Mélanie Geelkens

La sacrée paire de Mélanie Geelkens: Sophie Wilmès voudrait-elle devenir carreleuse, peut-être ? (chronique)

Mélanie Geelkens Journaliste, responsable éditoriale du Vif.be

Selon le MR, chaque demandeur d’emploi qui ne trouve pas un métier en pénurie à son goût manque de bonne volonté. C’est oublier (?) un peu vite que, parmi ces professions en quête de main d’oeuvre, 67% sont dites « masculines », alors qu’il y a davantage de chômeuses que de chômeurs.

Il y a cent cinquante métiers en pénurie, ne me dites pas qu’aucun ne vous intéresse! » Elle a le sens de la formule, Sophie Wilmès (MR), pour vendre la proposition de son parti d’exclure du chômage celles et ceux qui n’accepteraient pas un job en cruel manque de main-d’oeuvre. Le journaliste de De Morgen, à qui elle confiait récemment cette phrase choc, ne lui a pas posé une question pourtant intéressante: si l’ancienne Première ministre devait se reconvertir, laquelle de ces professions critiques la botterait? Carreleuse? Tuyauteuse? Maçonne? Fontainière? Mécanicienne? Chauffeuse poids lourd? Poseuse de canalisations? Technicienne frigoriste, peut-être?

Dans cette liste, des métiers « masculins », il n’y a quasi que ça. Sur cent vingt-six fonctions, selon le Forem (et non cent cinquante), ils représentent exactement 67%. En excluant les ingénieurs et les informaticiens, censés être davantage mixtes. Si Madame Wilmès souhaitait s’en tenir aux emplois majoritairement exercés par des femmes, elle pourrait toujours devenir infirmière, technicienne de surface, aide-ménagère ou coiffeuse. C’est à peu près tout.

Alors bon, en consultant cet inventaire, il y a peu de chances qu’une demandeuse d’emploi y repère quelque chose qui l’intéresse. Et ça tombe plutôt fort mal: aux dernières nouvelles de Statbel (2e trimestre 2021), le taux de chômage est supérieur chez les femmes (6,4% – 6% chez les hommes). N’en déplaise au MR, forcer les personnes sans boulot à en accepter un est sans doute un slogan vendeur. Mais certainement pas une solution.

Il y a, bien sûr, la question des différences physiques réelles entre les sexes, bien que certaines (jeunes) femmes pourraient sans nul doute plafonner un mur ou conduire un camion. Il y a, aussi, la question de la rémunération: homme ou femme, nul(le) ne rêve de s’esquinter la santé ni de subir des horaires impossibles pour gagner à peine sa vie. Mais il y a, surtout, les stéréotypes de genre.

Ceux qui incitent les parents à offrir des gadgets pour fabriquer des bijoux aux fillettes, mais des kits de petit chimiste aux garçons. Ceux qui poussent les instituteurs à questionner les garçons en maths et les filles en français. Ceux qui font pousser des « ooooh » et des « ahhhh » aux adultes quand un garçonnet réussit un exploit physique, mais des « attention! » et des « tu vas te faire mal » quand une gamine ose un cumulet.

Ça prendrait au moins une génération pour dégenrer les mentalités, puis les métiers. Mais ce constat est probablement moins irritant que l’attitude des politiques, qui s’échinent à gommer les explications de genre de leurs analyses, de leurs solutions, de leurs décisions. Comme si c’était juste une rengaine de mégères, une lubie féministe. Un truc réservé à une secrétaire d’Etat à l’Egalité dotée de moyens financiers ridicules. Alors que ce facteur genre suinte à grosses gouttes de toutes les problématiques sociales actuelles. Les pensions. Les malades de longue durée. Le chômage. L’immigration. L’enseignement. Sans même évoquer l’épidémie de violences intrafamiliales – ça, effectivement, y a que les féministes qui ne s’en fichent pas.

Les politiques belges semblent vivre dans l’illusion d’un pays égalitaire, croyant qu’il suffit d’appliquer des mesures neutres pour résoudre des problématiques qui ne le sont pas. Ça fait des décennies que leurs prédécesseurs essaient. Ça ne marche juste pas, les gars! Mais continuez comme si de rien n’était, peut-être que ça finira par fonctionner. Le jour où Sophie Wilmès deviendra carrossière.

@unesacreepaire sur Instagram

#balancetonbar prend de l’ampleur

Même le journal Le Monde en a parlé: le mouvement #balancetonbar fait tache d’huile, en Belgique comme en France. Né à la suite des accusations de violences sexuelles dans deux bars de la capitale, il a donné lieu à des actions de boycott de lieux festifs dans différentes villes, de Liège à Paris. Le parquet de Bruxelles qui, jusque-là, s’était montré assez discret, a affirmé dans L’Echo que les dossiers moeurs – qui ont augmenté de 113% en trois ans – étaient pris au sérieux, mais qu’instruire à charge et à décharge prenait du temps, qui plus est lorsque les moyens font défaut.

5

nouveaux collectifs d’associations actifs dans la lutte contre les violences faites aux femmes ont été reconnus, le 12 novembre, par la Fédération Wallonie-Bruxelles. Garance, le Collectif contre les violences familiales et l’exclusion, La voix des femmes, le GAMS et Brise le silence recevront chacun 75 000 euros par an, durant cinq ans.

Un ex-échevin condamné pour harcèlement sexiste

Pierre Brzakala (71 ans), un ancien échevin (PS) de Soumagne, petite commune de la périphérie liégeoise, a été condamné, le 12 novembre, à un mois de prison avec sursis par le tribunal correctionnel de Liège pour avoir harcelé l’ancienne bourgmestre Chantal Daniel (PS). Une victoire judiciaire qui ne coulait pas de source, la chambre du conseil ayant précédemment requis un non-lieu. Les témoins interrogés dans cette affaire avaient fait état de propos sexistes sous couvert de l’humour, déplacés, irrespectueux, vexatoires et, même, menaçants. « Un dossier désolant », avait regretté le parquet. L’échevin a, en outre, dû s’acquitter d’un dédommagement de 480 euros.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire