La députée Mahinur Ozdemir virée du CDH, mais sereine
La députée bruxelloise Mahinur Ozdemir ne fait plus partie du cdH après que le comité de déontologie du parti a constaté qu’elle ne reconnaissait pas l’existence du génocide arménien. L’intéressée s’est dite déçue, mais sereine. Les réactions, elles, sont nombreuses.
Mme Ozdemir a été entendue vendredi par le comité à la suite de la diffusion par la chaine de télévision RTL-Tvi d’un reportage au cours duquel elle a refusé de répondre à la question de savoir si elle reconnaissait l’existence du génocide du peuple arménien au début du siècle dernier
« Madame Ozdemir a refusé de reconnaître le génocide arménien, ce qui est contraire aux valeurs défendues par le cdH. La reconnaissance d’un génocide ne supporte pas une attitude ambiguë et réclame une totale clarté », a précisé le comité de déontologie du parti, présidé par Dominique Drion, dans un communiqué.
« Le Comité de déontologie a fait le constat que Madame ÖZDEMIR ne partage pas cet engagement fondamental du CDH. Il a donc pris acte qu’elle ne faisait plus partie du cdH et l’invite, dans la ligne de ses engagements, à remettre ses mandats de députée régionale et de conseillère communale » . Interrogé il y a une semaine par la Première (RTBF), le président du cdH, Benoît Lutgen, avait affirmé que « les négationnistes n’ont pas leur place dans son parti.
« C’est dans notre code de déontologie », avait-il dit, ajoutant: « s’il y a un négationniste au sein du cdH, il est dehors dans la seconde ». M. Lutgen avait rappelé qu’à son arrivée à la présidence du parti, il avait demandé que chaque candidat puisse reconnaître l’ensemble des génocides, y compris le génocide arménien.
Déçue mais sereine
La députée bruxelloise Mahinur Ozdemir s’est dite sereine quelques heures après son exclusion du cdH, qu’elle juge injustifiée à l’égard de sa position qui a toujours consisté à « reconnaître toutes les tragédies humaines et à respecter la mémoire de toutes les personnes qui ont perdu la vie » et s’en explique dans un communiqué envoyé à l’agence Belga: » Dans l’histoire de l’humanité, toutes les nations font face à leur passé et c’est par un travail de mémoire que nous pourrons arriver à réparer les injustices dans le monde. Il est en effet très facile de porter des jugements sur les faits de l’histoire des autres. N’oublions pas que la Belgique a pris du temps pour reconnaitre le génocide rwandais. Que dire de notre passé colonial au Congo ou de celui de la France sur les massacres en Algérie? Pour ceux qui s’enferment dans le débat sur la terminologie, je les invite à relire les propos de notre ministre des Affaires étrangères qui a rappelé la position de la Belgique lors d’une séance à la Chambre au mois d’avril 2015: +il ne nous parait pas opportun que d’autres instances se substituent au pouvoir judiciaire sur le terme génocide+. A quoi rime donc cet acharnement sélectif? Pour ma part, je condamne fermement tous les massacres de l’histoire et je pense que nous devrions employer notre énergie à faire en sorte que ceux qui se déroulent – sous nos yeux, aujourd’hui – cessent immédiatement. La situation actuelle des Rohingyas en Birmanie, ou encore bien d’autres souffrances dans le monde, font l’objet d’un silence international assourdissant, en ce compris dans notre Europe. »
Avant de conclure par « J’ai toujours lutté contre le rejet, la haine, la stigmatisation des personnes et des communautés quelles qu’elles soient. Ce sont les valeurs démocratiques de respect, d’humanisme et de liberté d’expression qui m’ont poussées à m’investir en politique. C’est pour ces mêmes valeurs que je continuerai à contribuer au dialogue et non à l’exclusion. Dans l’attente d’un heureux événement dans les prochaines semaines, je garde ma sérénité et je remercie les nombreuses personnes qui m’ont témoignées de leur soutien face à cette exclusion injustifiée ».
Il n’y avait malheureusement pas d’autre solution, regrette B. Cerexhe
Il n’y avait malheureusement pour le chef du groupe cdH au parlement bruxellois, Benoît Cerexhe, qui a précisé que le travail de la députée n’était nullement en cause: « Il n’y a aucun reproche à faire quant à la qualité du travail parlementaire de Mme Ozdemir… Si tout le monde ne se retrouve pas derrière le projet politique d’un parti, celui-ci se décrédibilise. Il n’y avait donc pas d’autre solution pour le cdH que de l’exclure ».
V. De Wolf (MR) félicite le centre démocrate Humaniste
Le chef du groupe MR au parlement bruxellois, Vincent De Wolf, trouve que la décision du Centre démocrate humaniste d’exclure la députée bruxelloise Mahinur Ozdemir honore cette formation politique. « La décision prise, aujourd’hui, par le cdH honore cette formation politique. La reconnaissance du génocide de 1915 commis à l’égard des Arméniens, comme d’autres minorités ayant vécu sous l’Empire Ottoman, participe au devoir de mémoire qui incombe à tout démocrate. La négation de ce génocide est une insulte à la mémoire des victimes et une atteinte évidente aux valeurs humanistes que nous portons. Nulle formation politique ne peut tolérer en son sein la négation ou le silence honteux à l’égard de ces crimes », a commenté Vincent De Wolf dans un communiqué.
Cela cristallisera le débat autour du génocide sans le faire progresser (Ecolo)
L’actuelle cheffe de file molenbeekoise d’Ecolo et ex-co-présidente des Verts francophones, Sarah Turine, a, elle, estimé que l’exclusion de la députée Mahinur Ozdemir des rangs du cdH dans un pays qui n’a pas reconnu officiellement le génocide arménien cristallisera encore davantage le débat sur cette question. « Même si je suis fort demandeuse de la reconnaissance du génocide arménien par l’Etat belge et… par la Turquie, je trouve scandaleux la façon dont on a mis la pression sur les élus belges d’origine turque alors que notre pays n’est même pas foutu de le reconnaître ce génocide », a-t-elle posté sur son compte Facebook. « Et quoi? on lave la bonne conscience de qui? de quoi? Cela ne va que cristalliser encore plus le débat, empêcher tout dialogue. Et sans dialogue et compréhension des raisons qui poussent une partie importante des citoyens turcs et des citoyens belgo-turcs à refuser cette reconnaissance, il ne sera jamais reconnu. Sans soutien au dialogue entre l’Arménie et la Turquie sur ce sujet extrêmement sensible, la réconciliation avec l’Histoire ne sera jamais possible », a jugé Sarah Turine.