Hervé Jamar s’exprime sur les inondations au Vif: « On tire sur le pianiste alors qu’il a bien joué sa partition »
Hervé Jamar, gouverneur de la province de Liège, s’était tu jusqu’à présent sur les inondations, surtout depuis qu’un juge d’instruction a été désigné. Il a accepté de répondre aux questions du Vif.
Ce jeudi, retrouvez le dossier du Vif : « Inondations, un mois après: l’heure des comptes » en librairies et sur levif.be.
Près d’un mois après les inondations, la stupeur a parfois fait place à la colère, dans les communes sinistrées. Plusieurs bourgmestres critiquent la gestion de la crise par les services du gouverneur de la province de Liège. Sur trois aspects : ils n’auraient pas été avertis à temps, des lourdeurs administratives auraient empêché l’intervention urgente des secours, et finalement les moyens déployés n’auraient pas rencontré les besoins. Ou trop tard. Hervé Jamar, gouverneur de la province de Liège, s’était tu jusqu’à présent, surtout depuis qu’un juge d’instruction a été désigné. Mais à force d’être pointé du doigt, injustement selon lui, il a accepté de répondre aux attaques.
Comprenez-vous les critiques qui vous sont adressées ?
Je voudrais d’abord insister sur le fait qu’un juge d’instruction a été désigné et que cela implique un devoir de réserve. Le hasard fait que je revenais d’Ardèche le jour des inondations. C’est donc Madame Catherine Delcourt (NDLR : commissaire d’arrondissement) qui faisait fonction et qui avait commencé à gérer la crise. Après mon retour, d’un commun accord, nous avons décidé qu’elle garderait la main et que, de mon côté, j’assumerais le côté protocolaire, par exemple avec la visite du Roi à Pepinster (voir photo). Je n’ai repris la main que le dimanche. J’ai eu tous les bourgmestres des communes sinistrées en vidéoconférence, et pas un ne m’a fait part des critiques que vous mentionnez. Je suis surpris de la tournure des évènements. J’ai l’impression qu’on tire sur le pianiste alors qu’il a bien joué sa partition.
Certains bourgmestres disent ne pas avoir été prévenus de l’arrêté d’évacuation.
J’ai tout vérifié après. L’e-mail a été envoyé à tout le monde, à plusieurs adresses, personne n’a été oublié. Si le message n’est pas arrivé, peut-être certaines communes n’avaient-elles pas remis à jour leurs adresses. J’ai entendu que ce courriel serait parfois arrivé dans les spams. Ce n’est pas de la faute des services du gouverneur ! Le fait est que l’arrêté d’évacuation a été envoyé à tout le monde, et que seule la commune de Limbourg l’a appliqué.
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Le gouverneur est chargé, en cas de crise, de solliciter l’armée et la protection civile puis de dispatcher les secours sur place, en fonction des besoins. Certaines communes affirment n’avoir pas bénéficié de ces secours, ou alors trop tard. Surtout concernant la protection civile.
Dix-sept PV de réunions attestent que l’armée a été mobilisée. La protection civile aussi a été sur le pont. L’effectif disponible a été mobilisé. Simon Henrard, le numéro 2 de la protection civile, a fait un travail impeccable. Tout ce qui était mobilisable a été mobilisé. Annelies Verlinden (la ministre CD&V de l’Intérieur) est venue au Country Hall pour gérer les secours venus de l’étranger. Le PLANU (NDLR : planification d’urgence) n’a, à mon sens, pas commis la moindre erreur de procédure. J’ajoute qu’absolument toutes les demandes de réquisitions ont été honorées. Mais, bien sûr, si les militaires se trouvent à Vaux, ils ne peuvent pas être au même moment à Pepinster, Trooz et Verviers. Il y a une limite dans la mesure où on ne peut pas envoyer plus de militaires qu’il n’en existe.
La gravité des inondations a-t-elle été perçue à sa juste mesure ?
Nous avons reçu une alerte orange – pas rouge – de l’IRM comme on en reçoit vingt-cinq par an. Puis tout s’est précipité en deux, trois heures. Tout le monde s’est réuni au palais des Princes évêques, le plan de crise provinciale a été déclenché et l’ordre d’évacuation a été envoyé.
Personnellement, quels enseignements vous sembleraient utiles d’être tirés, pour améliorer la gestion de crise ?
Evidemment que j’aurais des idées, mais je ne suis pas certain que ce soit à moi, ici, de les exprimer. D’autant que la phase est toujours à l’urgence, avec 12 000 personnes à reloger et une personne toujours portée disparue. Vous savez, j’ai été ministre du Budget (NDLR : sous le gouvernement Michel, jusqu’en 2015), j’ai assisté à des réunions difficiles. Il fallait rester dans les carcans européens, pas plus de 1,6 % de déficit, si on était à 1,8 c’était catastrophique. Aujourd’hui on est à 10%, c’est un autre monde ! Mais à l’époque il fallait resserrer les dépenses publiques. La défense, la protection civile en ont pris un coup, et peut-être en a-t-on payé le coût.
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