Convoi de la liberté: « évitez Bruxelles lundi »
Plusieurs centaines de véhicules qui se revendiquent du convoi de la liberté sont actuellement en route vers Bruxelles. Après avoir tenté, sans vrai succès, de faire tomber la capitale française, ils continuent leur périple. Combien de manifestants sont attendus ? Vont-ils causer plus de problèmes en Belgique ? On fait le point.
Le « convoi de la Liberté » a tenu sa première grosse action hier à Paris. L’idée était de paralyser le périphérique, mais les militants n’y sont pas parvenus. Il faut dire qu’ils étaient attendus de pied ferme par la police. De nombreuses voitures ont été contrôlées, avec amendes et arrestation à la clé. Après une escale à Lille, la manifestation se dirigerait maintenant vers Bruxelles, prochain lieu de rassemblement.
La police fédérale se tenait prête dimanche soir. La police fédérale de la route surveille la situation à l’aide de contrôles mobiles à plusieurs endroits à frontière avec la France et en se concentrant essentiellement « sur la surveillance des voies d’accès et des grands axes de circulation en direction de Bruxelles » , a expliqué la porte-parole de la police fédérale An Berger. « Si nous croisons des personnes participant au convoi, nous les approchons et les informons. Les chauffeurs reçoivent un dépliant expliquant ce qu’ils peuvent et ne peuvent pas faire. » La police n’interviendra qu’en cas d’absolue nécessité. Pour l’instant, la situation est calme à la frontière franco-belge.
Les convois de la liberté, protestation hétéroclite de personnes opposées aux mesures sanitaires, appellent à rejoindre le centre de Bruxelles et son quartier européen demain/lundi. Le mouvement, initié depuis une semaine sur les réseaux sociaux, se présente comme « l’étape d’après » les manifestations de rue anti-gouvernementales, des « gilets jaunes » et plus récemment des opposants au pass sanitaire, sur le modèle des convois de manifestants anti-mesures sanitaires qui bloquent des axes frontaliers majeurs entre le Canada et les Etats-Unis depuis plusieurs jours et menacent l’économie.
Combien de manifestants il y aura-t-il à Bruxelles ?
C’est très difficile à dire pour l’instant. « Nous surveillons la situation en permanence et restons en étroite concertation avec la France. Pour l’instant, des véhicules individuels traversent la frontière mais certainement pas en convoi. Tout semble calme pour le moment et nous espérons que ça le restera », a ajouté la police fédérale.
Tôt dimanche matin, il y avait une centaine de camping-cars dans le bois de Boulogne, 220 véhicules en Seine-et-Marne et 120 dans le Val-d’Oise, selon une source policière. Le mot d’ordre des organisateurs des convois anti-pass était de prendre la route vers 10H00 pour rallier Bruxelles, où un grand rassemblement est prévu lundi.
Ainsi des centaines de voitures sont déjà parties depuis les environs de Paris dans la matinée. Selon une source de la police française, quelque 850 véhicules ont quitté la banlieue de Paris et le bois de Boulogne, à l’ouest de la capitale, en début d’après-midi pour se rendre vers Lille dans un premier temps. D’autres sont venus directement d’ailleurs en France, selon une autre source policière, précisant qu’il n’y avait pas de « stratégie d’interpellation »
C’est donc quelque 1.300 véhicules, selon la police, participant aux convois anti-pass venus de toute la France ont fait escale dimanche près de Lille (nord). Arrivés dans un concert de klaxons, sur un parking à 10 km de Lille, les participants y manifestaient dans la soirée aux cris de « On lâche rien », « Liberté liberté », brandissant de nombreux drapeaux français. « On ira à Bruxelles pour essayer de bloquer, pour lutter contre cette politique de contrôle permanente », affirmait à l’AFP Jean-Pierre Schmit, un chômeur de Toulouse (sud-ouest) de 58 ans qui a manifesté samedi à Paris. « Le programme, c’est petit à petit aller voir toutes les institutions européennes (…), on sait pas jusqu’où on va aller mais on chemine et on fait entendre notre voix », expliquait à l’AFP Sandrine, une chargée de production de 45 ans venue de Lyon (centre-est) et refusant, comme beaucoup, de donner son nom.
Leur intention serait de franchir la frontière belge en direction de Bruxelles lundi matin, tandis que sur les boucles du système de messagerie Telegram utilisées par les participants, conseil est donné de passer la frontière en ordre dispersé.
D’autres participants devraient aussi venir des Pays-Bas et d’Allemagne. Sur les médias sociaux, des appels ont également été lancés aux habitants de villes comme Mons et Arlon pour qu’ils viennent à Bruxelles précise encore la VRT. Mais comme tout cela est très peu structuré une estimation exacte est compliquée.
Si le nombre exact reste donc fort flou, il semble à peu près certain qu’il ne s’agira pas de camions, mais principalement de voitures, de camping-cars et de quelques motos.
Vont-ils vraiment paralyser Bruxelles ?
Même peu nombreux et peu visiblement peu organisés, ils peuvent tout de même provoquer beaucoup d’embarras en provoquant une perturbation majeure du trafic. Mais là encore il faut qu’ils bloquent les bons tunnels ou carrefours, ce qui sera difficile sans l’aide d’une branche belge. Selon l’expert de la circulation Hajo Beeckman de la VRT, les principaux problèmes risquent de survenir sur les routes régionales en provenance de Liège et de Louvain, de Mons et de Halle et de Wavre. Plus tard, il pourrait également y avoir des problèmes dans le quartier européen et sur le périphérique de Bruxelles, où certains manifestants ont déjà indiqué qu’ils rouleraient lentement ou organiseraient des blocages temporaires.
Brussels Airport avertit dimanche les voyageurs qui souhaitent relier l’aéroport à prendre leurs précautions alors que la capitale risque d’être perturbée lundi par l’arrivée d’un convoi de la liberté. « Gardez l’actualité à l’oeil, arrivez à l’avance et prenez si possible le train », conseille la porte-parole de l’aéroport, Nathalie Pierard. La crainte est que des manifestants bloquent les voies d’accès à l’aéroport de Bruxelles-National. La police sera déployée pour sécuriser ces accès pour les passagers et employés mais Brussels Airport demande aux voyageurs à bien suivre l’évolution de la situation et à partir suffisamment tôt pour ne pas rater leur vol. « Nous recommandons de prendre le train, dans la mesure du possible », ajoute Mme Pierard. Environ 12.000 passagers au départ de l’aéroport national de Zaventem sont attendus lundi.
L’hôpital universitaire UZ Brussel prévient sur son site web qu’il pourrait être difficilement accessible lundi en raison du convoi de la liberté qui souhaite rejoindre la capitale belge. Il recommande aux patients de prévoir suffisamment de temps pour arriver à l’heure de leur rendez-vous.
« Evitez Bruxelles lundi ! »
La police fédérale et la police locale de Bruxelles-Capitale/Ixelles ont appelé samedi à respecter l’interdiction de manifester dans la capitale avec des véhicules motorisés, qui entrera en vigueur à minuit et sera maintenue tout du moins jusqu’au mardi à 08h00. À Gand, les convois sont également interdits à partir de ce samedi et jusqu’au dimanche 20 février. Les véhicules seront uniquement tolérés au parking C du Heysel, sur le site de Brussels Expo.
Le « convoi de la liberté » a en effet annoncé son intention de manifester dans le centre de Bruxelles lundi. Aucune demande d’autorisation n’a été formellement introduite auprès des autorités locales. Le convoi n’a en conséquence pas été autorisé. Le ministre-président de la Région de Bruxelles-Capitale Rudi Vervoort et le bourgmestre de Bruxelles Philippe Close ont de plus émis une interdiction de manifester avec des véhicules motorisés.
Que compte faire la police ?
La police fédérale surveillera la circulation en direction de Bruxelles. Dans un premier temps, elle prendra contact avec les conducteurs pour leur expliquer, au moyen d’un flyer, ce qui est ou non autorisé. Ils pourront éventuellement être escortés par les services de police.
Ce n’est que dans un deuxième temps que la police considère la possibilité d’intervenir de manière plus répressive, entre autres au moyen de contrôles. Cela sera par exemple mis en oeuvre si des groupes d’automobilistes organisent des blocages sur l’autoroute ou se dirigent vers le centre.
Les polices travaillent en collaboration avec les parquets. Des accords ont été conclus concernant le suivi et la poursuite des infractions de droit commun qui pourraient être commises. Les éventuels auteurs d’infractions pourront être convoqués immédiatement et, dans le cas d’infractions les plus graves, déférés devant le juge d’instruction, qui peut décider de délivrer des mandats d’arrêt.
Outre le possible remorquage de véhicules, l’entrave malveillante à la circulation est passible de peines de prison pouvant aller jusqu’à 10 ans, voire plus si les actes entraînent une incapacité de travail.
Les actes de rébellion contre la police sont passibles d’une peine d’emprisonnement de 6 mois maximum, qui peut aller jusqu’à 10 ans en cas de circonstances aggravantes. Frapper un policier augmente la peine maximale à un an d’emprisonnement, qui est assortie d’une amende de 2.400 euros. La peine d’emprisonnement peut atteindre 15 ans en cas de circonstances aggravantes, telles que la préméditation.
La police conseille aux personnes qui le peuvent d’éviter de se rendre lundi dans la capitale et sur le ring de Bruxelles. Elle recommande de privilégier les transports en commun.
Les convois de la liberté: un concept qui s’essaime
Les manifestations anti-mesures sanitaires apparues au Canada sont en train d’essaimer dans plusieurs pays, dont la Belgique où des convois sont attendus lundi.
– Canada –
Initié fin janvier par les camionneurs canadiens qui dénonçaient l’obligation vaccinale pour traverser la frontière avec les Etats-Unis, le mouvement qui s’est baptisé « Convoi de la liberté » s’est rapidement transformé en protestation contre les mesures sanitaires dans leur ensemble au Canada et, pour certains manifestants, contre le gouvernement de Justin Trudeau. Dans la capitale fédérale Ottawa, des centaines de camions bloquent les rues depuis deux semaines. Après Ottawa dimanche, l’état d’urgence a été décrété vendredi dans tout l’Ontario. Ces protestations se sont étendues à d’autres grandes villes canadiennes (Toronto, Winnipeg, Québec…) ainsi qu’à trois axes frontaliers avec les Etats-Unis, avec l’objectif de frapper l’économie. Ils ont ainsi notamment bloqué le pont Ambassador, qui relie la ville canadienne de Windsor à Detroit aux Etats-Unis, crucial pour l’industrie automobile ainsi que pour les hôpitaux américains, où travaillent de nombreuses infirmières canadiennes. La Cour supérieure de l’Ontario a ordonné vendredi la levée de ce blocus. Parmi les promoteurs du mouvement figurent plusieurs militants du Maverick Party – une organisation politique, marginale et embryonnaire, militant pour l’indépendance des provinces de l’Ouest -, ainsi que Canada Unity, fondé par James Bauder, qui a publiquement soutenu les thèses de la mouvance complotiste QAnon et a qualifié le Covid-19 de « plus grande arnaque politique de l’histoire ». »Toutes les options sont sur la table » pour mettre fin aux convois, a déclaré vendredi M. Trudeau.
– France –
Une partie des milliers d’opposants au pass vaccinal, dont les convois se dirigeaient vers Paris, a réussi samedi à atteindre les Champs-Élysées, déclenchant rapidement l’intervention des forces de l’ordre pour les disperser. Voitures, camping-cars et camionnettes étaient partis de plusieurs villes de province, circulant pendant deux ou trois jours à vitesse réduite sur des routes secondaires pour rejoindre la capitale. A deux mois de l’élection présidentielle, les partisans de ce mouvement, inspirés par les événements au Canada, se réclament également des « gilets jaunes », la mobilisation populaire de 2018-2019, déclenchée par une hausse des prix de l’essence qui avait tourné à la révolte contre le président Emmanuel Macron.
– Nouvelle-Zélande –
En Nouvelle-Zélande, des manifestants anti-vaccins campent depuis mardi devant le Parlement, dans un « Camp de la liberté ». Jeudi, la police a essayé de les disperser, sans succès, donnant lieu à de violents affrontements. Plus de 120 personnes ont été arrêtées. Le nombre de manifestants est passé d’environ 250 au début à près de 1.500 vendredi.
– Pays-Bas –
Des opposants aux restrictions sanitaires venus en convois de tous les Pays-Bas ont bloqué samedi pendant plusieurs heures le centre de La Haye. Les organisateurs exigeaient la levée de l’ensemble des restrictions sanitaires dans le pays.
– Autriche –
En Autriche, la police a annoncé jeudi l’interdiction des « convois de la liberté », invoquant une nuisance « inacceptable », alors que plusieurs centaines de véhicules avaient prévu de converger vendredi vers le centre de Vienne ainsi qu’à proximité d’un grand parc public.
– Belgique –
Les autorités ont annoncé jeudi interdire l’accès à Bruxelles d’un convoi attendu lundi dans la capitale belge, selon un appel circulant sur les réseaux sociaux qui évoque une « convergence » depuis toute l’Europe.
– Etats-Unis –
Les Etats-Unis ont demandé au Canada d’employer les « pouvoirs fédéraux » pour lever les blocages à la frontière des deux pays. La Maison Blanche dit avoir été avertie de l’organisation d’un « convoi de la liberté » à Washington début mars et assure « prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer que ce convoi ne perturbe pas le commerce ou les transports, et n’affecte pas le travail du gouvernement fédéral, des forces de l’ordre et des secours ». Les convois ont reçu le soutien de responsables conservateurs américains, du sénateur du Texas Ted Cruz, qualifiant les protestataires de « héros » et de « patriotes », à l’ex-président Donald Trump en passant par le milliardaire Elon Musk.
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici