L’avenir du Musée de la BD compromis par des bachibouzouks ?
Devenue, le 1er novembre, la nouvelle directrice du Musée de la BD, Isabelle Debekker a été préférée à des candidats externes qui avaient présenté des projets ambitieux pour redynamiser l’institution bruxelloise. Une décision qui suscite de vifs remous parmi les auteurs et éditeurs.
Les uns parlent d’une » décision de boutiquiers » indigne d’une grande institution culturelle bruxelloise. D’autres regrettent une » occasion manquée » de redynamiser le temple belge du neuvième art. On ne peut pas dire que la nomination d’Isabelle Debekker à la tête du Musée de la BD suscite un grand enthousiasme parmi les auteurs et éditeurs de bandes dessinées ! Certains, qui souhaitent pour l’heure garder l’anonymat, nous confient même être très remontés contre le choix du conseil d’administration de cette asbl privée. » Sa décision est affligeante, estime un auteur belge en vue. Alors que le musée se retrouvera bientôt en concurrence sur le plan touristique avec de nouveaux acteurs à Bruxelles – le Musée du Chat de Geluck au Mont des Arts, le projet culturel dédié aux arts graphiques narratifs de la Fondation Boon, voire le musée Kanal porté par la force de frappe du Centre Pompidou -, le musée de la rue des Sables joue « petit bras » et risque la marginalisation. C’est une insulte aux dessinateurs et scénaristes du pays. Ce musée devrait être leur « maison » à tous, où ils organiseraient leurs vernissages et autres événements. Ce pourrait être aussi un outil formidable de rayonnement international de la BD belge. »
Recrutée en 2015 par Jean Auquier, l’ancien directeur du Centre belge de la bande dessinée (CBBD) qui a démissionné en mai dernier, Isabelle Debekker occupait, depuis lors, la fonction de » secrétaire générale « . Elle a donc bénéficié d’une promotion interne, » alors qu’il avait été décidé à l’unanimité de ne pas choisir un membre du personnel, pour éviter les tensions, révèle un membre du CA. Sur les 39 candidatures reçues, nous en avons d’abord sélectionnées 11. Après audition de ces postulants, nous avons retenu un candidat externe, un journaliste spécialisé en BD, à qui nous avons envoyé le contrat. Mais, à la suite d’un désaccord financier, il a jeté l’éponge. Huit jours plus tard, au lendemain du 30e anniversaire du musée, fêté début octobre dernier, deux ou trois autres candidats externes ont été recontactés. Eux aussi avaient présenté un projet ambitieux pour relancer le musée, assorti d’un plan de financement précis. Et, eux aussi, de par leur profession, ont de nombreuses connexions dans les médias et le monde de la bande dessinée. Mais, curieusement, des membres du CA ont alors manoeuvré en coulisse pour faire prévaloir une solution pourtant écartée : la désignation d’une candidate interne ! »
La présentation d’un projet structuré était une exigence de la procédure de recrutement, précise notre source. La future directrice a-t-elle remis, elle aussi, un tel projet au CA, avec une réelle vision d’avenir pour le musée bruxellois ? Le doute subsiste. Car le communiqué annonçant sa nomination indique seulement que » dans les mois à venir, elle se concentrera à définir avec enthousiasme un projet ambitieux… » Contactée à ce sujet par Le Vif/L’Express, Isabelle Debekker prévient : » Je ne vais pas faire de révolution. Je vais construire un projet avec l’équipe. Mais je n’ai pas à ce stade d’annonce à faire. Notre gros chantier sera l’ouverture, prévue vers la fin 2020, de l’exposition permanente consacrée à la BD belge, une section du musée fermée il y a six ans. Il y manquait des personnages marquants de cet univers. »
Concernant le revirement du CA en faveur d’une candidate interne (elle-même), Isabelle Debekker explique : » Je ne peux dire ce qui s’est passé. Il y a eu les 30 ans du musée, avec un engouement du public lors du week-end d’animations familiales. Les membres du conseil d’administration m’ont vue travailler avec toute l’équipe, sans la présence de notre ancien directeur, qui n’était plus là. » A ce sujet, le traiteur chargé du cocktail d’anniversaire prévu pour les 700 invités était le prestataire exclusif du musée, la société Les Frères Debekker Traiteur (le père et l’oncle de la nouvelle directrice). Cette firme familiale, dont Isabelle Debekker a été administratrice pendant sept ans, gère aussi la brasserie Horta, au rez-de-chaussée du musée. Catherine Debekker, soeur de la patronne du CBBD, s’occupe de l’établissement et des locations pour le compte du Centre. Du coup, certains membres du conseil d’administration et de l’assemblée générale du musée se demandent si ce contexte économique a joué dans la nomination de la nouvelle directrice. Et si l’asbl est, dans les faits, » passée sous le contrôle » d’un traiteur.
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