Fiers, oui, nous pouvons l’être, résolument et sans complexes, de tous ces Belges qui, avec les Congolais, ont créé et développé ce pays immense, quatre-vingt fois la Belgique !
Ce texte répond à l’opinion : « Colonisation : menons des actes qui nous rendent fiers ! »
A commencer par Leopold II, Roi-Souverain de l’Etat Indépendant du Congo, qui en est le père fondateur, comme le reconnaissent volontiers les Congolais eux-mêmes. Il n’a évidemment pas manqué d’en exploiter les richesses, à l’instar des autres puissances coloniales. A la différence de celles-ci, il a toutefois voulu d’emblée ajouter une dimension humanitaire à son intervention en mettant fin aux guerres tribales et aux razzias des esclavagistes qui vidaient le pays de ses forces vives.
C’est aussi sous son impulsion que les premières écoles et les premiers hôpitaux ont vu le jour et qu’ont été lancés des programmes d’éradication de la fièvre jaune, de la maladie du sommeil et de la malaria En même temps il mettait progressivement en place un Etat de droit avec une organisation judiciaire indépendante. Il veilla tout spécialement à doter le pays des infrastructures indispensables à son développement économique et fit construire le premier chemin de fer donnant accès à la côte atlantique, sans lequel « le Congo ne valait pas un penny ».
Tout en dénonçant certains abus et autres déficiences indéniables, la Commission internationale indépendante instituée en 1904 à l’initiative de Leopold II afin de vérifier sur place le bienfondé des accusations de maltraitance lancées contre son régime, n’en a pas moins voulu reconnaître ses réalisations en termes particulièrement élogieux, comme suit ;
« Lorsqu’en voyageant au Congo on fait la comparaison entre l’état ancien, que l’on connaît par les récits et les descriptions des explorateurs et l’état actuel, l’impression éprouvée tient de l’admiration et de l’émerveillement…Aujourd’hui la sécurité règne partout dans cet immense territoire…On se demande par quel pouvoir magique ou quelle volonté puissante, secondée par d’héroïques efforts, on a pu transformer ainsi, en peu d’années, la face de la terre… »
Malgré les conclusions accablantes de ce rapport, Leopold II n’a pas hésité à le faire publier – in extenso – au Journal Officiel de l’Etat Indépendant du Congo. Il a veillé à ce que les auteurs des abus soient poursuivis et surtout pris dans la foulée une série de mesures radicales pour y mettre fin, en édictant pas moins de 25 Décrets à cet effet. Les résultats ne se sont pas fait attendre et ont été à la mesure des dispositions prises.
Pour illustrer ce qui précède, nous avons cette lettre savoureuse, adressée en 1907 par le Chef Manangame d’Avakubi à un officier de la Force Publique, où il lui dit ceci : « Dans le temps quand les Arabes étaient les chefs, ils prenaient nos femmes et enfants et les vendaient comme esclaves. Sans pitié ils pillaient le pays et brûlaient les villages. Le blanc ne brûle jamais des villages et si on va chez lui avec des poules et des bananes, il nous paye toujours pour tout. Il paye bien aussi pour le Mupira (caoutchouc). Le blanc a éliminé le trafic des esclaves. Mais nous les hommes noirs, on veut quand même que les blancs partent, parce qu’ils nous forcent à maintenir les routes en état et on ne peut plus faire la guerre contre les voisins et on peut même plus manger les prisonniers, car si on les mange, on est pendu !… »
Fiers aussi des Belges qui ont oeuvré au Congo depuis sa reprise par la Belgique en 1908 jusqu’à son indépendance proclamée le 30 juin 1960. Durant ces 52 années, le Congo Belge a connu une progression spectaculaire du bien-être de sa population autochtone. La pax belgica maintenue, la scolarisation gratuite quasi complète au niveau primaire, largement répandue au secondaire et la création de deux universités, la gratuité entière des soins médicaux dispensés jusqu’aux endroits les plus reculés de la colonie, le développement de l’agriculture avec l’introduction de cultures de rapport, l’exploitation industrielle des produits miniers, une balance commerciale excédentaire, la stabilité monétaire etc. sont autant de motifs de fierté de ce que nos compatriotes y ont réalisé en si peu de temps et avec aussi peu de moyens en hommes et en argent !
Et tout cela fut accompli grâce aux efforts quotidiens de ceux qui s’y sont consacrés corps et âme, en dépit de la gravissime crise économique des années ’30 et des deux guerres mondiales qui marquèrent cette époque. Signalons avec fierté à ce sujet que les deux toutes premières victoires remportées par les Alliés durant ces conflits, le furent par les valeureux officiers et soldats de la Force Publique du Congo Belge, à Tabora (Tanganyika) en 1916 et à Saio (Abyssinie) en 1941.
Mais pas fiers par contre, de la façon dont nos politiciens ont joué le sort du Congo au cours de la Conférence de la Table Ronde, en pariant naïvement sur la manière dont les nouveaux décideurs allaient s’acquitter de leur tâche alors que leur incompétence était notoire, comme le montraient à l’évidence les promesses farfelues et irréalisables qu’ils faisaient à leurs électeurs…
La très forte pression internationale anticolonialiste, attisée par les conférences de Bandoeng et d’Accra ainsi que les influences néfastes conjuguées des deux superpuissances rivales qu’étaient les USA et l’URSS à cette époque ne laissaient, il est vrai, qu’une très petite marge de manoeuvre aux Belges face aux représentants du peuple congolais, avides d’indépendance immédiate, même si tous n’étaient pas aussi intransigeants.
Nos politiciens auraient toutefois dû prévoir, comme le firent la France et l’Angleterre, la mise en place de mesures d’accompagnement appropriées pour parer au pire et prévenir l’écroulement des structures de l’Etat. Au lieu de quoi, ce fut un « lâchez tout » total et inconditionnel !
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« Pourvu qu’ils ne me le cochonnent pas, mon Congo ! » soupirait Leopold II au moment où il en cédait la souveraineté à la Belgique. Hélas, Sire, « ils » vous l’ont cochonné ! .
Fiers enfin, nous pouvons l’être aussi, des Belges qui continuent aujourd’hui encore, à travailler au Congo, comme ces missionnaires qui ont choisi d’y rester, envers et contre tout. Que ce soit comme enseignants, médecins, agronomes, conseillers, techniciens dans les entreprises publiques ou privées, comme militaires chargés de la formation d’un bataillon d’élite au sein des FARDC, ou comme coopérants dans des ONG performantes et réellement soucieuses d’améliorer les conditions de vie des habitants de ce pays magnifique, ils contribuent ainsi à maintenir bien vivaces les liens qui nous unissent depuis tant d’années, Belges et Congolais !
Ce texte a été écrit en 2010 à l’occasion du 50ième anniversaire de l’Indépendance du Congo. L’auteur était alors président de l’UROME-KBUOL (Union Royale Belge pour les Pays d’Outremer).
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