Interdire les motos à Bruxelles: un projet qui ne tient pas la route?
Pour atteindre ses objectifs climatiques et améliorer la qualité de son air, le gouvernement bruxellois réfléchit à interdire les deux-roues à terme sur son territoire. Une idée qui pose questions alors que les embouteillages ne font que s’accroître dans et autour de la capitale.
Selon une étude récente menée par l’organisme ICCT (The International Council on Clean Transportation – le Conseil international sur le transport propre) sur les émissions de près de 180.000 véhicules dont 3.500 motos, il ressort que les deux-roues à moteur thermique, circulant essentiellement à l’essence, polluent davantage que les voitures, essence comme diesel. Elles émettent selon les auteurs de l’étude jusqu’à dix fois plus de monoxyde de carbone (CO) et cinq fois plus d’oxyde. Les motos produisent également plus de CO que les voitures diesel et presque autant de particules fines que ces dernières.
Face à ce constat, le gouvernement bruxellois réfléchit à terme à interdire ces véhicules polluants, dans le cadre de ses efforts pour améliorer la qualité de l’air dans et autour de la capitale.
Une annonce qui fait sortir la FEBIAC de ses gonds. Selon la fédération de l’Automobile et du Cycle, ce projet d’interdire l’accès des motocyclistes à Bruxelles dans l’avenir n’est pas satisfaisant. La méthodologie en question ne tiendrait pas la route, car les motos en circulation (neuves et anciennes) y sont comparées à la norme uniquement applicable aux nouvelles voitures. La plupart des motos qui circulent respectent les normes euro 4, alors que les voitures sont déjà aux normes euro 6. « Le calendrier des normes antipollution n’est pas le même« , confirme Joost Kaesemans, porte-parole de la Fédération belge de l’industrie automobile et du cycle (FEBIAC). « Il a été demandé que les voitures évoluent plus rapidement parce qu’elles sont plus nombreuses et qu’elles parcourent plus de kilomètres. Donc leur impact est plus important« .
La fédération regrette que les avantages de la moto en termes de mobilité ne soient pas pris en compte dans cette étude. Elle souligne que les motocyclistes sont en effet une clé importante pour résoudre le problème des embouteillages. « Si 10% des automobilistes optaient pour une moto, les embouteillages seraient réduits de 40%« , avance la FEBIAC. Elle insiste également sur le fait que les deux-roues, en raison de leur poids plus léger et de leur capacité à se faufiler dans les embouteillages, consomment moins de carburant et émettent de ce fait moins de CO2.
Les fabricants évoquent cependant, de leur côté, des limitations techniques. Ajouter des filtres à particules ou des catalyseurs sur une moto se révèle plus compliqué que sur une voiture principalement pour des raisons d’encombrement et de poids, relaie RTL.
Zones de basses émissions
Cette réflexion s’inscrit dans la politique des zones de basse émission à Bruxelles et sa périphérie. En 2017, afin de limiter la présence des véhicules les plus polluants sur son territoire, une zone de basses émissions a été mise sur pied, interdisant l’accès aux véhicules diesel répondant aux normes Euro 1, avant de passer progressivement aux autres. L’objectif à l’horizon 2030 étant d’interdire totalement le diesel.
Pour l’heure, aucune décision n’a été prise et les discussions risquent d’être compliquées à ce sujet. Interrogé par La Libre sur la possibilité de suivre l’exemple d’Amsterdam qui a déjà pris la décision radicale d’interdire la circulation des motos à moteur thermique à partir de 2025, le cabinet de la ministre fédérale de l’Environnement, Marie-Christine Marghem, déclare : » Si une telle mesure devait être prise, toutes les régions devraient être consultées ». Traduction : on serait face à un sacré casse-tête pour éviter des mesures asymétriques de région en région. La compétence n’est en effet pas fédérale, il en revient donc aux gestionnaires de voiries – et donc aux Villes et Régions – de décider, à l’instar de l’interdiction des quads dans certaines communes.
Entretemps, Bruxelles-Environnement lancera une étude spécifique, en 2020, pour calculer la part réelle de pollution générée par les deux-roues dans la capitale. « Il est difficile de ne se baser que sur l’étude parisienne, indique l’administration régionale de l’environnement au quotidien francophone. Notamment, car il y circule bien plus de mobylettes qu’à Bruxelles. »
Selon de premières analyses, les motos représenteraient 6 % des émissions de CO, 0,2 % de dioxyde d’azote, 0,4 % des particules fines et 11 % des composés organiques volatils à Bruxelles. « C’est interpellant. Il est évidemment trop tôt pour prendre une décision concernant une interdiction de circuler pour ces véhicules. Mais si l’on interdit les voitures diesel, il faut aussi entrer les motos dans la réflexion. L’objectif de l’étude sera de donner des arguments sur lesquels on pourrait s’appuyer pour prendre ensuite des décisions politiques« , laisse encore entendre Bruxelles Environnement.
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