Des agents du renseignement chinois pourraient être présents à Liège Airport via Alibaba
« Des agents de service du renseignement chinois pourraient avoir accès aux zones sensibles et sécurisées de l’aéroport », a reconnu mercredi le ministre de la Justice Vincent Van Quickenborne (Open Vld), interrogé par le député Ecolo Samuel Cogolati en commission Justice à la Chambre. Voici l’explication de cette présence potentielle polémique.
Selon une loi chinoise de 2017 sur le renseignement national, des entreprises comme Alibaba sont tenues de coopérer avec les agences de renseignement chinoises et d’ouvrir des postes en leur sein à leurs agents, et ce quel que soit le pays dans lequel ces entreprises déploient leurs activités. Cela signifie donc que pour la succursale du géant de l’e-commerce à Liège, « les agents de service du renseignement chinois pourraient avoir accès aux zones sensibles et sécurisées de l’aéroport » comme l’a reconnu donc mercredi le ministre de la Justice Vincent Van Quickenborne.
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Vincent Van Quickenborne
« Alibaba devra également obéir à l’appareil de sécurité chinois dans le cas où ce dernier souhaite avoir accès aux données commerciales et personnelles potentiellement sensibles détenues par Alibaba dans le cadre de ses activités à Liège », ajoute le ministre dans sa réponse.
D’après la Sûreté de l’État, l’aéroport liégeois revêt une importance stratégique pour la République populaire de Chine, a expliqué Vincent Van Quickenborne. « Cet intérêt ne se limite pas à des fins de renseignement et de sécurité mais peut être considéré dans un cadre politique et économique plus large. »
Puisque la Chine mise fortement sur le transport de fret aérien depuis la pandémie et que Pékin prévoit de construire 215 nouveaux aéroports d’ici 2035, « l’importance économique future de l’aéroport de Liège pour la Chine ne peut être sous-estimée », prévient-il.
D’après la Sûreté de l’État, l’utilisation par la Chine de dossiers économiques pour exercer une pression politique est un risque qui existe « certainement » dans le cadre de l’aéroport de Liège, met encore en garde le libéral flamand. Il attire d’ailleurs l’attention sur le rôle joué par Liege Airport dans la campagne d’ingérence chinoise sous la bannière de la « diplomatie des masques ». En mars 2020, les médias d’État chinois ont rapporté que des masques buccaux étaient arrivés à Liège pour être distribués en Belgique, rappelle le ministre. « Avec cette campagne, le régime chinois tente de se présenter comme un partenaire fiable dans la lutte contre le covid-19. »
Depuis octobre dernier, chaque État membre de l’UE est par ailleurs censé installer un point de contact pour le filtrage des investissements directs étrangers afin d’examiner ceux-ci et de déterminer leur éventuel impact sur la sécurité nationale et l’ordre public. « Notre pays ne dispose pas encore d’un tel mécanisme. Une solution provisoire a été trouvée en prenant le SPF Économie comme point de contact national », explique Vincent Van Quickenborne dans sa réponse au député Cogolati. Le SPF travaille d’ailleurs « d’arrache-pied » pour développer ce mécanisme en Belgique, à entendre le ministre.
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Pour Vincent Van Quickenborne, il faut à présent évaluer dans quelle mesure la Belgique « accepte le risque lié aux grands investissements et à la prise d’une position dominante sur le marché par des entreprises chinoises et donc, par extension, par les autorités chinoises ».
La Sûreté de l’État ne dispose pas d’informations suffisantes pour répondre avec certitude à la question de savoir si les données des clients d’Alibaba sont communiquées aux autorités chinoises, dit encore le libéral flamand. Il est cependant fort probable que de tels transferts de données se produisent, concède-t-il, se référant notamment à la loi nationale de renseignement de 2017. Le ministre de la Justice s’appuie aussi sur la législation locale sur la cybersécurité de 2016, qui oblige les entreprises chinoises à stocker leurs données sur des serveurs chinois locaux et donne des pouvoirs étendus aux services de sécurité chinois pour consulter les systèmes informatiques des entreprises tant physiquement qu’à distance. « Les services de sécurité sont en outre autorisés à copier des données, y compris celles relatives aux utilisateurs. Cette loi s’applique à toute entreprise qui fournit un service via internet, y compris Alibaba », précise-t-il. (INT, POL, JUG, NBA, DJB, fr)
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