Dutroux franchit une étape vers une possible libération conditionnelle
La justice belge a accédé lundi à la demande de Marc Dutroux, considéré comme un des pires criminels du pays, de bénéficier d’une nouvelle expertise psychiatrique en vue d’une éventuelle libération conditionnelle après plus de 23 ans en prison.
Le tribunal de l’application des peines (TAP) de Bruxelles était saisi par les avocats de celui qui a été surnommé par la presse « le monstre de Charleroi ».
Et suivant l' »avis favorable » émis par le parquet à l’audience du 17 octobre, les cinq juges du TAP ont désigné pour examiner Dutroux trois médecins psychiatres qui, sauf demande de prolongation de leur mission, devront remettre un rapport final pour le 11 mai 2020.
Dans leurs motivations, lues devant les caméras de télévision, les juges ont estimé « justifié » et « opportun » de solliciter, après 23 ans d’incarcération, l’avis de trois experts extérieurs à la prison, « reconnus pour leurs connaissances en matière de psychopathie, de déviance sexuelle et de délinquance au sens large ».
Marc Dutroux, 63 ans en novembre, a été arrêté en 1996 et condamné en 2004 à la prison à perpétuité pour le rapt, la séquestration et le viol de six fillettes et jeunes filles en 1995-96, ainsi que pour la mort de quatre d’entre elles –deux assassinées et deux mortes de faim.
Il y a quinze ans, lors du procès devant la cour d’assises d’Arlon, il avait été décrit par les psychiatres comme un « vrai psychopathe », « pervers narcissique » et « manipulateur ».
Mais pour évaluer sa santé mentale, la justice ne dispose aujourd’hui de rien de plus récent que deux rapports établis en 2013 et 2015 par le service psycho-social de la prison de Nivelles (centre), où Dutroux est détenu.
Afin d’actualiser ces données, les experts vont devoir consulter son dossier médical depuis la période de l’instruction, et rencontrer le criminel pour évaluer sa dangerosité et le risque de récidive « s’il était remis en liberté », soulignent les juges.
Ces derniers disent s’appuyer sur une décision rendue en 2013 par la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) stipulant qu’une peine de prison à vie n’est conforme aux droits fondamentaux « que si, au cours de l’exécution de cette peine, il existe une possibilité de réexamen de la situation de l’intéressé, en particulier de sa dangerosité et de l’éventualité d’une remise en liberté ».
Combat médiatisé
Concrètement, si les trois experts concluent que Dutroux n’est plus un danger pour la société, il faudra ensuite que ses avocats présentent un projet de réinsertion avec un point de chute hors de prison. Sans doute dans un lieu très isolé et sécurisé.
Les cinq juges du TAP ont précisé lundi qu’une libération conditionnelle ne pourrait être examinée qu' »à une nouvelle audience, après réception du rapport d’expertise ».
Me Bruno Dayez, un des avocats de Marc Dutroux, a salué leur décision.
« Dire que quelqu’un est un psychopathe une fois pour toutes, un jour toujours, me semblait un peu court », a-t-il déclaré devant la presse.
Me Dayez, qui a repris en 2016 la défense de Dutroux, souhaite obtenir sa libération à l’horizon 2021, au bout de 25 ans d’incarcération.
Dans un combat très médiatisé depuis près de deux ans, il fustige ses conditions de détention à l’isolement et milite, plus généralement, pour une abolition de la peine de prison à perpétuité et une prise en charge par l’Etat de la réinsertion.
De leur côté, les familles des victimes reprochent à Dutroux de n’avoir pas dit la vérité sur les faits, ni exprimé de remords.
Lundi, le père d’Eefje, une des quatre filles tuées, était présent à l’énoncé du jugement mais n’a pas souhaité s’exprimer devant les journalistes.
Pour Me Patricia van der Smissen, qui défend les parents de Mélissa, une autre victime, Me Dayez « a choisi le pire étendard à l’appui de ses revendications ‘humanistes’, Dutroux concentrant précisément des circonstances exceptionnelles qui imposent de ne surtout pas le libérer ».
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