La lutte contre l’usage de drogue pour faciliter les violences sexuelles au coeur des débats au Sénat
Depuis l’automne dernier et le mouvement « Balance ton bar », les violences sexuelles facilitées par l’absorption de drogues et autres substances ont été particulièrement pointées du doigt. Mais comment lutter contre ce phénomène?
Une proposition de résolution a été déposée au Sénat, comprenant 25 recommandations, et sur laquelle se penchait lundi le Comité d’avis pour l’égalité des chances entre les femmes et les hommes.
Si les violences sexuelles sont vastes et multiples, elles sont généralement commises sur des femmes par des hommes qu’elles connaissent. Elles peuvent prendre de multiples formes, mais en automne dernier, un moyen en particulier a été dénoncé, notamment via le hashtag « #Balancetonbar », de nombreuses femmes témoignant avoir été droguées à leur insu dans un café, bar ou club, puis agressées sexuellement.
Pour lutter contre ce phénomène, une proposition de résolution a été déposée au Sénat à l’attention des différents gouvernements de Belgique pour qu’ils prennent « d’urgence des mesures afin de mettre fin aux violences sexuelles facilitées par les drogues du viol ou d’autres substances inhibitrices ». Y sont notamment comprises des mesures de prévention, le fait de lancer des campagnes de sensibilisation, la formation dans les écoles mais aussi des exploitants de café, des forces de police, des avocats, des magistrats… Pour en discuter, plusieurs expertes étaient invitées lundi à exposer leur vision des choses au Comité d’avis pour l’égalité des chances entre les femmes et les hommes.
L’Union féministe inclusive autogérée (UFIA) a notamment pointé deux manquements dans la proposition. Le premier concerne l’absence d’intersectionnalité, soit la prise en compte que des personnes subissent simultanément plusieurs formes de discriminations en raison de leur origine supposée, de leur orientation sexuelle ou de leur handicap notamment. Or, les recommandations évoquent « les femmes sans plus de précision », a dénoncé Ntumba Matunga, membre de l’UFIA. « Il s’agit d’un manque d’inclusivité criant d’une société inégalitaire qui ne prend pas en compte les personnes racisées (subissant le racisme, NDLR), en situation de handicap et/ou dont l’orientation sexuelle n’est pas hétérosexuelle », a-t-elle ajouté, soulignant que ces discriminations constituent pourtant un « élément facilitateur ». C’est bien parce que la personne est racisée, en situation de handicap ou non-hétérosexuelle, qu’elle est plus vulnérable aux violences sexuelles.
Autre manquement, selon l’UFIA : les mesures concernant la prévention se concentrent sur les victimes, l’union féministe recommandant plutôt de s’axer sur les agresseurs. « Lorsqu’on s’identifie en tant que femme, on est tout le temps alerte, on sait qu’on se met en danger lorsqu’on sort », a exposé Laura Baiwir, membre de ce collectif. Il faut dès lors non pas sensibiliser les potentielles victimes aux risques qu’elles courent, mais plutôt empêcher les agresseurs d’agresser en les sensibilisant. Les expertes entendues lundi ont aussi pointé du doigt la culture du viol dans la société, qui renvoie à l’ensemble des attitudes et comportements qui minimisent, normalisent ou encouragent le viol. « Il faut s’attaquer à la minimisation des violences sexuelles » et au dénigrement des victimes, ont plaidé deux initiatrices du site Meldet.Org, qui répertorie les endroits à Gand où du harcèlement est signalé.
Lorsqu’il est question de violences sexuelles facilitées par l’absorption de substances, la consommation volontaire d’alcool ou autre drogue peut empêcher la victime de dénoncer son agression, a abondé Céline Van Vaerenbergh, coordinatrice du Centre de prise en charge des violences sexuelles (CPVS) du CHU Saint-Pierre à Bruxelles. La crainte ou le risque d’être blâmée, accusée constitue en effet un obstacle à la dénonciation de ces violences. L’ensemble des spécialistes ont ainsi insisté sur la nécessité de mieux former les policiers et policières afin que les survivantes ne craignent plus de se rendre dans un commissariat. Mais aussi pour donner davantage de moyens à la Justice, en laquelle nombre de victimes ne croient plus au vu du nombre de dossiers classés sans suite ou aboutissant à un non-lieu, ont exposé les expertes. Selon les données de Mme Van Vaerenbergh, les cinq CPVS de Belgique ont accueilli 4.943 victimes entre 2017 et 2021, dont 89% de femmes. La coordinatrice a d’ailleurs plaidé pour le lancement d’une étude sur les agressions sexuelles facilitées par substances, pour lesquelles il n’existe actuellement pas de statistiques.