Coronavirus: « tôt ou tard on va nous dire de tout fermer »
Le gouvernement minimise-t-il l’épidémie de coronavirus ? Qu’en est-il des tests de dépistage ? Va-t-on bientôt déclencher la phase trois du plan de prévention contre le coronavirus ? Le docteur Philippe Devos, président de l’ABSyM (Association belge des syndicats médicaux), fait le point sur la situation en Belgique.
Pensez-vous que le gouvernement minimise la situation ?
J’ai le sentiment que le gouvernement minimise quand je vois ce qui se passe en Lombardie. Le spécialiste des épidémies virales, Marius Gérard, pense, lui aussi, que la situation est minimisée. Et qu’un épidémiologiste professeur à l’ULB soit de cet avis, cela me tracasse. Une dizaine d’infectiologues avec lesquels je suis en contact pensent également que la situation est minimisée par les autorités. Maggie De Block, la ministre de la Santé, n’a plus été depuis longtemps sur le terrain, quand on l’entend évoquer les motifs pour lesquels une épidémie de grande ampleur n’arrivera pas chez nous. Dans les hôpitaux, en tout cas, c’est le branle-bas de combat pour pallier les manquements du gouvernement. Tous les spécialistes disent qu’il faut se bouger maintenant, qu’il ne faut plus tarder. Il faudrait nommer une personne de terrain, active dans un hôpital, comme un médecin hygiéniste, en tant que commissaire de crise pour bien faire passer le message auprès de la population. Mais, ce que la plupart des acteurs du terrain pensent, c’est que madame de Block validera ce qu’ils font mais ne prendra pas elle-même l’initiative.
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Fautes de statistiques complètes, l’épidémie en Belgique semble sous-diagnostiquée
Il semble qu’il y ait du retard dans le dépistage alors que la ministre dit que non. Où est la vérité ? Je l’ignore, mais le doute est là pour la communauté médicale qui s’inquiète. Compter les malades et évaluer les risques est compliqué quand certains patients n’ont toujours pas reçu de résultat 7 jours après le prélèvement. Le but dans une épidémie n’est pas de compter les gens infectés il y a 7 jours, mais ceux qui le sont au jour le jour. Madame De Block évalue chaque jour ce nombre officiel de personnes infectées pour prendre des mesures plus fortes, on voit bien que tôt ou tard, on va devoir annuler de grands événements, si on le fait trop tôt, cela ne sert pas à grand-chose, si c’est trop tard, cela ne sert à rien. D’où l’importance de bien suivre les chiffres et si ceux-ci ne sortent pas, c’est comme conduire les yeux fermés.
Comment est-il possible qu’une semaine seulement après l’apparition des premiers cas de coronavirus en Belgique, les tests de dépistage soient restreints?
De nombreux pays disposent des produits de base, ils ont commandé en masse des produits réactifs utilisés pour la détection des virus, des masques et des lunettes. Au mois de décembre et janvier, en Belgique, on a rien fait. Il y a aussi eu un défaut d’anticipation pour contacter les laboratoires de référence et les alerter du risque d’être touché par l’épidémie alors que l’OMS annonce un risque de pandémie depuis janvier. En médecine, il faut être préventif et la Belgique est la plus mauvaise en médecine préventive au sein des pays occidentaux. Le problème, c’est aussi d’avoir ces 9 ministres. C’est compliqué pour les généralistes, car les décisions sont prises au niveau fédéral et elles sont appliquées au niveau régional. Les personnes de l’AVIQ (NDLR, au niveau de la région) étaient complètement larguées la semaine dernière, car les décisions changeaient sans qu’elles en soient avisées. C’était un capharnaüm complet ! La situation s’est améliorée, mais jusque mercredi dernier, les généralistes devenaient fous avec les recommandations qui changeaient constamment. La procédure a changé 4 fois ! Des modules sont montés maintenant devant les hôpitaux pour les prélèvements, à Liège, un « drive in de dépistage » a été mis en place. Par impulsion des médecins, et en collaboration avec l’état, le site de la SSMG est devenu le site de référence qui centralise en temps réel toutes les infos utiles pour toutes les régions concernant l’épidémie de coronavirus.
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Le déclenchement de la phase 3 du plan de prévention du coronavirus semble imminent…
Oui, j’ai le sentiment que si on évolue comme la France et l’Italie, on sera en phase 3 dans les dix prochains jours. Si on fait « mieux » que les autres pays, on n’y sera pas. Selon Marius Gilbert, il faut que 80% des infections soient évitées par des procédures pour ne pas entrer en phase 3. Les grandes mesures comme fermer les écoles, arrêter toute manifestation publique (Foire du Livre, Batibouw,…) va enrayer une moitié de l’épidémie. L’autre moitié de l’épidémie va se passer au sein des cellules familiales. Ce qui est plus efficace que tout cloisonner, c’est de promouvoir une hygiène drastique, cela passe par ne plus se serrer la main, ne plus se faire la bise… Une épidémie de grippe peut être enrayée si on se lave au minimum 6 fois les mains sur une journée. Ce message n’est pas passé dans toute la population. Je ne pense pas que le Belge soit plus propre que le Français, tôt ou tard on va nous dire qu’on va tout fermer.
Dans certaines écoles, c’est délirant d’entendre qu’il n’y avait pas de savon dans les toilettes avant l’épidémie ! On pourrait plutôt entretenir « une psychose bienveillante » qui rappelle les précautions d’hygiène de base. L’Etat a oublié l’éducation à la santé. C’est une opportunité pour la relancer. Dans la crise d’Ebola, l’éducation à l’hygiène aux toilettes a stoppé totalement l’infection. Les malades doivent aussi comprendre qu’ils doivent s’isoler eux-mêmes. Dans le même temps, il ne faut pas attendre d’avoir de la fièvre pour se laver les mains. A Wuhan, les statistiques montrent que 4% des malades sont hautement contaminants alors qu’ils n’ont jamais fait de fièvre.
Avez-vous des informations plus rassurantes à nous communiquer ?
Il y a quand même des données rassurantes concernant ce supposé « super virus ». Le taux de transmission est plutôt bas. Pour une étude sortie vendredi dernier, des prélèvements ont été réalisés dans 9 chambres de patient. L’étude révèle qu’il n’y avait pas de virus dans l’air. L’air ambiant n’est dons pas vecteur. Par contre, sur toutes les surfaces il y avait des traces du virus. L’hygiène des mains est donc cruciale. L’autre élément rassurant par rapport à un scénario catastrophe, c’est qu’avec un simple détergent, toutes les surfaces peuvent être rapidement et facilement désinfectées.
Philippehttps://www.facebook.com/phil2vohttps://www.facebook.comFacebook1313
"Flatten the curve" le # sur twitter qui fait comprendre : le but à présent est d'étaler le pic épidémique pour ne pas noyer les hôpitaux. Ne vous demandez pas ce que l'état peut faire pour cela mais ce que vous pouvez faire pour cela.
Geplaatst door Philippe Devos op Maandag 9 maart 2020
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