Côte belge: un bourgmestre peut-il m’interdire l’accès sur son territoire?
La prérogative de sécurité des bourgmestres peut aller loin. Mais elle doit être motivée, justifiée et proportionnée. Explication avec Christian Behrendt, constitutionnaliste à l’Université de Liège et François Tulkens, maître de conférence à l’université Saint-Louis Bruxelles en droit public et administratif.
Ce dimanche, différentes communes côtières ont interdit l’accès à leurs plages. Une décision en réponse au monde présent sur les plages et à une bagarre survenue sur la plage de Blankenberge. Leur justification: ne pas pouvoir garantir la sécurité des personnes entrant sur leur territoire. La commune de Knokke-Heist a décidé de prolonger la mesure sur tout son territoire et ce jusqu’à la fin de la vague de chaleur. Seuls les résidents, les propriétaires de seconde résidence, les touristes à domicile et les employés des entreprises et organisations basées à Knokke-Heist sont autorisés dans la commune. A nouveau le bourgmestre justifie la mesure prise en évoquant la sécurité: « Si je continue à laisser entrer les gens, je ne peux pas garantir la sécurité ici ».
Comment expliquer cette mesure?
Comment expliquer cette entrave de liberté fondamentale de circuler?
« Le principe de base, c’est que la liberté de circuler ne peut pas être entravée, mais ce droit n’est pas un droit absolu. Il y a des restrictions possibles mais elles doivent être motivées, justifiées et proportionnées » nous explique François Tulkens, maître de conférence à l’université Saint-Louis Bruxelles en droit public et administratif. « Le bourgmestre, de par la nouvelle loi communale, est responsable de la sécurité dans sa commune. Et il dispose de certains leviers pour assurer cette prérogative. S’il s’abstient de prendre ses responsabilités, il expose sa responsabilité politique » ajoute Christian Behrendt, constitutionnaliste à l’Université de Liège. « Le bourgmestre a donc le pouvoir de prendre ce genre de mesure, mais il doit pouvoir prouver que la sécurité sur son territoire n’est pas respectée. Il faut une bonne raison de sécurité. Le port du masque dans les allées commerçantes fréquentées en est une par exemple, c’est la seule manière d’assurer la sécurité de chacun. On peut parfois être supris de jusqu’où peut aller un bourgmestre. »
Vers de nouvelles interdictions?
Restreindre l’accès à la plage est bien différent d’une mesure qui vaut pour plusieurs jours et pour un territoire dans son entièreté, comme c’est le cas à Knokke-Heist. « Qui peut dire qu’avoir interdit l’accès ce dimanche est une erreur d’appréciation? » se demande François Tulkens. « Avec ce qui est arrivé ce samedi, le nombre de personnes présntes et la crainte de nouveaux incidents, c’est une mesure qui me parait justifiée. Par contre, pour Knokke, la mesure me parait plus discutable. Il faudrait aller voir dans l’arrêté communal. Tant que la vague de chaleur continue, cela me parait flou comme critère. Est-ce valable la nuit? A partir de quand a-t-on une vague de chaleur? »
Le maître de conférence souligne également l’importance de réévaluer la mesure. Est-ce qu’il y aura une mesure similaire la semaine prochaine? « Il faut toujours réévaluer la situation et justifier pourquoi elle est valable à ce moment-là. Les circonstances la semaine prochaine ne seront peut-être plus les mêmes. »
Qui pour le contredire?
Au dessus du bourgmestre, on retrouve le gouverneur de province, qui a le droit de suspendre une mesure qui serait disproportionnée, qui irait trop loin. On retrouve aussi les gouvernements régionaux et fédéraux.
« La suspension de cet arrêté peut être demandée auprès du Conseil d’Etat, et la commune doit alors pouvoir justifier et motiver la mesure prise. Et expliquer pourquoi une mesure qui aurait été moins incisive n’aurait pas suffit pour garantir la sécurité », explique Christian Behrendt.
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici