Sébastien Dewailly
« Il est temps de sortir le communautaire du frigo »
Récemment, Knack a publié un débat entre Vera Kicken, favorable à la confédération, Bruno Yammine, membre du B.U.B et défenseur d’un État unitaire et Bart De Valck qui prône le séparatisme. C’est le résultat du débat public lancé en 2016 en Flandre avec notamment le plan BE de deux députés libéraux (MR et Open VLD), Alexander De Croo qui souhaite refédéraliser certaines compétences et les jeunes CD&V et jeunes MR qui plaident également pour la refédéralisation. En 2017, le communautaire ne peut plus se cacher, il est temps de se demander quel design constitutionnel et institutionnel appliquer à notre pays.
D’un état unitaire à une Confédération?
De 1970 à aujourd’hui, il y a eu un réel processus de décentralisation dans notre pays. Avec six réformes de l’État dont les compétences ne pouvaient se déplacer que dans une direction (vers les régions et les communautés) et le plus grand parti du pays qui prône ouvertement le confédéralisme, la voie vers une confédération semble aujourd’hui tout à fait libre. Mais qu’est-ce qu’est exactement le confédéralisme? Une confédération est une collaboration d’états indépendants. C’est un accord ou un traité entre des pays indépendants qui acceptent de régler conjointement certaines compétences. Ou comme la N-VA le résume bien: « Dans une confédération, la Flandre et la Wallonie auraient toutes les compétences ». Mais le confédéralisme est-il bien le meilleur design constitutionnel pour notre pays? Le philosophe flamand Philippe Van Parijs a très bien résumé la question. « Dans une confédération, le problème ne sera pas résolu, mais dissous suite à la disparition d’une société profondément divisée en deux (ou plus) sociétés homogènes. »
Ne vous méprenez pas, je ne plaide pas pour un retour vers « la Belgique à papa ». Une étude démontre que les conflits – qu’ils soient armés ou non – entre différents groupes ethniques sont plus fréquents dans un système unitaire que dans un système fédéral. Une décentralisation de pouvoirs destinée à éviter les conflits entre les différents groupes linguistiques est une évolution logique dans notre pays. Mais où ce processus de dévolution doit-il s’arrêter? C’est la question que nous devons nous poser maintenant.
Que veulent les Belges?
On entend souvent que l’écart identitaire entre la Wallonie et la Flandre se creuse un peu plus chaque jour. Ce n’est pas tout à fait vrai. Croyez-le ou non, Flamands et Wallons se sentent de plus en plus belges. Ce sentiment ressort de diverses études. Pour ce qui est de l’avenir de la Belgique, le soutien en faveur du statu quo grandit chez tous les électeurs et le soutien à la décentralisation diminue.
On peut bien sûr penser que 30% des Flamands ont une identité flamande particulièrement forte et veulent régionaliser ou communautariser autant que possible à l’instar du parti pour lequel ils ont voté. Mais là aussi une étude prouve le contraire . Cette étude démontre que les électeurs de la N-VA et du Vlaams Belang en particulier ne sont pas tout à fait sur la même longueur d’onde que leur parti. La moyenne des électeurs des deux partis conduit certes à une décentralisation, mais elle est plutôt limitée par rapport à la préférence des députés des deux partis. Le confédéralisme est-il donc vraiment ce que souhaite le Belge?
Réforme des compétences
Pour moi, le fédéralisme est le meilleur design constitutionnel pour la Belgique. Mais aujourd’hui, la fédération belge connaît beaucoup trop d’impuretés. Car dans le passé nous avons toujours voulu régionaliser et communautariser sous la devise « ce que nous faisons nous-mêmes, nous le faisons mieux. » Mais faisons-nous vraiment mieux tout ce que nous faisons nous-mêmes?
À propos de la décentralisation, il faut se poser deux questions simples. Qu’est-ce qui devrait rester au niveau central? Et qu’est-ce qui devrait être décentralisé? La réponse aussi est simple. Si la compétence est destinée à un groupe spécifique, une région ou une communauté, la décentralisation de cette compétence est logique. Mais si c’est une compétence qui inclut tout le monde, alors il est moins logique de la décentraliser. La décentralisation a permis de mettre certaines compétences à leur place, mais à côté de ça d’autres compétences ne sont plus tout à fait à leur place.
La première chose à faire pour améliorer notre système fédéraliste est de mener un débat sur la répartition des compétences, avec l’efficacité comme principal critère. Sur la base de ce critère, il est évidemment difficile d’exclure des changements dans les deux sens (refédéraliser ou régionaliser/communautariser). En tout cas, il y a déjà beaucoup d’exemples qui montrent que la régionalisation et la communautarisation n’ont pas toujours été une solution très efficace. Citons le climat, avec ses quatre ministres, la mobilité, où des milliers de Flamands et de Wallons sont coincés tous les jours dans les tunnels de Bruxelles et sur le ring et les traités commerciaux avec des compositions asymétriques des différents gouvernements qui mènent à des problèmes tels que l’on a connu avec le CETA.
Sphère fédérale
Qui dit état fédéral, dit gouvernement fédéral. Il est donc important de créer une sphère fédérale, centrale et belge autour de ce gouvernement fédéral. Un premier mécanisme pour stimuler une sphère fédérale se situe dans le cadre institutionnel. Une circonscription électorale fédérale telle qu’elle est proposée par le groupe Pavia dispose d’un mécanisme efficace. Un certain nombre de sièges seraient alors attribués dans une circonscription couvrant toute la Belgique. Les partis flamands et francophones devraient alors conjointement – ou séparément – essayer de gagner des sièges en récoltant des voix dans leur propre groupe linguistique, mais aussi de l’autre côté de la frontière linguistique. De cette façon un dialogue peut se créer entre une partie des politiciens fédéraux et la population entière du pays.
Outre la circonscription fédérale, le multilinguisme est un autre mécanisme qui peut aider à créer une sphère belge et freiner les forces centrifuges. Le multilinguisme mène à une meilleure compréhension mutuelle, à de la tolérance et à la confiance. Ce sont là tous les ingrédients dont nous avons besoin en Belgique. Le multilinguisme présente aussi un avantage dans le contexte européen, et en Belgique nous avons l’opportunité d’apprendre les trois langues (le français, l’allemand et le néerlandais) de l’axe central (peut-être le plus important) européen. Il est donc important de miser davantage sur le multilinguisme dans l’éducation. En organisant plus d’échanges linguistiques entre les écoles des différentes communautés par exemple nous pourrions stimuler le multilinguisme. Et ce n’est certainement pas un grand défi vu la petite taille de notre pays. Il suffit d’avoir la volonté politique.
Si la langue nous divise à tel point que nous n’arrivons plus à travailler ensemble, qu’en est-il de l’Europe?
Aujourd’hui, nous basculons dans une ère qui veut construire des murs plutôt que des ponts, et c’est pour cette raison qu’il est important de montrer au monde que nous pouvons gouverner ensemble. Car si la langue nous divise à tel point que nous n’arrivons plus à travailler ensemble, qu’en est-il de l’Europe?
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