Anne-Sophie Bailly
Et la variable humaine? (édito)
Si l’adhésion de la population n’est pas reprise dans les modèles statistiques, elle est fondamentale à leur réalisation. Et pour la garder encore un peu, il va falloir desserrer un minimum l’étreinte. Comment? Pour qui? Par où commencer? Ce sera aux politiques de le décider. Et de choisir que la variable humaine fasse pleinement partie de l’équation. L’édito d’Anne-Sophie Bailly, rédactrice en chef du Vif.
Le week-end dernier, des DJ ont mixé dans des supermarchés, des files de chaussures se sont formées devant les théâtres, des miniconcerts ont pris place devant des cafés fermés. Deux jours plus tôt, des dessins, peintures et colis barrés d’un « Stop » rouge vif ont inondé les réseaux sociaux et le 16, rue de la Loi. Samedi 20 février, Ostende a fait le plein de visiteurs d’un jour. Dimanche 21 février, les parcs du pays ont affiché complet.
Dans la foulée, les déclarations politiques se sont accumulées pour prendre position en faveur de la culture, des jeunes, de l’Horeca, de la liberté de voyager ou d’un élargissement de la bulle sociale. « Nos protocoles sont prêts pour rouvrir dans le respect des contraintes sanitaires. Et les chiffres le permettent. » « Passons d’une gestion de crise à une gestion du risque. » « Le statu quo n’est plus une option. »
Et puis, surprise, lundi 22 février, le Premier ministre Alexander De Croo, épaulé de biostatisticiens, a présenté une série de scénarios (du meilleur au pire) et un calendrier (de mars à mai) d’allègement des mesures.
Sur le plan politique, l’objectif de cette conférence de presse impromptue et en solo est clair. Tenter de couper court aux débats qui agitent les différents partenaires de la coalition Vivaldi.
Pour la communication à la population, le décodage s’avère plus nuancé, tant il varie en fonction des attentes de chacun. Ceux qui appelaient de leur voeux – et depuis longtemps – des perspectives les ont enfin. Ceux qui tablaient sur une réouverture imminente ont, par contre, vu leurs espoirs douchés.
Quant à la gestion de la crise sanitaire proprement dite, une chose est certaine. Alexander De Croo garde un cap immuable, dont Frank Vandenbroucke est l’incarnation: on ne déconfinera plus ni trop tôt, ni trop vite et quand on le fera, ce sera sur la base des chiffres. Singulièrement, celui du taux de reproduction et de positivité, ceux de la contagion et des hospitalisations. Auxquels s’ajoutent désormais le taux de vaccination et l’évolution des variants.
Pour autant, d’autres données chiffrées existent aussi. Ceux de l’endettement de l’Etat et des faillites à venir. Ceux des décrochages scolaires et de la détérioration de la santé mentale. Pour ne citer que ceux-là. Ne pas les prendre en compte, c’est zoomer sur une seule partie du tableau. C’est oublier que l’adhésion de la population, si elle n’est pas reprise dans les modèles statistiques, est fondamentale à leur réalisation. Et que pour la garder encore un peu, il va falloir desserrer un minimum l’étreinte.
Comment? Pour qui? Par où commencer? Ce sera aux politiques de le décider. Et de choisir que la variable humaine fasse pleinement partie de l’équation.
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