Covid: pourquoi les politiques pourraient quand même lâcher du lest vendredi (analyse)
Les coulisses de la communication d’Alexander De Croo – « absolument non concertée, nous l’avons appris par WhatsApp… » – donnent un autre angle de regard: en coupant l’herbe sous le pied de tout le monde, le Premier aurait en réalité… ouvert le jeu.
Une communication « catastrophique ». L’analyse de l’épidémiologiste Yves Coppieters (ULB) au sujet de l’opération de com’ impromptue du Premier ministre était déjà critique (il la qualifiait de « mauvaise »), mais au sein même de la majorité, certains – plutôt dans les rangs libéraux francophones, on s’en doute – la qualifient de façon plus dure encore. Tant sur la forme que sur le fond.
Avec, dès lors, une conclusion étonnante : en sortant du bois de la sorte, le locataire du Seize aurait en réalité commis une erreur politique: celle de laisser quatre jours ouvrables aux partisans d’assouplissements pour convaincre de la nécessité d’entrouvrir la porte vendredi. Avant de donner des perspectives plus larges à partir du 1er avril: à ce sujet, le consensus est plus large.
En Flandre, on résume cela comme suit: Alexander De Croo n’a pas réussi à mettre dans sa poche la « versoepelbrigade » – la brigade de ceux qui plaident pour de prudents relâchements.
Sur la forme : un exercice non concerté et raté
La communication faite par Alexander De Croo a bel et bien été décidée en cavalier seul. « Cela n’était absolument pas concerté, nous l’avons appris via le WhatsApp du kern« , dit une source. Certains n’auraient guère apprécié la méthode et l’on évoque même une situation « à deux doigts de la rupture ».
Sur la forme, toujours: certains estiment que la présentation du Premier entouré des seuls experts a donné une image perturbante, a fortiori alors que les partenaires de la majorité exprimaient la nécessité de donner des perspectives.
Ceci encore: « Nous sous sommes tous demandé qui est ce gars en voyant le mathématicien qui présentait, seul, les modèles devant déterminer les perspectives pour notre pays: sa désignation n’a pas été concertée ». Ce mathématicien en question n’est autre que Nicolas Franco, chercheur en mathématique à l’UNamur et… pianiste professionnel, qui a développé un modèle performant pour évaluer l’évolution de la Covid.
Sur le fond : une vision unilatérale
Forme et fond sont évidemment liés. « La communication du Premier ministre donnait une image unilatérale, exclusivement sanitaire, alors que les autres dimensions prennent une importance de plus en plus grande« , dit l’un. Traduit dans la communication de Georges-Louis Bouchez, ce matin, cela donne ceci: « Face aux courbes virologiques, je vois celles des suicides, des maladies mentales, des séquelles à long terme pour nos jeunes, des faillites ».
Aux côtés du libéral, sur le plateau de LN24 ce jeudi matin, un autre expert en modélisation à l’UCLouvain, Raphaël Jungers, soulignait: « Aujourd’hui, l’objectif de diminuer le nombre de cas positifs n’est plus l’objectif principal, il y en a énormément d’autres: le bien-être, l’Etat de droit, la jeunesse, l’économie, la santé… Or, hier on n’a parlé que de l’objectif de diminuer le nombre de cas positifs. C’est une erreur, c’est un tort, et le citoyen reçoit ça comme ne vérité absolue. »
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Scénarios de déconfinement: "Un simplisme qui trompe le citoyen"
➡️ https://t.co/Wt9B72HcwN : décryptage de ces fameux modèles avec Raphaël Jungers, expert en modélisation à l’UCLouvain, davantage "perplexe qu’enthousiaste" devant les scénarios présentés hier pic.twitter.com/PaqcyjLWVF— LN24 (@LesNews24) February 23, 2021
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Le Covid, insistait ce chercheur louvaniste, est un vrai danger, il ne s’agit pas de remettre cela en cause. Mais rien n’empêcherait de procéder à de légers assouplissements, quitte à revenir en arrière si les courbes remontent à la hausse. Philippe Devos, chef urgentiste à Liège et président syndicat des médecins belges (ABSYM) ne disait pas autre chose sur le plateau de la RTBF, lundi soir.
Sur le timing: des assouplissements… prévus vendredi
Enfin, en décidant de sortie de la sorte le lundi, le Premier ministre aurait commis une erreur d’appréciation en laissant quatre journées pleines avant le Comité de concertation pour détricoter son exposé « dont les faiblesses en manquent pas », grince-t-on.
« C’est d’autant plus absurde que des aménagements devraient bel et bien être décidés vendredi, précise-t-on à très bonne source. Il y a déjà eu des discussions qui sont bien avancées. » Il est question de revoir la bulle sociale à l’extérieur, de supprimer l’interdiction des voyages à l’étranger (une mesure qui est, surtout, sous la pression de la Commission européenne), de prendre des mesures pour les jeunes… « Nous devons donner un peu d’air, bien sûr en étant très prudents. Le plus gros risque actuel, c’est que l’adhésion de la population est en chute libre. »
L’objectif de tous, en outre, serait en réalité le même : viser le 1er avril pour entamer un déconfinement progressif. Dans les rangs de la majorité, certains s’irritent au contraire des sorties répétées du MR depuis des semaines – et encore à la suite de la communication d’Alexander De Croo. « C’est d’un cynisme sans nom, regrette un député écologiste. Nous pourrions au moins, dans cette période infernale, faire preuve d’un peu d’humilité. »
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