mathijs Bouman dans le journal économique néerlandais Het Financieele Dagblad : « Nous percevons la taxe, les Russes la paient. Une taxe d’importation permet de générer des recettes publiques supplémentaires. Ces données peuvent ensuite être utilisées pour mener une politique ciblée en matière de pauvreté. Aux frais de Poutine ».
Depuis le début de la guerre en Ukraine, nous sommes confrontés à une nouvelle réalité à laquelle nous devons faire face de toute urgence : les prix des carburants et de l’énergie resteront élevés pendant longtemps. La meilleure réponse, à part une taxe à l’importation, est de consommer moins. Les mesures prises par nos politiciens sont diamétralement opposées à cela. Mais, pour Bouman, « mieux vaut des politiques stupides qui sont populaires que des politiques intelligentes que personne ne comprend ». Cela sonne bien quand les politiciens disent qu’ils veulent protéger notre pouvoir d’achat, mais la réalité est que le gouvernement ne peut pas le faire. Il est certain que notre gouvernement n’a pas l’argent pour le faire. La vérité brutale, c’est que la guerre en Ukraine appauvrit la Belgique. Et il n’y a rien à y faire.
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