Coronapass européen : une course contre la montre
Il est en passe de s’imposer comme la clé vers plus de liberté. On l’évoque pour donner accès à d’éventuels festivals ou encore comme sésame pour pouvoir voyager. Mais pour que le certificat sanitaire européen soit introduit avant l’été, il y a encore de nombreux obstacles à franchir. En Belgique, aussi, cela coince.
L’UE prépare la mise en place d’un certificat sanitaire européen qu’elle souhaite opérationnel avant la fin juin afin de faciliter la reprise de la libre circulation dans l’espace européen. Ce système de pass harmonisé entre les Vingt-Sept fait actuellement l’objet d’intenses négociations et de divergences. Les chefs de l’Etat et de gouvernement de l’UE en ont encore discuté lors du sommet de Porto qui s’est tenu vendredi et samedi.
Comment fonctionne un coronapass ?
Les citoyens téléchargent une application qui collecte leurs informations sanitaires. Dans ce cas-ci, il peut s’agir d’une preuve que le porteur est entièrement vacciné, qu’il a récemment contracté la maladie et qu’il a donc des anticorps ou qu’il a effectué un test négatif depuis moins de 72 heures. Ce dernier point fait donc que le vaccin n’est pas obligatoire. Si l’une de ces trois conditions est remplie – vaccin, testing ou immunité -, le citoyen peut alors utiliser son pass pour avoir accès à certains secteurs d’activité (horeca, culture, sports, voyage).
Au-delà des réticences, la vraie question est : sera-t-il prêt à temps ?
Charles Michel, le président du Conseil européen, souhaite que les dirigeants aplanissent les difficultés restantes lors de leur sommet du 25 mai. Alexander De Croo s’est montré confiant : « Début juin, toutes les règles seront élaborées ». Un avis également partagé par la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen,: « Les travaux juridiques et techniques sont en bonne voie pour être opérationnels en juin. Nous espérons un accord politique avec le Parlement et les Etats membres encore ce mois-ci. »
Un excès d’optimisme ? Certains points de ce futur sésame passent très mal auprès des Etats membres qui y voient un empiètement sur leurs compétences en matière de santé publique. Par exemple l’interdiction d’imposer des mesures supplémentaires telles que la quarantaine aux personnes qui ont été vaccinées, qui peuvent présenter un test PCR négatif ou qui ont des anticorps. L’exigence de gratuité des tests PCR est aussi un point sensible, tout comme le fait que seuls les vaccins approuvés par l’Agence européenne des médicaments (EMA) devraient être mentionnés sur le certificat. Ce point est particulièrement délicat pour les personnes originaires de Hongrie qui, pour certaines, ont reçu le vaccin russe et qui ne seraient dès lors pas autorisées à entrer dans un autre pays, ou se verraient imposer une quarantaine.
Eviter la cacophonie et un camouflet
Ce n’est que si on trouve une solution à tous ces écueils et que le Parlement européen donne son accord avant début juin, que le certificat pourrait être disponible à la mi-juin. La plupart des pays tablent sur le 21 juin pour un lancement effectif avec une marge de six semaines pour la mise en oeuvre dans les différents pays. Si la plupart des pays estiment que ce délai ne sera pas nécessaire, la Suède et l’Allemagne tiennent visiblement à ces six semaines. Dans ce cas, le certificat ne serait pas délivré avant le 1er août, soit à la moitié des vacances d’été.
En parallèle à l’Europe, de nombreux pays ont déjà planché sur leur propre pass, ou tout du moins un document s’y rapprochant. Certains, comme l’Autriche ont même déjà pris les devants. Pour ce pays la fin du mois de juin est de toute façon trop tard. « Nous conclurons des accords bilatéraux avec les pays voisins s’il n’y a pas de solution européenne », a ainsi déclaré la ministre du tourisme Elisabeth Köstinger. L’échec du coronapass va donc surtout provoquer une cacophonie avec un risque réel qu’on ne s’y retrouve plus. Ou encore un peu moins, c’est selon.
Sujet sensible en Belgique
En Belgique, Le Gems (le groupe d’experts chargés de conseiller le politique sur la gestion de la pandémie) travaille actuellement sur cette question de passeport sanitaire. Mais la version belge est encore loin d’être acquise. Car si au niveau européen c’est laborieux, en Belgique aussi le sujet est sensible. Et ce aussi bien du côté des experts que des politiques.
Du côté des experts, certains, comme Yves Coppieters, épidémiologiste et professeur de santé publique à l’ULB, trouve que c’est « excellente idée de transition, tant que la couverture vaccinale n’est pas plus étendue dans le monde ». D’autre y voient surtout un risque de discrimination si tout le monde n’a pas encore eu l’occasion de se faire vacciner, les moyens de se faire tester ou de changer d’avis et de tout de même se faire vacciner. La plupart estiment donc qu’il faudrait qu’au minimum 70 voir 80 % de Belges soient vaccinés avant d’instaurer ce potentiel système de certificat.
Au niveau politique aussi les avis divergent. Pour preuve, les déclarations politiques qui ont fleuri durant le week-end.
D’abord réticent, Alexander De Croo a changé son fusil d’épaule ce week-end puisque, selon certaines sources, il estime aujourd’hui « possible » d’organiser à nouveau « quelques grands festivals » dans « la seconde moitié de l’été », comme le rendez-vous de musique électronique Tomorrowland et « l’une des options envisagées consiste à accorder l’accès sur la base du +certificat vert+ européen », selon cette source. D’autant plus que « d’ici le mois d’août, tous les adultes » en Belgique « auront eu la possibilité de se faire vacciner ». Un avis qui tranche avec celui de Georges-Louis Bouchez qui est lui très clairement contre. Le ministre-président bruxellois Rudi Vervoort (PS) s’est lui, par contre, déclaré favorable à un tel pass, alors que chez Écolo, on se montre plus que réticent.
Ces remous bruyants annoncent quelques belles joutes lors du comité de concertation (codeco) de demain et qui devra baliser la gestion du déconfinement à venir. A tel point que ce sujet risque bien de rester en suspens.
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