Face à la sécheresse, la Flandre et la Wallonie bien inégales
La Flandre ne s’est pas encore remise de la sécheresse de l’été dernier. Les précipitations n’ont pas été suffisantes à ce jour pour reconstituer les réserves et les niveaux des nappes phréatiques restent très bas. Qu’en est-il en Wallonie ?
D’ici l’été 2020, la Flandre devrait avoir déterminé des mesures d’urgence à appliquer en cas de sécheresse prolongée. L’agence flamande de l’environnement (Vlaamse Milieumaatschappij – VMM) réfléchit à un plan pour savoir qui sera prioritaire pour consommer de l’eau en cas de forte pénurie.
Le plan devrait concerner tous les types d’eau : l’eau de surface, l’eau souterraine et l’eau du robinet précise le quotidien flamand De Standaard. Il ne serait, par exemple, pas exclu que l’eau du robinet ne soit plus disponible chez une partie des consommateurs à des moments donnés. La Flandre table en effet sur un plan de coupure, tel qu’il existe un plan de délestage en cas de black-out pour l’électricité.
Des questions difficiles se posent et les conséquences sont énormes, explique au Standaard Katrien Smet, porte-parole de la VMM. A qui donner la priorité en approvisionnement ? Aux citoyens ? Au bétail ? A la nature ? Qu’en sera-t-il du secteur industriel ? Des hôpitaux et des écoles ? Toutes les régions seraient-elles impactées de la même façon ? En raison de la complexité du dossier, l’agence pour l’environnement flamande recherche un partenaire externe pour travailler sur le projet. La mesure doit également être juridiquement valable.
Selon Katrien Smet, 2020 est un objectif très rapide. Elle explique qu’un plan similaire a été mis sur pied aux Pays-Bas, mais sur une dizaine d’années. « Même si nous espérons que le plan ne devra jamais être activé, nous pensons toujours qu’il est nécessaire. La pénurie d’eau est un grave problème en Flandre », commente-t-elle.
Des réserves en Wallonie
En Wallonie, la situation est assez différente. Au niveau topographique d’abord, le relief est plus accidenté et plus vallonné. En Ardennes, dans le Namurois ou en province de Liège, les bassins versants permettent une meilleure récolte des eaux, explique Nicolas Yernaux, porte-parole du SPW. La nature des sols est aussi tout autre et au niveau métrologique, il pleut par exemple plus à l’est du pays que dans le Brabant wallon.
Philippe Dierickx est directeur de la gestion hydrologique, il nuance: « Tout n’est pas uniforme. En Wallonie, dans le Hainaut, le bassin versant de l’Escaut est beaucoup plus proche en termes de conditions climatiques et topographiques de ce qui se passe en Flandre, avec des zones beaucoup plus plates. Par contre, au sud du sillon Sambre et Meuse, il est évident qu’il y a plus de précipitations et plus de réserves dans les sols. L’impact y est donc plus faible qu’en Flandre. »
Autre élément à prendre en compte, explique l’expert : nos eaux, beaucoup plus abondantes, viennent de la France alors que la Flandre reçoit des eaux de la côte qui sont moindres. De plus, il n’y a pas de barrage-réservoir en Flandre. La situation y est donc bien plus préoccupante, estime Philippe Dierickx.
Thibaut Mouzelard, directeur de la gestion des grands barrages-réservoir en Wallonie, abonde dans ce sens : « En Flandre, la gestion des nappes phréatiques est plus délicate dans certaines régions bien que ce soit le cas aussi en Wallonie. Dans le Hainaut par exemple où il y a encore à ce jour des nappes beaucoup plus basses que la normale. Ce n’est pas parce qu’il pleut beaucoup en surface que l’eau arrive en profondeur, même si le sous-sol wallon est assez perméable pour recharger les nappes. A Libramont, situé en haut d’un plateau, c’est aussi compliqué de s’approvisionner. Des effets locaux jouent parmi les autres facteurs« .
La majorité de l’eau de distribution est puisée de ces nappes et provient dans une plus faible proportion des barrages-réservoir. Si les nappes baissent, il ne devrait pas y avoir de rupture d’approvisionnement en eau potable, mais il faut quand même les surveiller, prévient-il.
L’ingénieur explique que les pluies de janvier et février derniers ont permis aux barrages de revenir à un niveau satisfaisant. « Ils étaient bien remplis en début d’année. Les réserves ont bien été rechargées. »
« Il y a toutefois une grande différence entre la perception du public et la réalité du terrain. L’an passé, on était encore extrêmement à sec au mois de novembre, alors que dans l’esprit des gens il fait plus froid, plus couvert. On a l’impression que tout va bien, mais il y a tout de même encore des problèmes d’eau », fait-il remarquer.
En cas de forte chaleur, il revient aux distributeurs d’eau de décider de restrictions de la consommation de l’eau dans certaines communes. La cellule « sécheresse » pilotée par le Centre régional de crise de Wallonie se réunit à intervalle régulier pour faire le point sur la situation et prendre des mesures en cas de situation problématique tout au long de l’année. Chaque acteur est sensibilisé. Quand le niveau de l’eau est extrêmement bas, le rôle de la cellule est alors de trouver un compromis sur sa répartition, détaille Thibaut Mouzelard. Faut-il continuer à approvisionner la Meuse pour garantir son débit et permettre la navigation ou privilégier l’approvisionnement de la population en eau potable ? Un autre facteur important est le refroidissement des centrales électriques. Si le débit tombe en dessous d’une certaine valeur, Tihange est alors obligé de stopper en partie.
Rationner l’eau
« Mais à un moment donné, en cas extrême, on ne sera peut-être plus capable de satisfaire l’ensemble des moyens et il faudra peut-être en sacrifier un », commente l’ingénieur. Au niveau de la distribution, tout n’est pas non plus toujours bien connecté localement, il y a moins de réserves dans certains secteurs. Il peut donc y avoir des impacts localement selon le distributeur d’eau, explique Philippe Dierickx.
De là à couper les vannes au sein des ménages? Cette décision émanerait alors des producteurs d’eau (SWDE, Vivaqua à Bruxelles, CILE à Liège, …). « Ceci dit, ce n’est pas si évident, techniquement parlant, de rationner l’eau, le système hydraulique, de distribution n’est pas nécessairement conçu pour pouvoir rationner l’eau », explique Thibaut Mouzelard. La sensibilisation aux mesures de restriction d’eau reste donc un point fondamental auprès de la population.
« L’aspect environnemental est aussi important au niveau des barrages. Ce point est revenu à plusieurs reprises. Au sommet de la crise, la question est de savoir si on laisse encore de l’eau sortir des barrages ou si on coupe tout pour garder l’eau dans les réserves. Si on ne restitue pas un minimum d’eau dans la nature, il peut y avoir des désastres environnementaux, des pertes de poissons, et de diversité« , commente Thibaut Mouzelard.
Pour Philippe Dierickx, le réchauffement climatique joue bel et bien un rôle dans la fréquence de ces périodes de sécheresse, même si selon lui, il faudra plus de recul pour quantifier leur impact. La réduction des quantités d’eau est à l’heure actuelle très difficile à évaluer. « Mais il est clair que nous vivrons à l’avenir plus de périodes plus sèches et pendant plus longtemps« , conclut-il.
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