Thierry Fiorilli
Confédéralisme : « Le chacun sa route, c’est le sens de l’histoire belge »
C’est la théorie de l’évolution. Chaque modèle vivant se transforme, progressivement, jusqu’à parfois déboucher sur l’apparition de nouvelles espèces. Dans la nature, le processus court sur des centaines de milliers d’années. Lorsqu’il s’agit d’Etats, la métamorphose s’opère sur un laps de temps beaucoup plus réduit. Mais le mouvement est comparable. Et la Belgique en est l’un des symboles les plus éclatants, en mutation perpétuelle qu’elle est depuis bientôt cinquante ans.
C’est la succession de réformes institutionnelles, chez nous. La sixième est en cours. Et la septième est annoncée, puisque le 26 mai dernier l’a confirmé, les chemins choisis sont si opposés qu’il n’y aura que peu d’alternatives au » chacun sa route » qui nous pend au nez depuis si longtemps.
C’est le sens de l’histoire pour les Belges. Qu’on l’appelle confédéralisme ou pas, qu’il signifie de nouveaux pouvoirs transférés à deux, trois ou quatre entités, que Bruxelles jouisse d’un statut particulier ou non, que ce soit dans cinq, dix ou vingt ans, le biotope belge va encore évoluer. Avec toujours plus d’autonomie pour les Régions et Communautés. Toujours moins de liens entre Flamands, Wallons et Bruxellois. Toujours moins de réalités en commun.
Rappel des opérations de dislocation :
– 1970 : création des Communautés flamande, francophone et germanophone, compétentes en matière culturelle ;
– 1980 : les Communautés gèrent aussi la santé et l’aide sociale et débarquent deux Régions (la flamande et la wallonne) avec des compétences propres (environnement, aménagement du territoire, développement économique) ;
– 1988 : les Communautés héritent de l’enseignement, de la protection de la jeunesse, de la recherche scientifique ; les Régions passent à trois (Bruxelles sort du frigo) et gèrent les transports et les travaux publics, élargissant leur pouvoir décisionnel économique ;
– 1993 : l’Etat devient fédéral, les assemblées parlementaires régionales sont directement élues et les Régions vont gérer les intercommunales, le commerce extérieur et l’agriculture ;
– 2001 : aux Régions la tutelle sur les provinces et les communes, une partie de la coopération au développement et des compétences fiscales ;
– 2011 : aux Régions ou Communautés les allocations familiales, le bien-être animal, les maisons de repos, les aides à l’emploi, le code de la route…
Le vote du 26 mai et l’impossibilité à s’accorder sur un projet commun à long terme qui en résulte vont pousser à ce qu’une grande partie des dernières compétences nationales, comme on disait, deviennent, elles aussi, l’apanage des Régions et Communautés. C’est ce qui arrivera. A court ou moyen terme. Inévitablement. Depuis un demi-siècle que le mécanisme est lancé, nier son prolongement serait suicidaire. Comme ne pas, enfin, l’anticiper, et singulièrement côté francophone, Wallons et Bruxellois n’étant toujours pas en position de force… Mais sans s’en désespérer puisque, rappelle le Muséum d’histoire naturelle de France, la théorie de l’évolution est » un processus qui n’admet pas de jugement de valeur, où aucune espèce n’est supérieure ou plus évoluée qu’une autre. Un processus qui, partant de la variabilité des organismes, aboutit au foisonnement de la vie. Un processus qui produit aussi bien de la régularité que du changement. Un processus qui n’a jamais de fin, tant qu’il y a du vivant. »
L’inexorabilité des choses. Pas pour autant la fin du pays.
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