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Coronavirus : « On peut tabler sur les 12.000 morts en Belgique à la fin de cette épidémie »

Caroline Lallemand Journaliste

Le professeur Nicolas Vandewalle, statisticien et physicien à l’ULiège, publie régulièrement les courbes d’hospitalisations et des décès de l’épidémie de coronavirus. Nous lui avons posé quelques questions sur la situation actuelle et à venir.

A combien évaluez-vous le nombre total de morts en Belgique causés par le coronavirus ?

Quand on regarde la situation dans les hôpitaux et dans les maisons de retraite, on se rend compte que la mortalité est bien plus importante que celle attendue. La courbe des décès va allégrement vers les 7.000 dans une dizaine de jours. Là, on a atteint un régime de croisière, on est à 300 décès en moyenne par jour. Cela va continuer pendant quelques jours et puis très doucement fléchir. Fin avril, le nombre de décès va commencer à ralentir. Selon mes analyses, on se dirige vers les 10 à 12.000 morts au total en Belgique à la fin de cette épidémie.

Quand peut-on espérer la fin de l’épidémie ?

On arrive au pic des personnes en soins intensifs alors que le pic des hospitalisations a déjà eu lieu. La descente est très lente pour la courbe des soins intensifs. On est à 60% de la capacité. Mais, s’il y a le moindre redémarrage épidémique, en moins d’une semaine, on remplirait les soins intensifs et là, ce serait la saturation rapide des hôpitaux. Le problème se situe actuellement plus dans le personnel manquant que dans le nombre de lits disponibles. Il faudra encore bien deux mois avant que les hôpitaux ne respirent à nouveau, car la situation est encore fort tendue pour le moment. Le virus va de toute façon continuer à se propager, il y aura toujours des admissions dans les hôpitaux. Je me refuse de faire des prévisions sur le long terme.

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Comment évaluez-vous la situation dans les maisons de retraite ?

La situation des maisons de retraite est tout à fait incontrôlable. Je compare leur configuration avec celle du paquebot « Diamond Princess » en termes de rapprochement de personnes. Le taux de reproduction de la maladie, le fameux R0, était supérieur à 10 sur le paquebot. On peut s’imaginer ce qui se passe actuellement dans les maisons de repos… Alors qu’au début, on nous avait vendu un RO qui tendait vers 2, selon tous les modèles, tous pays confondus – USA, Italie, France, Belgique – on était plutôt vers un taux de reproduction de 4 en début d’épidémie. Depuis le confinement, on est descendu en dessous de 1, en sachant qu’en deçà, la maladie ‘s’éteint’ naturellement. Le lockdown a été décrété en Belgique avant la France, je pense que cela nous a sauvés.

Devant une maison de repos à Bruxelles.
Devant une maison de repos à Bruxelles. © BELGA

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La Belgique est donc mieux lotie que la France ?

Oui, car chez nous, les hospitalisations se tassent un peu. En France, elles continuent d’augmenter même si on observe un léger ralentissement. C’est quand même assez inquiétant. Le confinement n’est pas bien respecté. Cela nous pend au nez aussi en Belgique. Selon les résultats quotidiens des hospitalisations par province, on remarque que certaines provinces relâchent le confinement. Il y a 3 jours c’était Namur et le Hainaut et avant-hier, le Brabant wallon. Hier, on observait un fléchissement du côté de la Flandre-Orientale. On a tous constaté un relâchement avec les vacances de Pâques, toutes les personnes qui arrivent dans les hôpitaux aujourd’hui ont été contaminées il y a 10 jours quand il a commencé à faire beau.

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Comment peut-on sortir de ce confinement ?

Les mesures de confinement seront très certainement prolongées jusque début mai. Personnellement, je ne vois pas comment on va sortir de cette situation sans tester massivement, comme en Islande ou en Corée du Sud. On oublie beaucoup qu’en Asie, les citoyens sont extrêmement disciplinés vis-à-vis des règles imposées. En Suède aussi, les citoyens sont plus respectueux des règles.

Tout peut aussi changer du jour au lendemain, un peu comme la météo. Si on met la main sur un traitement qui permet de diminuer de 50% les patients en soins intensifs, cela va nous sauver. Des vaccins vont arriver, des essais cliniques commencent cet été, on aura peut-être un vaccin à l’automne.

Mais, si une seconde vague arrive et que les soins intensifs sont saturés, on n’aura pas d’autres choix que de renforcer les mesures de confinement. Chaque fois qu’on va « déconfiner » la population, il y aura des vagues successives d’épidémie. La caractéristique du coronavirus, c’est sa propagation très rapide, mais sa décroissance très lente, à cause de la récupération lente des malades qui restent contagieux.

Qu’en est-il de l’immunité de groupe ?

Selon mes analyses, la très mauvaise nouvelle, c’est qu’on est encore loin de l’immunité de groupe. Si on estime que 3% de la population présente des symptômes, et qu’il y a quasi autant de personnes asymptomatiques, on est à 6% de la population immunisée, alors qu’on devrait atteindre les 60%. Ce n’est pas très réjouissant.

Vous analysez aussi les chiffres des autres pays d’Europe dans vos graphiques…

C’est très compliqué de comparer les différentes données en Europe. Même en Allemagne, toujours présenté comme le pays modèle, avec le moins de décès causés par le virus, on observe que tous les décès hors hôpitaux ne sont pas rapportés.

En France, les données des décès en hôpitaux et hors institutions hospitalières sont plus transparentes. En Italie, la plus grande transparence est de mise depuis le début de l’épidémie. A 18h, chaque jour, toutes les données sont publiées par le gouvernement, dans les détails.

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Pour la Belgique, il faut quand même dire que les données officielles communiquées chaque jour par Sciensano sur lesquelles je me base pour établir mes statistiques en fonction du modèle que j’ai programmé, manquent de transparence. Ils pourraient faire aussi un effort sur leurs graphiques. Tout le monde patauge avec ces chiffres.

Aux Pays-Bas, ils négligent totalement ce qui se passe en dehors des hôpitaux. Il y a une surmortalité énorme, qui n’est pas imputée au Covid-19 alors qu’elle devrait l’être. L’an dernier, il y avait 2000 décès de moins. C’est le cas aussi en Grande-Bretagne.

Pour la Suède, les données sont plutôt chaotiques. Le modèle de statistiques que j’ai créé a du mal à s’ajuster alors qu’il s’adapte très facilement aux autres pays d’Europe. C’est très bizarre. Les données des décès montent en escalier comme s’ils étaient rapportés toutes les semaines ou seulement tous les 3, 4 jours. Il faudra attendre la fin de l’épidémie pour voir ce qui s’est passé chez eux. On est tous dans le flou pour le moment.

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On fera le bilan dans un an quand on verra qu’il y a une surmortalité énorme en Europe. Quand les vagues d’épidémies successives seront passées, on comptera des dizaines et des dizaines de milliers de morts.

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