Carte blanche
L’épidémie de SARS-CoV-2, avec le recul (carte blanche)
Les chiffres de l’OMS mi-janvier indiquent qu’il y a eu en Belgique, depuis le début de l’épidémie, 684.000 personnes infectées par le SARS-CoV-2, et 20.500 morts sur une population totale de 11.500.000 habitants. Il faut tenir compte que la Belgique reste, depuis longtemps, le pays avec la plus haute mortalité par Covid-19 au monde (1.800 morts par million d’habitants) seulement dépassée à ce jour par Gibraltar et San Marino.
Les chiffres de l’OMS mi-janvier indiquent qu’il y a eu en Belgique, depuis le début de l’épidémie, 684.000 personnes infectées par le SARS-CoV-2, et 20.500 morts sur une population totale de 11.500.000 habitants. Il faut tenir compte que la Belgique reste, depuis longtemps, le pays avec la plus haute mortalité par Covid-19 au monde (1.800 morts par million d’habitants) seulement dépassée à ce jour par Gibraltar et San Marino.
Depuis le 13 mars 2020, date du début de l’épidémie en Belgique, des mesures ont été adoptées par les autorités pour y faire face. La finalité de ces mesures était de ralentir l’expansion de la maladie, d’aplatir la courbe d’infections, d’éviter l’engorgement des hôpitaux et d’empêcher la saturation des services de soins intensifs, afin de ne pas être confronté à devoir choisir entre ceux qui y seraient admis et les autres.
Ces mesures, qui perdurent encore, s’appliquent à toute la population, aux malades comme aux biens portants. Aux jeunes comme aux vieux. Aux hommes comme aux femmes.
Une des mesures prescrit la limitation drastique des contacts sociaux. Ainsi, tous les résidents en maison de repos non atteints de Covid19, sans exception, ont été privés de visites pendant de longs mois. Ceux atteints de Covid19 ont aussi été privés de visites, pour beaucoup d’entre eux de façon définitive. Ils sont morts seuls. Ni aux uns ni aux autres on n’a demandé leur accord. Ni aux uns ni aux autres on n’a demandé leur avis. On les a, d’autorité, privés d’humanité.
Ainsi, tous les adolescents se sont vus privés de lieux de socialisation : écoles, salles ou terrains de sport, clubs, salles de danse, théâtres, cinémas… Tous les adolescents sans distinction. Sans tenir compte que les adolescents ne sont que très peu malades de Covid19, ni du fait que la mortalité dans cette tranche d’âge est pratiquement nulle. Personne n’a demandé leur accord. Personne n’a demandé leur avis. On les a, d’autorité, privés d’humanité.
Tous les métiers du « superflu » ont été bannis d’un trait de plume
Des gagne-pain ont été brutalement supprimés. Tout d’un coup le propriétaire d’un magasin s’est vu interdire de l’ouvrir et d’y travailler. Il s’est vu obligé d’en interdire l’accès à ses employés comme à ses clients. Sans tenir compte de critères d’âge. Sans pouvoir réagir, impuissants, ces gens ont assisté à la dégradation de leurs finances, à la montée des dettes, à l’effondrement d’années d’effort pour faire prospérer des commerces, des lieux de rassemblement et de communication. Ni eux ni leurs employés n’ont eu l’occasion de donner leur accord. Personne n’a demandé leur avis. Ils ont été, d’autorité, privés d’humanité.
Tous les métiers du « superflu » ont été bannis d’un trait de plume. Les travailleurs des théâtres, des cinémas, des salles de concert, des cirques, des salles de danse… se sont trouvés remplis d’inutilité, simplement priés de se cacher quelque part et d’attendre. Sans tenir compte de critères d’âge. On s’est rendu compte qu’en réalité rien de tout cela n’était superflu, mais rien n’a changé. Ces gens n’ont pas eu le loisir de donner leur accord. Personne n’a demandé leur avis. On les a, d’autorité, privés d’humanité.
Et il y a encore tous ceux qui ont été privés d’une des libertés les plus basiques, les plus élémentaires, les plus naturelles : la liberté d’inviter quelqu’un chez soi. Cette liberté tellement banale, évidente, humble, terre-à-terre a aussi été interdite. Cette liberté nous a été enlevée par décision supérieure. Personne n’a demandé notre accord, personne ne nous a demandé notre avis. Nous avons été privés d’humanité.
Le but de ces mesures était d’étaler les morts dans le temps, d’étaler les infections et les hospitalisations dans le temps, d’étaler les admissions en soins intensifs de façon à éviter de devoir choisir.
Après plus de neuf mois, de quoi ces mesures ont-elles accouché ? La Belgique pouvait s’attendre, en temps normal, à un total de 110.000 morts en 2020 selon les chiffres des 3 dernières années. Il y a eu en réalité 127.000 morts, 17.000 morts excédentaires. Sciensano compte, jusqu’à la fin de l’année 2020, 19.500 morts attribués au Covid19.
Si on regarde de plus près les morts excédentaires, on s’aperçoit qu’il n’y a pas de surmortalité parmi les habitants du Royaume ayant moins de 44 ans. Entre 45 et 64 ans il y a eu 700 morts en excès (13.400 attendus, 14.100 réels soit 5% d’excès). Entre 65 et 84 ans, il y a eu un excès de 15% de morts (46.500 attendus, 53.800 réels). Au-delà de 85 ans la surmortalité atteint 21%, 56.200 morts là où on se serait attendu à 46.300 décès [1].
Jusqu’à l’âge de 64 ans, la Belgique compte chaque année, en temps normal, un total de 16.400 morts. En 2020 il y a eu 16.850 morts, un excès de 2.7%. Et pourtant, tous les habitants de ce pays ont dû subir les restrictions imposées, tous sans exceptions, y compris ceux, environ 81% de la population, ayant moins de 65 ans, parmi lesquels il n’y a pratiquement pas eu de surmortalité due au Covid19.
Pour être plus clair encore, en Belgique, la mortalité attendue en 2020 était de 110.000 morts pour une population de 11.500.000 habitants, soit un taux de mortalité globale de 0.96%. Le taux de mortalité globale réel a été de 1.11%. Quoique ces statistiques puissent paraitre macabres, elles sont nécessaires pour apprécier les conséquences réelles de l’épidémie.
Les mesures de base viennent du fond des âges, de la peste de 1348
Comment et par qui ont été décidées les mesures qui ont frappé tous les Belges (comme quasi tous les habitants de l’Europe, si pas du monde) ? Les mesures de base viennent du fond des âges, de la peste de 1348, des épidémies de choléra, de dysenterie, de la lèpre : éloigner les malades, les enfermer, se débarrasser rapidement des dépouilles des défunts, s’éloigner soi-même des malades et des bien-portants suspects en s’enfermant ou en quittant la ville, éviter de respirer les miasmes infects dégagés par les malades et les mourants, invoquer les secours d’êtres surnaturels (saints, anges, déités), et surtout trouver les responsables de la catastrophe, désigner le bouc émissaire (tantôt les jeunes, tantôt les voyageurs…).
Bien que le germe responsable de la pandémie ait été découvert, décortiqué et nommé très tôt dans le décours de la pandémie, il n’en reste pas moins qu’aucun remède ne pouvait lui être opposé. Ajoutons que les premières rumeurs faisaient état d’une grande contagiosité, d’une mortalité élevée, que les premières images collaient bien avec l’imaginaire de la peste noire –une ville assiégée et coupée du monde en Chine, des camions militaires charriant des cercueils innombrables en Italie – tout était réuni pour déclencher une panique généralisée, une psychose. Il fallait se tourner vers quelque chose ou quelqu’un qui nous vienne en aide. On a trouvé les experts.
Difficile de savoir si les experts ont installé dans les esprits une confusion, ou bien s’ils n’ont pas voulu, ou n’ont pas été capables, de corriger cette confusion. On a confondu, ou on n’a pas bien établi la différence, entre contamination, maladie, hospitalisation, degré de gravité. Jusqu’au 31 décembre 2020 il y a eu plus de 645.000 cas confirmés d’infections par le virus. Moins de 8% de ceux-ci ont été hospitalisés, 48.000 malades dont environ 10.900 sont morts. Il y a eu en plus près de 8.500 morts en maison de repos [2].
Ainsi, lorsqu’on parle de contaminations, on ne parle pas de malades. Et encore moins de malades suffisamment malades pour être hospitalisés. Seuls moins de 8% des cas confirmés ont été hospitalisés, dont près de 80% ont pu quitter l’hôpital. Ceci ne veut pas dire que la maladie Covid19 est banale, elle ne l’est pas. Elle touche plus de gens que la grippe. Elle peut être plus sérieuse que la grippe, même quand elle n’entraîne pas d’hospitalisations. Mais si on a la perception que le Covid19 est une catastrophe, en réalité elle ne semble pas l’être, du moins elle ne l’a pas été jusqu’à maintenant.
Chaque année, selon la Ligue cardiologique belge, le tabac est responsable d’environ 20.000 morts par an en Belgique. Et pourtant le tabagisme n’est pas perçu comme une catastrophe. La consommation de tabac n’est même pas interdite en Belgique. Les débits de tabac n’ont pas été fermés en Belgique. Les négociants en tabac n’ont pas été privés de leur gagne-pain en Belgique. Les fumeurs n’ont pas été isolés ou enfermés ou interdits de sortie. On se trouve devant des chiffres semblables de morts par an, 20.000 morts à cause du Covid19, 20.000 morts à cause du tabagisme. Comment se fait-il qu’on soit quasi indifférent au tabagisme et par contre qu’on soit paralysé d’effroi devant le virus ?
Il faudrait le demander aux experts. Cependant, il est possible que l’omniprésence du virus dans les canaux d’information, les publicités gouvernementales, les communications électroniques ait quelque chose à voir avec cette différence de perception, alors qu’en général on ne parle du tabac qu’une ou deux fois par an, à l’occasion de la journée mondiale….
Il faut encore évoquer les réponses à l’épidémie, dont le motif invoqué était d’aplatir la courbe, d’éviter la saturation des hôpitaux. Comment se fait-il que la Belgique, avec son système de santé parmi les meilleurs, sans listes d’attente ou presque, ait été incapable de faire face à cette épidémie ? En 2017 il y a eu plus de 1.800.000 hospitalisations dans le Royaume [3]. Pour le Covid19 on parle de 50.000 hospitalisations en 2020, qui semblent avoir complètement désorganisé l’offre de soins de santé. Peut-être les réductions depuis 30 ans des capacités de soins (diminution des lits hospitaliers, de personnel, limitation drastique des durées de séjour) ont simplement laissé la Belgique avec juste ce qu’il faut pour faire face à une activité normale, mais sans réserve aucune. Sans capacité de réagir face à un afflux imprévu, obligeant les hôpitaux à limiter l’activité ; le personnel (qui doit s’habiller et se déshabiller avec un équipement de protection personnel lourd et compliqué, depuis qu’il est devenu disponible) à s’épuiser ; tout le monde, soignants, administratifs, personnels de support à se mettre en quarantaine dès la moindre suspicion de contamination.
Quant aux réponses gouvernementales elles-mêmes, évoquées ci-dessus, sont-elles appropriées à la nature du défi ? Sont-elles, de près ou de loin, similaires aux mesures prises pour combattre le tabagisme ? Non. Il s’agit en fait de mesures appropriées à la perception qu’a la société de cette épidémie, et non à la réalité que montrent les chiffres rappelés plus haut.
Il ne s’agit certainement pas de minimiser l’influence du Covid19 du point de vue de la santé. Encore moins de l’influence des mesures adoptées en réponse à l’épidémie du point de vue économique et social. Il ne s’agit pas de nier l’impact de la maladie sur les gens qui ont souffert de celle-ci. Ni d’ignorer les morts et leurs proches. Il s’agit juste d’exprimer l’étonnement devant la disproportion entre des chiffres qui décrivent une épidémie avec un recul de près d’un an, et à la fois la perception qu’a la société d’une part, et l’étendue et la profondeur de la réponse gouvernementale à cette même épidémie d’autre part.
Daniel Rodenstein, médecin retraité
Références
1.- https://statbel.fgov.be/fr/propos-de-statbel/que-faisons-nous/visualisations/mortalite
2.- Sciensano. Bulletin épidémiologique, 1er janvier 2021
3.- https://www.health.belgium.be/fr/donnees-phares-dans-les-soins-de-sante
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