Carte blanche
La production des vaccins, la véritable carence dans la gestion globale de la pandémie
Dans le contexte de la crise sanitaire liée au coronavirus et ses variants, un élément devenu déterminant est celle de la carence en vaccins, encore confirmée par de nouveaux retards annoncés dans la livraison des quantités pourtant promises sous contrat(s). Et ceci même si un quatrième vaccin est sur le point d’être enregistré.
Si pourtant une dimension de la gestion d’une crise pandémique pouvait être anticipée, c’est bien la nécessité de disposer en temps utile de moyens de production de vaccins à la hauteur des enjeux : la vaccination de la population mondiale dans les délais les plus courts possibles après l’enregistrement de vaccins testés et approuvés globalement comme suffisamment efficaces.
A terme, cette carence pourra presque être qualifiée de génocidaire, le nombre de victimes se comptant en effet déjà par millions et tout retard dans une vaccination au niveau planétaire ne faisant qu’augmenter chaque jour la probabilité d’émergence, dans les foyers du monde qui n’auront pas été vaccinés, de « variants ultimes » plus largement mortels. Ceux-ci induiraient un rebond de la vague pandémique qui pourrait, à terme, éliminer une proportion significative de l’humanité. Ce qui est peut-être le souhait de certains « privilégiés » qui se pensent déjà immunisés …
Aujourd’hui, c’est bien l’insuffisance des moyens de production qui constitue de facto l’obstacle majeur dans la mise en oeuvre des campagnes de vaccinations à large échelle. Car si celles-ci montrent parfois de grandes difficultés à être organisées efficacement, c’est en particulier lié à la nécessité de devoir hiérarchiser les populations devant être vaccinées prioritairement.
La production plus massive des vaccins serait pourtant technologiquement possible, pour autant que les unités de production appropriées aient été installées et les « matières premières » ne fassent pas elles-mêmes défaut. Cette production massive est déjà indispensable pour la production des vaccins actuels mais sera aussi critique dans le cas de la nécessité de revacciner du fait d’une immunité d’une durée limitée ou de la nécessité de produire de nouveaux vaccins adaptés aux variants émergents.
Cette carence dans l’anticipation des moyens de production nécessaire est en fait celle de l’ensemble des « décideurs » des pays industrialisés qui ne se sont pas mobilisés dès le début de la pandémie pour assurer ces moyens de production de vaccins à la hauteur des enjeux. Quand, face à un conflit, il s’agit de mobiliser des troupes et des industries pour produire des armes pour faire, cela se fait en termes de jours ou de semaines … Or, Il était évident que les capacités existantes de production des seules sociétés pharmaceutiques mettant ces vaccins sur le marché seraient largement insuffisantes que pour permettre une vaccination généralisée des populations mondiales.
Dans ce contexte, la Présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen fut la première à déclarer que « nous étions trop confiants dans le fait que les doses que nous avons commandées seraient livrées à temps« .
Mais qu’en est-il résulté de significatif jusqu’ici ? Cette évidence ne fait encore que naître comme une ‘révolution copernicienne‘ dans la plupart des esprits, et se heurte encore et toujours à la résistance de la majorité des « décideurs » :
– résistance mentale de ceux qui, enfermés dans leurs visions paradigmatiques, se refusent à admettre d’avoir tragiquement failli dans leurs modes d’analyse trop réducteurs de la situation dans la complexité irréductible de ses multiples dimensions ;
– résistance des tenants d’un monde dominé par une logique marchande ; ils n’ont toujours pas anticipé et mis en oeuvre au niveau approprié les politiques et les moyens de crise indispensables pour élargir ces capacités intrinsèques, forcément limitées, de production par les seules entreprises pharmaceutiques titulaires des brevets.
Cela combiné aux politiques de certains régimes autoritaires qui profitent de cette situation pour accroître leur influence, voire leur pouvoir, non seulement au niveau de leur nation, mais au niveau géopolitique international.
Et ces résistances, comme on le constate cruellement chaque jour un peu plus, déjà irréversiblement meurtrières au plan des mortalités et autres séquelles physiologiques lié au virus, le sont aussi psychologiquement, socialement et économiquement du fait de la prolongation des inévitables régimes de confinement de plus en plus perçus comme insupportables voire totalitaires. Le soulèvement et la mobilisation de toutes les « parties prenantes » face à des contraintes de confinement(s), interminables et insoutenables, mais indispensables à tous les niveaux, se multiplient et s’amplifient. Et ce sont les retards dans les campagnes de vaccinations liés à la carence de disponibilité en vaccins qui en imposeront la prolongation sans issue encore raisonnablement envisageable des confinements (inter)nationaux, malgré les discours lénifiants.
Plutôt que de commenter sans fin le fait qu’un responsable politique ait invité un couple pour un diner, il serait temps de compenser les vraies carences qui font obstacle à sortir d’une situation inédite dans notre époque aux enjeux mondialisé …
Peut-être devrait-on éclairer plus explicitement les opinions publiques à ce sujet de façon à ce qu’elles stigmatisent plus particulièrement cette urgente nécessité de disposer, et donc de produire cette seule « arme absolue » pouvant « atomiser l’envahisseur : les vaccins. Ceci pour qu’elles soutiennent plus explicitement les quelques « esprits éclairés », comme la présidente de la Commission européenne, qui se sont engagés sur ce plan, mais qui ont besoin de ces soutiens citoyens, peut-être les seuls susceptibles de contribuer à briser les barrières qui demeurent tant au niveau économique que politique.
Comme moyen de pression, peut-être pourrait-on même envisager une convocation de certains « décideurs » devant les tribunaux internationaux pour ne toujours pas avoir mis en oeuvre cette stratégie de multiplication des moyens de production à la hauteur des enjeux …
Au-delà, ce qui est sans doute la vraie carence, c’est cette absence d’intégration méthodologique de la dimension systémique dans les analyses et la prise en compte des enjeux et des contraintes complexes et irréductibles auxquelles font face nos sociétés. Déjà, Blaise Pascal avait constaté que « le tout est plus que la somme des parties« … Ces méthodes sont pourtant aujourd’hui opérationnellement bien éprouvées et elles offrent, par leur vif éclairage complémentaire, une lucidité permettant aux parties prenantes concernées de se « concerter », au sens propre du terme, pour orchestrer harmonieusement leurs partitions et échapper ainsi au cacophonies telle celles, meurtrières, que nous traversons aujourd’hui.
Prof. Jacques de Gerlache
Dr Sc Pharm, (éco)toxicologue
Professeur en écologie & gestion environnementale
Conseiller scientifique auprès du Conseil Fédéral du Développement Durable (CFDD)
Ancien coordinateur de l’entité ‘Anticipation, Gestion et Communication de crise’ d’un groupe international belge qui a notamment fait face à la gestion de la crise de la grippe entre H5N1 et H1N1 en 2009
Membre actif du Club de Rome-EU Chapter
Co-fondateur & manager du site multilingue www.greenfacts.org/fr
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