Carte blanche
« Il est temps de choisir l’avenir que nous souhaitons »
Quel avenir voulons-nous? De nombreuses voix se sont élevées pour poser cette question: médecins, psychologues, philosophes, chercheurs, entrepreneurs, politiques,… Et la cacophonie actuelle reflète la volonté de tous de participer à la résolution du problème. Elle fait cependant écho à l’inconfort de tous ceux qui ne comprennent pas toujours les mécanismes mis en oeuvre dans les décisions gouvernementales.
Et je m’étonne de ne pas lire ou entendre ce qui suit dans la bouche des « porte-paroles ».
J’ai donc pris la liberté de dresser un bilan.
Le bilan aujourd’hui :
Tous les experts sont d’accord sur un point : il n’existe aucune certitude, et il faudra encore beaucoup de temps pour comprendre cette nouvelle maladie.
Pourtant, aujourd’hui, les données rendent plus crédible un scénario optimiste.
Optimiste, car beaucoup moins apocalyptique qu’on ne le craignait, et bien moins que pour d’autres pathologies que nous côtoyons chaque jour dans une grande indifférence.
Optimiste, mais réaliste : il y aura encore des victimes, et il est raisonnable de surveiller l’évolution des prochains mois. Il est d’ailleurs préférable d’éviter le risque d’un second pic épidémique en hiver.
Nous ne pourrons probablement pas éliminer ce virus à moins d’entamer une guerre d’usure, longue, coûteuse et dont l’issue est incertaine.
Un jour prochain, les médecins auront trouvé le moyen de mieux soigner les symptômes, de diminuer les complications, de sauver encore plus de patients.
Il est fort probable que notre immunité fonctionne. Il reste à le démontrer et à comprendre comment. Mais l’hypothèse inverse est la moins crédible et la plus effrayante.
Un vaccin pour tous n’est pas pour demain. Certains semblent y croire. Mais je ne peux m’empêcher de remarquer qu’ils sont souvent chercheurs dans des institutions publiques.
Si un scientifique exprime une opinion sur un sujet qui sort de son champ d’expertise, c’est aussi fiable que l’avis d’un pompier sur le montant de votre indemnisation après un incendie.
Je travaille dans le secteur de l’industrie pharmaceutique depuis 12 ans. La mobilisation est générale parmi les milliers de travailleurs du secteur, la motivation aussi.
Je remarque pourtant qu’aucune entreprise pharmaceutique expérimentée ne s’est réellement prononcée sur ce point.
Et comme je les comprends.
Un article paru le 19 avril dans The Guardian présente une excellente synthèse de la situation:
– De nombreux écueils techniques restent à passer. Il y a plus de chances d’échec que de succès, surtout si on ne tranche pas l’épineuse question de l’immunité. Ce point n’a pas échappé à Marian Wenthworth, CEO de MSH (Management Sciences for Health).
– Le processus de développement clinique est balisé d’étapes. Elles sont faites pour évaluer l’efficacité et les risques pour la santé. La dernière étape à elle seule court habituellement sur un minimum de 3 ans, temps minimum pour vérifier les effets du produit à long terme.
– Il faut s’attendre à un débat éthique musclé, avant de sauter des étapes, alors que les données renforcent l’idée d’une maladie bénigne pour la majorité d’entre nous.
– Oserais-je ajouter que des débats politico-économiques se grefferont à tout cela ? Il n’existe pas de procédure d’enregistrement mondial, ni de reconnaissance réciproque entre l’Europe, la Chine et les États-Unis. Chacun privilégiera ses citoyens, et rien ne dit que ce sera nous.
Ainsi se conclut l’article : ‘le vaccin arrivera probablement après la fin de l’épidémie’!
De ces 12 années d’expérience, je retiens 3 grandes leçons :
1. Les stratégies échouent quand elles encouragent les antagonismes et la disparité.
2. On obtient de meilleurs résultats quand les différents avis sont dûment balancés.
3. Négliger les faits qui contredisent les messages dominants est souvent délétère.
Nous sommes donc aujourd’hui à un croisement, et il va falloir faire des choix.
Quel avenir pour demain ?
Les politiques décident. L’équation n’est pas simple. Et ils tentent de rencontrer toutes les attentes.
Mr Bouchez l’a déclaré sur les plateaux de la RTBF, dans son interview du 24 avril, et sur ce point nous sommes d’accord : faut-il sacrifier un pays à cause des scénarios catastrophes d’un virologue, qui ne se réaliseront probablement jamais?
Plusieurs avenirs s’offrent à nous. Il est temps pour chacun d’exiger celui qu’il préfère.
Posons-nous ces questions :
1. Que sommes-nous prêts à sacrifier pour venir à bout un jour d’une pathologie bénigne pour la plupart d’entre nous?
– Sommes-nous prêts à sacrifier la recherche contre le cancer, le diabète, la malaria, Alzheimer, Parkinson, le SIDA, les maladies cardio-vasculaires?
– Sommes-nous prêts à vivre dans la peur permanente?
– Sommes-nous prêts à respecter des mesures de distanciation sociale pendant des mois? Des années?
– Sommes-nous prêts à sacrifier le bien-être et la santé mentale de tous les enfants?
– Sommes-nous prêts à sacrifier nos libertés et droits fondamentaux?
– Sommes-nous prêts à risquer notre santé en pariant sur un vaccin dont aura hâté l’évaluation?
2. Que demandent nos aînés ? Que demande le personnel soignant? Que demandent les plus pauvres?
Nous pourrons un jour demander à quoi nos efforts ont servi.
En tout cas pas à empêcher le virus d’atteindre les lieux les plus sensibles, ces maisons de repos où nos aînés – isolés – luttent depuis des semaines contre la maladie avec vaillance et courage.
Ni à épargner notre personnel soignant et lui permettre de travailler dans la sérénité. Ils sont tous épuisés, indignés, désarmés, impuissants, et leur fureur gronde.
Le personnel soignant s’indigne depuis le début.
Ils ne demandaient pas qu’on sacrifie notre liberté pour qu’ils n’aient pas à nous soigner.
Ils l’ont revendiqué haut et fort : ce qu’ils attendent, c’est qu’on leur donne les moyens de faire ce à quoi ils ont consacré leur vie : nous aider à surmonter les moments difficiles, quand notre corps seul ne suffit pas.
Je ne peux m’empêcher de remarquer le peu de témoignages de nos aînés.
Je ne les connais pas tous, mais ceux que je connais sont admirables.
Ils souhaitent pouvoir profiter de leurs derniers instants dans la joie.
Tous savent qu’à leur âge, ils peuvent mourir à chaque instant. Tous ont accepté l’idée d’une nouvelle cause de décès.
Aucun ne comprend qu’on lui interdise de vivre ses derniers instants avec ses proches.
Aucun ne comprend qu’on sacrifie la joie des enfants pour eux.
Que demandent les plus pauvres ?
Bien plus qu’un vaccin, ils demandent le respect de leurs droits, et de la dignité.
Le droit de manger à leur faim, le droit d’avoir accès à des soins de santé performants, le droit à l’éducation, le droit de vivre dans un endroit sain, le droit à l’hygiène, en un mot le droit de vivre.
Bien plus que de survivre à un virus dans des conditions innommables.
Je ne peux pas répondre à ces questions pour vous. Mais j’ose croire à un avenir meilleur.
J’accepte de risquer ma vie pour pouvoir la vivre.
Je préfère le respect de ma liberté et de mes droits, à un simulacre de sécurité.
Je veux avoir le droit de choisir ou de refuser un traitement.
Je veux pouvoir vous voir, vous entendre, vous sentir, vous regarder.
Je veux revoir le sourire de ma fille. Je veux la voir profiter de l’insouciance de l’enfance.
Je veux assumer mes responsabilités de mère. Je veux être celle qui m’inquiète pour son avenir.
Je veux vous aider.
Voilà ce que moi je veux.
Caroline Vandermeeren, docteur en biotechnologie
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